RDC: devenu médecin, le prêtre exerce dans une maternité

Dr abbé Olivier Tundu Watuta exerce son ministère comme médecin généraliste dans un hôpital de brousse, sur les rives du lac Kivu (RDC). Portrait atypique d’un prêtre-docteur parfois empêché par son travail de célébrer des messes, mais pour qui sauver des vies humaines représente «la plus grande eucharistie».

Chanoine José Mittaz à Bukavu, pour cath.ch

Surplombant le lac Kivu, qui lui offre un horizon imprenable, la maison des prêtres est pour l’abbé Olivier le point de départ d’une marche en solitaire qui le mène chaque matin jusqu’à l’hôpital. Avec trois autres confrères, il habite à l’aumônerie, une ancienne demeure de médecins belges dont les murs sont toujours ornés par les photos jaunies de ses premiers occupants.

Dr abbé Olivier doit marcher 10 minutes dans la forêt pour rejoindre l’hôpital où il travaille | © José Mittaz

Douce est la lumière sur le chemin, réfractée par le feuillage d’arbres majestueux ravivant dans un léger bruissement la mémoire de Gaudi et l’architecture de la Sagrada Famiglia. Des chants d’oiseaux prolongent ou parfois suppléent à la prière des Laudes que l’abbé Olivier célèbre avec ses confrères, chaque fois qu’il le peut. La petite marche ascensionnelle dispose à la contemplation et offre en dix minutes une respiration libre et vivifiante: un Jardin des Oliviers bienvenu avant que le prêtre, revêtu de la blouse médicale, ne soit exposé au stress hospitalier et à la souffrance des malades.

Maternité en ruine

Construit en 1928 par les Belges, l’Hôpital de la Fomulac est un établissement de référence au service d’une très large zone de santé. Son nom porte les lettres de son origine: «Fondation Médicale de l’Université de Louvain en Afrique Centrale». Après le retrait des Belges du Congo et depuis 2004, l’hôpital est géré par l’archidiocèse de Bukavu. Ravagé par le séisme de 2010, le site en ruine de la maternité est un vibrant appel à la solidarité internationale, dans l’espoir d’une renaissance.

«Même subventionnés, les soins sont très chers pour les indigents de la brousse»

Depuis treize ans, le service d’obstétrique est relocalisé de façon provisoire: les malades aux différentes pathologies cohabitent dans les mêmes espaces, augmentant ainsi le risque de propagation des infections.

Missionnaire au service des indigents

En ce Mardi Saint 2023, le presbyterium de Bukavu se réunit autour de Mgr François-Xavier Maroy pour la messe chrismale. Parmi eux se tient l’abbé Claude Baguma, coordinateur de différents projets sur le site de la Fomulac. Il témoigne: «À la messe chrismale, j’ai beaucoup pensé à Olivier. Nous y avons renouvelé nos engagements sacerdotaux et notre communion avec l’évêque. Lui, il l’a fait à l’hôpital en train d’opérer. Donc il était aussi en communion avec nous, puisqu’il était dans un service qui exige qu’il soit là pour sauver des vies.» Ce matin-là, en effet, Dr abbé Olivier a dû pratiquer une césarienne pour que Mama Justine puisse accoucher de sa petite fille. Le prénom choisi pour l’enfant fait discrètement mémoire de la sainte semaine qui l’a vue naître: «Ciza Keo Pascaline».

Les couloirs de l’Hôpital de la Fomulac (Sud-Kivu/RDC) | © José Mittaz

Même subventionnés, les soins sont très chers pour les indigents de la brousse. Mama Justine n’a pas les moyens de payer les 80 dollars demandés pour la césarienne. Mais puisque la santé de la maman était en jeu, l’opération a été pratiquée. À titre comparatif, le salaire mensuel d’une infirmière est d’environ 150 dollars et celui d’un médecin de 300 dollars. Alors que les enseignants en primaire ne sont souvent pas salariés, chaque député provincial perçoit une mensualité de 13’000 dollars. Les disparités sont abyssales.

Médecin de l’âme et du corps

Si Dr abbé Olivier aspirait dans sa jeunesse à devenir missionnaire pour évangéliser les régions peu christianisées de son pays, il se retrouve aujourd’hui missionnaire au service des indigents: médecin de l’âme et du corps. Son parcours jusqu’à la prêtrise a été des plus classiques: quatre ans de philosophie et cinq ans de théologie au séminaire de Bukavu.

«En me sacrifiant, en passant des nuits sans fermer l’œil, en voyant des gens qui souffrent, voilà pour moi la plus grande eucharistie»

Dr abbé Olivier

Ordonné prêtre en 2004, ce fut une drôle de surprise pour le jeune vicaire lorsque Mgr François-Xavier Maroy lui a demandé en 2008 d’entreprendre des études de médecine. «Je ne m’y attendais pas, car ce n’était pas mon choix. Je ne croyais pas en avoir les capacités. Repartir à 35 ans pour 10 ans d’études, c’est long. Dans cette période, j’ai compté sur le Seigneur en lui demandant plus de force et d’intelligence. Ma maman m’a encouragé ainsi que mes amis», parmi lesquels des confrères prêtres qui l’ont beaucoup soutenu. L’exercice de la médecine par un prêtre étant soumis à une autorisation du Saint-Siège, l’archevêque a dû entreprendre les démarches adéquates.

Dr abbé Olivier Tundu Watuta dans le jardin intérieur de l’Hôpital de la Fomulac | © José Mittaz

Mais l’hôpital manque cruellement de moyens pour répondre à sa mission et c’est parfois aussi ce que l’abbé médecin éprouve en lui-même. «Je suis désarmé face à des malades chroniques ou à un stade avancé. Je me sens incapable de venir en aide et de leur apporter le soutien qu’il faut. Et je me demande jusqu’où il faut aller… Si j’avais plus d’énergie, de force et d’intelligence, je pourrais encore faire mieux, et là ça m’affecte. L’angoisse, le sentiment d’être seul, abandonné, dans une certaine tristesse de ne pouvoir faire mieux.»

Dieu qui passe inaperçu

Jésus en prière au jardin des Oliviers. Pour l’abbé médecin, il s’agit d’une référence spirituelle importante que lui rappelle d’ailleurs son propre prénom. «Ma vie est une prière donnée parce que je suis en train de vivre les moments de joie et de tristesse avec les plus pauvres et ceux qui souffrent. Et pour moi, c’est cela la prière.» 

En devenant médecin, l’abbé Olivier renouvelle son sens de l’Eucharistie qu’il célèbrera le dimanche en cherchant à la vivre également la semaine. «Avant d’être médecin, je n’avais pas la dimension d’une eucharistie vécue. En me sacrifiant, en passant des nuits sans fermer l’œil, en voyant des gens qui souffrent, voilà pour moi la plus grande eucharistie: une action de grâce, au vrai sens du terme, pour la vie, la santé et le bien-être. Ces dons de Dieu passent souvent inaperçus. Mais quand on voit des gens souffrir au point de n’avoir que le Seigneur comme unique référence ou recours, alors on se rend compte combien le Seigneur passe lui-même inaperçu.» (cath.ch/jm/rz)

Le chanoine du Grand-Saint-Bernard José Mittaz, actuellement en mission dans le Sud-Kivu (RDC) a ouvert un site dans le but d’inviter le plus grand nombre à soutenir l’espérance et encourager la solidarité dans la région de Bukavu. www.amisdebukavu.com. RZ

Rédaction

Portail catholique suisse

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