Prière d’ouverture : Seigneur Jésus, tu es « notre paix » (Ep 2, 14)
Avant la passion, tu as dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). Nous avons besoin de ta paix, Seigneur, de cette paix, que nous n’arrivons pas à construire avec nos seules forces. Nous avons besoin d’entendre à nouveau ces paroles par lesquelles, une fois ressuscité, par trois fois, tu as réconforté le cœur des disciples : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19.21.26). Jésus, toi qui pour nous embrasses la croix, regarde notre terre assoiffée de paix, alors que le sang de tes frères et sœurs continue d’être versé, et que les larmes de tant de mères qui perdent leurs fils à la guerre se mêlent à celles de ta sainte Mère. Seigneur, tu as, toi aussi, pleuré sur Jérusalem parce qu’elle n’avait pas reconnu la voie de la paix (cf. Lc 19, 42).
Ce soir, partant de la Terre Sainte, le chemin de croix se déroule à ta suite. Nous le parcourrons en écoutant ta souffrance se reflétant dans celle de frères et de sœurs qui ont souffert et qui souffrent dans le monde du manque de paix, en nous laissant travailler intérieurement par des témoignages et des échos parvenus aux oreilles et au cœur du Pape, y compris lors de ses visites. Ce sont des échos de paix qui resurgissent dans cette «troisième guerre mondiale par morceaux», des cris provenant de pays et de régions aujourd’hui déchirés par les violences, les injustices et la pauvreté. Tous les lieux où l’on souffre de conflits, de haines et de persécutions sont présents dans la prière de ce Vendredi saint.
Seigneur Jésus, les anges dans les cieux ont proclamé à ta naissance : « Paix sur la terre aux hommes » (Lc 2, 14). Nos prières montent à présent vers le ciel pour attirer la « paix sur la terre, objet du profond désir de l’humanité de tous les temps » (Pacem in terris, n. 1). Nous prions en implorant cette paix que tu nous as confiée et que nous n’arrivons pas à préserver. Jésus, de la croix, embrasse le monde entier : pardonne nos erreurs, guéris nos cœurs, donne-nous ta paix.
(Paroles de paix de la Terre Sainte)
Alors, Pilate leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié (Mt 27, 26)
Barabbas ou Jésus ? Ils doivent choisir. Ce n’est pas un choix quelconque. Il s’agit de décider où se situer, quelle position adopter dans les événements complexes de la vie. La paix, que nous désirons tous, ne naît pas d’elle-même, mais elle attend notre décision. Aujourd’hui comme hier, nous sommes continuellement appelés à choisir entre Jésus et Barabbas : la rébellion ou la mansuétude, les armes ou le témoignage, le pouvoir humain ou la force silencieuse de la petite semence, le pouvoir du monde ou celui de l’Esprit. En Terre Sainte, il semble que notre choix se porte toujours sur Barabbas. La violence semble être notre unique langage. Le moteur des représailles réciproques est continuellement alimenté par la douleur personnelle qui devient souvent le seul critère de jugement. Justice et pardon n’arrivent pas à se parler. Nous vivons ensemble, sans nous reconnaître mutuellement, l’un refusant l’existence de l’autre, nous condamnant mutuellement dans un cercle vicieux sans fin et toujours plus violent. Et, dans ce contexte chargé de haine et de rancœur, nous sommes appelés nous aussi à porter un jugement et à prendre notre décision. Et nous ne pouvons pas le faire sans regarder ce condamné à mort silencieux, perdant mais sur qui s’est porté notre choix, Jésus. Le Christ nous invite à ne pas utiliser le critère de Pilate et de la foule, mais à reconnaître la souffrance de l’autre, à mettre en dialogue justice et pardon, et à désirer le salut de chacun, même celui des larrons, même celui de Barabbas.
Prions en disant : Éclaire-nous, Seigneur Jésus !
Lorsque nous croyons avoir toujours raison : Éclaire-nous, Seigneur Jésus !
Lorsque nous condamnons sans appel nos frères : Éclaire-nous, Seigneur Jésus !
Lorsque nous fermons les yeux face à l’injustice : Éclaire-nous, Seigneur Jésus !
Lorsque nous étouffons le bien autour de nous : Éclaire-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’un migrant d’Afrique occidentale)
Il a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois de la croix, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; par ses blessures, nous sommes guéris (1 P 2, 24).
