Du 1er au 6 août 2023, Lisbonne vibrera d’énergies très particulières. Des centaines de milliers de jeunes venus du monde entier arpenteront les rues de la capitale portugaise, sans doute dans un joyeux et fervent brouhaha. Claire Jonard, chargée de projets pour la pastorale jeunesse de Suisse romande, est l’une des chevilles ouvrières de l’organisation en Suisse romande. cath.ch l’a rencontrée à Lausanne.
Où en sont les préparatifs en Suisse romande?
Claire Jonard: Le 8 mars dernier, tous les responsables de groupes se sont réunis. Nous étions 40, de toute la Suisse romande. A ce moment-là, nous avons réellement ressenti que nous étions en route. C’est un très beau groupe, avec une belle diversité, avec des jeunes plus expérimentés, d’autres moins, des prêtres, des religieuses, des agents pastoraux, des Suisses, des Portugais… Donc des profils très différents, mais nous avons certainement reçu lors de cette soirée une grâce particulière de cohésion. En voyant ce groupe, je me suis dit que c’était une belle image de l’Eglise.
Quel est l’état d’esprit?
Deux choses m’ont frappées lors des échanges que nous avons eus : d’une part un grand sentiment de fraternité, qui s’est reflété dans la convivialité de la soirée. D’autre part le fait que deux tiers des jeunes inscrits et des animateurs présents n’ont encore jamais fait de JMJ. Ils n’ont pas d’attente particulière, ils se laissent conduire par l’aventure à vivre, et ils s’y préparent, poussés par l’enthousiasme de la découverte.
Où en sont les inscriptions?
Nous en avons quatre à cinq nouvelles par jour. Actuellement, nous sommes autour de 500 pour la Suisse romande. C’est d’ores et déjà plus que pour les dernières JMJ. Nous sommes plus unifiés que par le passé, il y a un vrai projet commun JMJ Suisse romande.
«Le pape François a demandé que les catéchèses présentent un aspect du Synode»
Nous avions peur que la fréquentation ait diminué après le Covid, mais c’est plutôt le contraire qui se passe, et nous en sommes très heureux. On sent bien que nous sommes dans un «deuxième cercle» d’inscriptions. Après le «premier cercle» des «convaincus», ce sont plutôt des amis invités par ces derniers.
Et hors de Suisse?
Je sais que les Français pensent avoir près de 30’000 inscrits. Au niveau de Lisbonne, ça augmente aussi beaucoup. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais cela se compte en centaines de milliers.
Et l’organisation sur place?
Le dispositif a pris une ampleur impressionnante. Quand je suis allée à Lisbonne, en février 2022, le Comité d’organisateurs local (COL) avait trois membres. Aujourd’hui, ils sont plus de 500. Mais c’est juste l’équipe qui gère l’aspect central des JMJ. Il y a encore tous les autres comités dans les paroisses, les diocèses, cela fait des milliers de personnes impliquées.
A Lisbonne, les autorités civiles sont aussi pleinement engagées. Un bureau de la municipalité s’est installé juste à côté de ceux du COL, afin de coordonner au mieux leurs actions. Beaucoup de choses doivent être gérées en commun, aussi bien au niveau des transports que de la logistique ou encore de la sécurité.
En quoi ces JMJ seront se différencieront-elles des précédentes?
Le programme est certes toujours le même dans les grandes lignes. La visite du pape constitue le point d’orgue de l’événement. Sa présence est très importante, c’est lui qui nous rassemble. Mais sur son programme, il y a encore beaucoup d’incertitude. Cela va dépendre de ce que le pape veut. C’est en négociations pour l’instant. On sait que François a demandé que les catéchèses présentent un aspect du Synode (sur la synodalité), que les jeunes puissent y travailler les questions posées dans le cadre du Synode.
Il y aura sinon un Festival de la jeunesse et un espace dénommé la «Cité de la joie», qui proposera des confessions, un accompagnement spirituel et des stands sur différentes vocations.
Mais je dirais que la nouveauté de ces JMJ se situe surtout dans l’orientation. Les organisateurs veulent s’adresser à tous les jeunes, quelques soient leurs croyances. Et cela notamment par les concerts et les activités sportives. Les groupes de musique ne vont ainsi pas être forcément catholiques. Des personnes de différentes religions et sensibilités participeront aussi au colloque sur l’écologie.
De manière générale, suis persuadée que ces JMJ vont être extraordinaires à de multiples points de vue. La ville de Lisbonne est tellement agréable, avec son mélange de bord de mer, de parcs ombragés, sa vieille ville historique et ses quartiers modernes…
Mais un certain nombre de défis se poseront aussi…
Nous avons effectivement soulevé, avec le comité d’organisation, des points d’attention. Il y a par exemple l’accès à l’eau. Le but est de ne pas utiliser trop de bouteilles en plastique, notamment, pour des raisons écologiques. Il nous faudra aussi compter avec la chaleur, qui risque d’être intense dans la ville à cette époque de l’année. Et paraît-il les moustiques, dont on nous a toutefois assurés qu’ils n’étaient pas porteurs de maladies.
Avant le départ, nous voulons aussi sensibiliser les jeunes à la nécessité de respecter la dignité de chacun. Cela implique évidemment la prévention des abus, qu’ils soient spirituels ou sexuels. Ce sont des choses qui n’ont pas été forcément faites dans les autres JMJ. Mais le contexte d’aujourd’hui nous force à y porter attention. En particulier le fait que l’Eglise au Portugal a récemment publié un rapport sur les abus dans le clergé.
«Les JMJ sont un lieu de découverte de l’Eglise et du monde»
Nous allons donc préparer des chartes sur toute une série de réalités qui peuvent toucher les jeunes, telles que la drogue, l’alcool, les relations entre majeurs et mineurs…Il faut tout de même être lucide sur ces questions, car les JMJ sont un événement avec beaucoup de promiscuité.
Craignez-vous que certains jeunes n’y aillent pas dans un bon état d’esprit?
Cela peut toujours être le cas, nous en sommes conscients. Les jeunes viennent avec toutes sortes de motivations différentes. Nous voulons en tout cas mettre en avant qu’il ne s’agit pas d’un séjour touristique, même s’il peut aussi contenir cette dimension. Les JMJ sont avant tout un pèlerinage. Des choses peuvent ne pas se passer comme prévu, tout le monde doit être préparé à un certain degré d’incertitude.
Qu’espérez-vous que les participants retiennent de l’aventure?
Personnellement, j’ai fait toutes les dernières JMJ. Et je peux dire que c’est un événement d’Eglise irremplaçable dans la vie d’un jeune. On y vit à la fois le local et le global. On y expérimente en même temps une communion énorme, surtout lors des grandes célébrations, où l’on est portés, et une intense expérience personnelle de foi, qui est différente pour chacun.
Les JMJ sont à la fois un lieu de fête, de prière, de formation, de service, et de découverte, de l’Eglise, mais aussi du monde. C’est un événement où l’on rencontre tous les peuples, où l’on apprend à se connaître et où l’on construit la paix.
C’est aussi une expérience qui crée des amitiés au sein des groupes. Et ce sont des liens souvent très durables. Beaucoup de groupes de jeunes aujourd’hui très actifs et qui apportent des forces vives dans les paroisses ou ailleurs se sont formés aux JMJ. Je pense qu’une grande partie des personnes de moins de 50 ans engagées aujourd’hui en Eglise ont vécu aux JMJ une expérience décisive pour leur chemin de foi. (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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