Le texte été rendu public par le Saint-Siège quelques heures seulement avant la célébration. Parmi ces voix de tous les continents que le pape a écoutées dans ses voyages apostoliques : un jeune enfant ukrainien et un jeune enfant russe, qui expriment leur tristesse et leur supplication, mais aussi des migrants, et de nombreuses femmes victimes de violence.
En raison du froid, comme annoncé dans l’après-midi, le pontife de 86 ans suivra le Chemin de croix depuis sa résidence Sainte-Marthe au Vatican.
« Tous les lieux où l’on souffre de conflits, de haines et de persécutions sont présents dans la prière de ce Vendredi saint », peut-on lire dans l’introduction de cette méditation. Les divers rédacteurs représentent des « des échos de paix qui resurgissent dans cette «troisième guerre mondiale par morceaux», des cris provenant de pays et de régions aujourd’hui déchirés par les violences, les injustices et la pauvreté ».
La méditation de la dixième station a été écrite par un jeune ukrainien et par un jeune russe. L’Ukrainien raconte la fuite de sa famille, lorsque ses parents, son petit frère et lui sont partis de Marioupol dans la nuit, pour rejoindre l’Italie, où leur grand-mère est installée depuis plus de 20 ans. Mais « à la frontière, les soldats ont bloqué mon père et lui ont dit qu’il devait rester en Ukraine pour combattre », narre-t-il.
Le jeune garçon fait part de la tristesse qu’il a ressentie une fois arrivé en Italie après deux jours de bus : « Je me suis senti dépouillé de tout : complètement nu. Je ne connaissais pas la langue et je n’avais aucun ami. Ma grand-mère faisait de son mieux de me faire sentir que j’avais de la chance mais je ne faisais que dire que je voulais retourner à la maison ».
Sa famille décide finalement de rentrer en Ukraine. « Ici la situation continue à être difficile, il y a la guerre partout, la ville est détruite, rapporte-t-il. Mais dans mon cœur, j’ai toujours cette certitude dont me parlait ma grand-mère quand je pleurais : ›Tu verras, tout passera. Et avec l’aide du Bon Dieu la paix reviendra’ ».
De son côté, le jeune garçon russe confie ressentir « un sentiment de culpabilité » d’être russe, tout en exprimant son incompréhension. Celui qui voit « pleurer [sa] grand-mère et sa mère » depuis deux ans se sent « privé du bonheur et de rêves d’avenir ». « Nous avons été informés par une lettre que mon grand frère est mort, je me souviens encore de lui le jour de son 18ème anniversaire, souriant et rayonnant comme le soleil », écrit-il. « Tout le monde nous disait que nous devions être fiers, mais à la maison il n’y avait que souffrance et tristesse. La même chose est arrivée pour papa et pour grand-père, eux aussi sont partis et nous ne savons plus rien ».
Le jeune russe confie encore : « Un de mes camarades de classe, avec beaucoup de peur, m’a dit à l’oreille qu’il y a la guerre. De retour à la maison, j’ai écrit une prière : Jésus, s’il te plaît, fait que la paix règne dans le monde entier et que nous puissions être tous frères ».
La deuxième station braque le projecteur sur les migrants, avec l’un d’eux qui raconte un périple sans fin depuis l’Afrique occidentale, commençant par une traversée d’un désert jonché de « voitures brûlées, bidons d’eau vides, cadavres », puis les tortures infligées par des trafiquants libyens pour obtenir le paiement de la traversée. « Certains ont perdu la vie, d’autres la tête », écrit-il. Un premier bateau pour l’Europe est annulé, et il lui faut trouver un emploi de plâtrier pour payer une autre traversée. Il monte cette fois dans un canot pneumatique avec plus d’une centaine de personnes, mais un navire italien les raccompagne en Libye. Là, enfermé dans un centre de détention, le migrant expérimente « le pire lieu du monde ».
Dix mois plus tard, il embarque à nouveau dans une embarcation de fortune, où certains se noient durant le voyage agité. « Je me suis endormi en espérant mourir », raconte-t-il. Il est cependant sauvé par des pêcheurs tunisiens et des ONG. Il travaille à nouveau pour financer une nouvelle traversée, et débarque cette fois à Malte où il a « perdu la tête », bloqué dans un centre pour migrants pendant six mois. « Tous les soirs je demandais à Dieu pourquoi ».