Mon chemin de croix a commencé il y a 6 ans, lorsque j’ai quitté ma ville. Après 13 jours de voyage, nous sommes arrivés dans le désert et nous l’avons traversé pendant 8 jours, rencontrant des voitures brûlées, des bidons d’eau vides, des cadavres, jusqu’à ce que nous arrivions en Libye. Ceux qui devaient encore payer les trafiquants pour la traversée étaient enfermés et torturés jusqu’à ce qu’ils aient payé. Certains ont perdu la vie, d’autres la tête. Ils m’avaient promis de m’embarquer sur un bateau pour l’Europe, mais les voyages furent annulés et nous n’avons pas été remboursés. Là-bas c’était la guerre, et nous en sommes arrivés à ignorer la violence et les balles perdues. J’ai trouvé un travail de plâtrier pour payer une autre traversée. À la fin, je suis monté avec plus de cent personnes sur un canot pneumatique. Nous avons navigué des heures avant qu’un navire italien nous sauve. J’étais remplis de joie, nous nous sommes prosternés pour rendre grâce à Dieu. Nous avons découvert ensuite que le navire était en train de retourner en Libye. Nous avons été enfermés là-bas dans un centre de détention, le pire lieu au monde. Dix mois plus tard, j’étais de nouveau sur un bateau. La première nuit, il y a eu de fortes vagues, quatre personnes sont tombées à la mer, nous avons réussi à en sauver deux. Je me suis endormi en espérant mourir. Lorsque je me suis réveillé, j’ai vu des personnes sourire à côté de moi. Des pêcheurs tunisiens ont appelé les secours, le navire a accosté et des ONG nous ont donné de la nourriture, des vêtements et un abri. J’ai travaillé pour payer une autre traversée. C’était la sixième fois. Après trois jours en mer, je suis arrivé à Malte. Je suis resté dans un centre pendant six mois et là, j’ai perdu la tête. Tous les soirs, je demandais à Dieu pourquoi : pourquoi des hommes comme nous doivent-ils nous considérer comme des ennemis ? Beaucoup de personnes fuyant la guerre portent des croix semblables à la mienne.
Prions en disant : Libère-nous, Seigneur Jésus !
Des condamnations faciles du prochain : Libère-nous, Seigneur Jésus !
Des jugements hâtifs : Libère-nous, Seigneur Jésus !
Des critiques et des paroles inutiles : Libère-nous, Seigneur Jésus !
Des bavardages destructeurs : Libère-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix de jeunes d’Amérique centrale)
C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé.Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé (Is 53, 4-5).
Nous, les jeunes, nous voulons la paix. Mais nous tombons souvent et la chute a plusieurs noms : la paresse, la peur, le découragement nous jettent à terre, et aussi les promesses vides d’une vie facile mais sale, faite d’avidité et de corruption. C’est ce qui alimente les spirales du trafic de drogue, de la violence, de la dépendance, de l’exploitation des personnes, alors que beaucoup de familles continuent de pleurer la perte de leurs enfants ; et l’impunité de ceux qui trichent, enlèvent et tuent n’a pas de fin. Comment obtenir la paix ? Jésus, tu es tombé sous la croix, mais tu t’es ensuite relevé, tu as pris de nouveau la croix et, avec elle, tu nous as donné la paix. Tu nous pousses à prendre notre vie en main, tu nous pousses au courage de l’engagement qui se dit dans notre langue compromiso. Et cela signifie dire non à tant de compromisos, aux faux compromis qui tuent la paix. Nous sommes pleins de ces compromissions : nous ne voulons pas la violence, mais nous attaquons sur les réseaux sociaux ceux qui ne pensent pas comme nous ; nous voulons une société unie, mais nous ne nous efforçons pas de comprendre ceux qui nous entourent ; pire, nous négligeons ceux qui ont besoin de nous. Seigneur, mets dans notre cœur le désir de relever quelqu’un qui est à terre. Comme tu le fais avec nous.
Prions en disant : Relève-nous, Seigneur Jésus !
De nos paresses : Relève-nous, Seigneur Jésus !
De nos chutes : Relève-nous, Seigneur Jésus !
De nos tristesses : Relève-nous, Seigneur Jésus !
De penser qu’aider les autres ne nous concerne pas : Relève-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’une mère d’Amérique du Sud)
Siméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » (Lc 2, 34-35).
En 2012, l’explosion d’un engin posé par la guérilla m’a détruit une jambe. Les éclats m’ont causé des dizaines de blessures sur le corps. Je me souviens des cris des gens et du sang partout. Mais ce qui m’a le plus terrifié, c’est de voir ma fille de 7 mois couverte de sang, avec de nombreux morceaux de verre plantés sur son petit visage. Qu’est-ce que cela a dû être pour Marie de voir le visage de Jésus tuméfié et ensanglanté ! Moi, victime de cette violence insensée, j’ai éprouvé au début de la colère et du ressentiment, mais ensuite j’ai découvert que si je répandais la haine, je créerais encore plus de violence. J’ai compris qu’au fond de moi et autour de moi il y avait des blessures plus profondes que celles du corps. J’ai compris que beaucoup de victimes avaient besoin de découvrir, comme moi et à travers moi, que ce n’était pas fini pour elles non plus, et qu’on ne peut pas vivre de ressentiment. J’ai commencé ainsi à les aider : j’ai étudié pour enseigner à prévenir les accidents dus aux millions de mines disséminées sur notre territoire. Je remercie Jésus et sa Mère d’avoir découvert qu’essuyer les larmes des autres n’est pas du temps perdu, mais le meilleur remède pour guérir soi-même.
Prions en disant : Donne-nous de te reconnaître, Seigneur Jésus !
Dans le visage défiguré de ceux qui souffrent : Donne-nous de te reconnaître, Seigneur Jésus !
Dans les petits et dans les pauvres : Donne-nous de te reconnaître, Seigneur Jésus !
Dans ceux qui invoquent un geste d’amour : Donne-nous de te reconnaître, Seigneur Jésus !
Dans les persécutés à cause de la justice : Donne-nous de te reconnaître, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix de trois migrants provenant d’Afrique, d’Asie du Sud et du Moyen-Orient)
Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus (Lc 23, 26).
[1] Je suis une personne blessée par la haine. La haine, une fois expérimentée, ne s’oublie pas, elle te change. La haine prend des formes horribles. Elle conduit un être humain à utiliser une arme à feu, non seulement pour tirer sur un autre, mais aussi à lui briser les os pendant que d’autres regardent. J’ai un vide d’amour à l’intérieur qui me fait sentir comme un fardeau inutile. Y-aura-t-il un Cyrénéen pour moi ? [2] Ma vie est vagabonde, j’ai échappé aux bombes, aux armes blanches, à la faim et à la douleur. J’ai été poussé dans des camions, caché dans des coffres, jeté sur des bateaux délabrés. Pourtant, mon voyage s’est poursuivi pour atteindre un lieu sûr qui offre liberté et opportunités, où je peux donner et recevoir de l’amour, pratiquer ma foi, où espérer est possible. Y-aura-t-il un Cyrénéen pour moi ? [3] On me demande souvent : Qui es-tu ? Pourquoi es-tu ici ? Quel est ton statut ? Penses-tu rester ? Où iras-tu ? Ces questions ne cherchent pas à blesser, mais elles blessent. Elles réduisent ce que j’espère être à un signe dans les cases d’un formulaire. Je dois choisir : étranger, victime, demandeur d’asile, réfugié, migrant, autre ; mais ce que j’aimerais écrire, c’est : personne, frère, ami, croyant, prochain… Y-aura-t-il un Cyrénéen pour moi ?Prions en disant : Pardonne-nous, Seigneur Jésus !
Nous t’avons méprisé dans les malheureux : Pardonne-nous, Seigneur Jésus !
Nous t’avons ignoré chez ceux qui avaient besoin d’aide : Pardonne-nous, Seigneur Jésus !
Nous t’avons abandonné dans les personnes sans défense : Pardonne-nous, Seigneur Jésus !
Nous ne t’avons pas servi dans les personnes souffrantes : Pardonne-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’un prêtre religieux de la péninsule balkanique)
Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! (Mt 25, 34-36).