Dans la cinquième station, trois migrants d’Afrique, d’Asie du Sud et du Moyen-Orient se demandent s’il y aura « un Cyrénéen » pour eux – du nom de Simon de Cyrène qui aida Jésus à porter sa croix. Ils se décrivent comme « une personne blessée par la haine », « un fardeau inutile », « un signe dans les cases d’un formulaire ». « Je dois choisir : étranger, victime, demandeur d’asile, réfugié, migrant, autre ; mais ce que j’aimerais écrire, c’est : personne, frère, ami, croyant, prochain », avoue l’un d’eux.
Deux adolescents d’Afrique septentrionale vivant en camp de réfugié depuis des années témoignent dans la 7e station. « S’il y avait eu la paix, je serais resté chez moi, là où je suis né et où j’aurais profité de mon enfance. Ici, la vie n’est pas belle », écrit le premier. « Nous voulons la paix pour rentrer chez nous. […] Je voudrais le dire aux dirigeants du monde », ajoute le second.
Un jeune du Proche Orient raconte dans la 11e station comment la violence extrémiste a forcé sa famille à quitter son pays, entamant « un autre calvaire » en émigrant au péril de leur vie, faute d’avoir pu obtenir un visa.
Des jeunes d’Amérique centrale appellent à la paix dans la troisième station. Une paix difficile à atteindre, soulignent-ils, à cause de « la paresse, la peur, [du] découragement, [des] promesses vides d’une vie facile mais sale, faite d’avidité et de corruption ». Les jeunes dénoncent « l’impunité de ceux qui escroquent, enlèvent et tuent ».
Pour trouver la paix, à l’exemple de Jésus qui s’est relevé après sa chute et a repris sa croix, les jeunes affirment vouloir « prendre [leur] vie en main » et « dire non » aux « faux compromis ». « Nous sommes pleins de ces compromissions, confessent-il : nous ne voulons pas la violence, mais nous attaquons ceux qui ne pensent pas comme nous sur les réseaux sociaux ; nous voulons une société unie, mais nous ne faisons pas l’effort de comprendre ceux qui nous entourent ; pire, nous négligeons ceux qui ont besoin de nous ».
Dans la 4e station, une mère d’Amérique du Sud raconte avoir perdu une jambe dans l’explosion d’un engin, où sa fille de 7 mois s’est retrouvée avec des morceaux de verre « plantés sur son petit visage ». « Victime de cette violence insensée, j’ai éprouvé au début de la colère et du ressentiment, mais ensuite j’ai découvert que si je répandais la haine, je créerais encore plus de violence », affirme celle qui s’est consacrée à la préventions des accidents dus aux mines disséminées sur son territoire.
Dans la 6e station, un prêtre religieux de la péninsule balkanique qui a subi la faim, la soif, la maltraitance, la torture dans un camp, rend hommage à une femme musulmane qui sut le soutenir « en se frayant un chemin à travers la haine », la comparant à sainte Véronique. Celle-ci essuya le visage du Christ pendant son Chemin de croix.
La 8e station parle des « larmes » de mères du Sud-Est asiatique. Dans la 9e station, une consacrée d’Afrique centrale évoque ses « souffrances indescriptibles » après une invasion de rebelles dans sa ville et exprime sa foi, convaincue que « tout passe sauf Dieu ».
Une mère d’Asie occidentale raconte dans la 12e station la mort de son fils sous des tirs de mortier et son désir de pardonner aux bourreaux. Dans la 13e station, une religieuse d’Afrique orientale s’attriste de « la vie de [son] peuple » victime de terrorisme sanguinaire.
« Nous leur pardonnons tout ce qu’ils nous ont fait », écrivent des jeunes filles d’Afrique australe sauvagement abusées par des rebelles, dans la 14e station. « Nous savons et nous croyons que le tombeau n’est pas la dernière demeure », déclarent-elles.
Les mots du pape François – qui ne sera pas présent physiquement au Colisée en raison du froid – concluront la Via crucis avec une prière présentant 14 « merci » au Christ, notamment pour sa douceur, son courage, sa paix, son amour et son pardon face à la trahison, ses larmes, son espérance, sa miséricorde. (cath.ch/imedia/ak/mp)
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