J’étais un curé de 40 ans lorsque la guerre est arrivée : des agents armés sont entrés dans la maison paroissiale et m’ont emmené dans un camp où j’ai passé quatre mois. Ils ont été terribles : privés des conditions minimales d’hygiène, nous souffrions de la faim et de la soif, sans pouvoir nous laver et nous raser. Nous avons été maltraités physiquement, frappés et torturés avec divers objets. Ils me faisaient sortir quotidiennement jusqu’à cinq fois, surtout la nuit, m’appelant curé et me frappant. Entre autres choses, ils m’ont cassé trois côtes et menacé de m’arracher les ongles, de mettre du sel sur mes blessures et de m’écorcher vif. Une fois, il m’a été si difficile de résister que j’ai supplié le garde de me tuer, tellement convaincu qu’ils le feraient. Le garde a répondu : « Tu ne mourras pas si facilement, pour toi nous recevrons 150 des nôtres en échange de toi ». Ces mots ravivèrent en moi l’espérance de survivre. Mais je n’aurais pas pu supporter tout ce mal seul, sans Dieu : la prière répétée dans le cœur faisait des merveilles. Et la Providence est arrivée, sous forme d’aides et de nourriture, par l’intermédiaire d’une femme musulmane, Fatima, qui a réussi à me rejoindre en se frayant un chemin à travers la haine. Elle a été pour moi comme Véronique pour Jésus. Maintenant, jusqu’à la fin de mes jours, je témoignerai des horreurs de la guerre et je crierai : Plus jamais la guerre !
Prions en disant : Donne-nous ton regard, Seigneur Jésus !
Pour aimer celui qui n’est pas aimé: Donne-nous ton regard, Seigneur Jésus !
Pour secourir celui qui s’est égaré : Donne-nous ton regard, Seigneur Jésus !
Pour prendre soin de celui qui souffre de la violence : Donne-nous ton regard, Seigneur Jésus !
Pour accueillir celui qui se repend du mal : Donne-nous ton regard, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix de deux adolescents d’Afrique septentrionale)
Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? Tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé ? Tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à Toi ? » Et le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. (Mt 25, 37-40).
[1] Je m’appelle Joseph, j’ai 16 ans. Je suis arrivé dans le camp de réfugiés avec mes parents en 2015 et j’y vis depuis plus de 8 ans. S’il y avait eu la paix, je serais resté chez moi, là où je suis né et où j’aurais profité de mon enfance. Ici, la vie n’est pas belle. J’ai peur de l’avenir pour moi et pour les autres jeunes. Pourquoi souffrons-nous dans ce camp de réfugiés ? À cause des conflits en cours dans mon pays en proie à la guerre depuis qu’il existe. Sans la paix, nous ne pourrons pas nous relever. À chaque fois, on promet la paix, mais on continue à tomber sous le poids de la guerre, notre croix. Je remercie Dieu qui nous relève comme un père, ainsi que beaucoup d’hommes généreux que je ne connaîtrai peut-être jamais et qui, en nous aidant, nous permettent de survivre. [2] Je m’appelle Johnson et, depuis 2014, je vis dans un autre camp de réfugiés, bloc B secteur 2. J’ai 14 ans et je suis en CE2. La vie n’est pas bonne ici, beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école car il n’y a pas d’enseignants ni d’écoles pour tout le monde. L’endroit est trop petit et bondé, il n’y a même pas d’espace pour jouer au football. Nous voulons la paix pour rentrer chez nous. La paix c’est bien, la guerre c’est mal. Je voudrais le dire aux dirigeants du monde. Et je demande à tous mes amis de prier pour la paix.Prions en disant : Rends-nous forts, Seigneur Jésus !
À l’heure de l’épreuve : Rends-nous forts, Seigneur Jésus !
Dans l’effort de construire des ponts de fraternité : Rends-nous forts, Seigneur Jésus !
Dans le portement de notre croix : Rends-nous forts, Seigneur Jésus !
Dans le témoignage rendu à l’Évangile : Rends-nous forts, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix du Sud-Est asiatique)
Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus (Lc 23, 27).
Jésus, tu portes ta croix. Et je pense que mon pays aussi porte sa croix. Nous sommes un peuple qui aime la paix, mais nous sommes écrasés par la croix du conflit : par la violence, par les mouvements internes, par les attaques contre les lieux de culte… c’est un lourd fardeau, Jésus, que nous traînons sur un chemin de croix qui semble interminable. Les larmes de nos mères pleurent la faim de leurs enfants. Et, comme elles, je n’ai pas moi non plus beaucoup de mots pour prier, mais beaucoup de larmes à offrir. Seigneur, le cortège qui t’a conduit au Calvaire était terrible, mais des femmes en pleurs se sont frayé un chemin dans la foule que le mal a rendue laide. Ce sont elles, des mères qui voyaient en toi non pas un condamné mais un fils, qui t’ont donné la force. Chez nous aussi, une femme est sortie de la foule, elle est devenue pour beaucoup une mère en esprit. Elle s’est agenouillée pour défendre les siens devant la puissance des armes déployées et, prête à donner sa vie, elle a invoqué avec douceur la paix et la réconciliation. Jésus, aujourd’hui comme autrefois, la danse de la paix naît dans l’agitation macabre de la haine. Et nous, chrétiens, nous voulons être des instruments de paix. Convertis-nous à toi, Jésus, et donne-nous la force, car toi seul es notre force.
Prions en disant : Convertis-nous, Seigneur Jésus !
Du commerce des armes sans scrupules de conscience : Convertis-nous, Seigneur Jésus !
Du fait de destiner de l’argent aux armements plutôt qu’aux aliments : Convertis-nous, Seigneur Jésus !
De l’esclavage de l’argent qui provoque guerres et injustices : Convertis-nous, Seigneur Jésus !
Pour que les lances se transforment en faucilles : Convertis-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’une consacrée d’Afrique centrale)
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle (Jn 12, 24-25).
Le 5 décembre 2013 à 5h du matin j’ai été réveillée par les coups de feu. Les rebelles envahissaient la capitale. Beaucoup courraient et essayait de se cacher, mais il suffisait de prendre une balle perdue pour mourir. Ce fut le début de souffrances indescriptibles : meurtres, perte de personnes proches, d’amis et de collègues. Ma sœur a disparu et n’est plus revenue, ce qui a causé un grand traumatisme à papa qui nous a quittés quelques années plus tard suite à une courte maladie. J’ai continué à pleurer. Dans cette vallée de larmes et de « pourquoi »… j’ai pensé à Jésus. Lui aussi est tombé sous le poids de la violence, au point de dire sur la croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » J’unissais mes « pourquoi » aux siens et une réponse a fait place en moi : aime comme Jésus t’aime. Ce fut la lumière dans les ténèbres. J’ai compris que je devais puiser la force d’aimer. Dès lors, chaque fois qu’il y a un peu de calme, je vais à la messe. Pour arriver à la paroisse, je dois parcourir un long chemin et franchir au moins trois lignes rebelles. Mais, messe après messe, une certitude a grandi en moi : bien que j’aie pratiquement tout perdu, y compris la maison où j’ai grandi, tout passe sauf Dieu. Cela m’a soulagé et, avec quelques amis, nous avons commencé à rassembler des enfants qui jouaient aux soldats pour essayer de leur transmettre, eux qui sont l’avenir, les valeurs évangéliques d’entraide, de pardon, d’honnêteté, afin que le rêve de paix devienne réalité.
Prions en disant : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la peur de ne pas être aimés : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la peur d’être incompris : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la peur d’être oubliés : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la peur de ne pas y arriver : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix des jeunes d’Ukraine et de Russie)
[Les soldats] le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement (Mc 15, 24 ; Jn 19, 24).
[1] L’année dernière, papa et maman m’ont pris avec mon petit frère pour nous emmener en Italie où travaille notre grand-mère depuis plus de vingt-ans. Nous sommes partis de Marioupol durant la nuit. À la frontière, les soldats ont bloqué mon père et ils lui ont dit qu’il devait rester en Ukraine pour combattre. Nous avons continué en bus pendant deux autres jours. Arrivés en Italie, j’étais triste. Je me suis senti dépouillé de tout : complètement nu. Je ne connaissais pas la langue et je n’avais aucun ami. Ma grand- mère faisait de son mieux pour me faire sentir que j’étais chanceux, mais tout ce que je faisais c’était dire que je voulais rentrer à la maison. Finalement, ma famille a décidé de rentrer en Ukraine. La situation y reste difficile, il y a la guerre partout, la ville est détruite. Mais, dans mon cœur, j’ai toujours cette certitude dont me parlait ma grand-mère quand je pleurais : tu verras, tout passera. Et, avec l’aide du bon Dieu, la paix reviendra. [2] Moi, par contre, je suis un garçon russe… En disant cela, je ressens presqu’un sentiment de culpabilité, mais en même temps je ne comprends pas pourquoi et je me sens mal deux fois. Privé de bonheur et de rêves pour l’avenir. Cela fait deux ans que je vois pleurer ma grand-mère et maman. Nous avons été informés par une lettre que mon grand frère est mort, je me souviens encore de lui le jour de son 18ème anniversaire, souriant et rayonnant comme le soleil, et tout ceci quelques semaines seulement avant son départ pour un long voyage. Tout le monde nous disait que nous devions être fiers, mais à la maison, il n’y avait que souffrance et tristesse. La même chose est arrivée pour papa et pour grand-père, eux aussi sont partis et nous ne savons plus rien. Un de mes camarades de classe, avec beaucoup de peur, m’a dit à l’oreille qu’il y a la guerre. De retour à la maison, j’ai écrit une prière : Jésus, s’il te plaît, fait que la paix règne dans le monde entier et que nous puissions être tous frères.Prions en disant : Purifie-nous, Seigneur Jésus !
Du ressentiment et de la rancœur : Purifie-nous, Seigneur Jésus !
Des paroles et des réactions violentes : Purifie-nous, Seigneur Jésus !
Des comportements qui créent des divisions : Purifie-nous, Seigneur Jésus !
De la recherche de l’apparence en humiliant les autres : Purifie-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’un jeune du Proche Orient)
Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête : ils disaient : «Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi- même, descends de la croix !» (Mc 15, 27-30).
En 2012, des groupes d’extrémistes armés firent irruption dans notre quartier, tuant par des rafales de mitraillettes ceux qui se trouvaient sur les balcons et dans les immeubles. J’avais 9 ans. Je me souviens de l’angoisse de maman et de papa ; le soir nous nous sommes embrassés et avons prié, conscients qu’une nouvelle et dure réalité était devant nous. La guerre est devenue chaque jour plus horrible. Il n’y avait pas d’eau ni de lumière pendant de longues périodes, et on s’est partout creusé des puits. La nourriture était un problème quotidien. En 2014, alors que nous étions sur le balcon, une bombe a explosé devant la maison, nous projetant à l’intérieur et nous couvrant de verre et d’éclats. Quelques mois plus tard, une autre bombe a frappé la chambre de mes parents, qui ont miraculeusement survécu et qui ont décidé à contrecœur de quitter le pays. Un autre calvaire a commencé car, après deux tentatives pour obtenir un visa, nous n’avons pas eu d’autre choix que d’embarquer. Au péril de notre vie, nous sommes restés sur un rocher attendant l’aube et un navire des garde-côtes. Secourus, les habitants du lieu nous ont accueillis à bras ouverts, comprenant nos difficultés. La guerre a été la croix de notre vie. La guerre tue l’espérance. Dans notre pays, plus encore après les terribles catastrophes naturelles, beaucoup de familles, d’enfants et de personnes âgées n’ont pas d’espérance. Au nom de Jésus, qui a ouvert les bras sur la croix, tendez la main à mon peuple !
Prions en disant : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De l’incapacité à dialoguer : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la méfiance et de la suspicion : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De l’impatience et de la hâte : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
De la fermeture et de l’isolement : Guéris-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’une mère d’Asie occidentale)
Jésus disait : «Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font». C’était déjà environ la sixième heure; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un grand cri : «Père, entre tes mains je remets mon esprit». Et après avoir dit cela, il expira (Lc 23, 34.44-46).
Le 6 août 2014, la ville a été réveillée par des bombes. Les terroristes étaient aux portes. Trois semaines plus tôt, ils avaient envahi les villes et villages voisins, les traitant cruellement. Nous avons fui mais nous sommes rentrés chez nous quelques jours après. Un matin, alors que nous étions occupés et que les enfants jouaient devant les maisons, un coup de mortier a retenti. Je me suis précipitée. On n’entendait plus les voix des enfants, mais les cris des adultes augmentaient. Mon fils, son cousin et la jeune voisine qui se préparait au mariage avaient été touchés : morts. L’assassinat de ces trois anges nous a poussés à fuir : si ce n’avait été eux, restant dans la ville, nous serions inévitablement tombés entre les mains des terroristes. Il n’est pas facile d’accepter cette réalité. La foi m’aide cependant à espérer car elle me rappelle que les morts sont dans les bras de Jésus. Et nous, les survivants, nous cherchons à pardonner à l’agresseur parce que Jésus a pardonné à ses bourreaux. Dans nos morts nous croyons en Toi, Seigneur de la vie. Nous voulons te suivre et témoigner que ton amour est plus fort que tout.
Prions en disant : Apprends-nous, Seigneur Jésus !
À aimer comme tu nous as aimés : Apprends-nous, Seigneur Jésus !
À pardonner comme tu nous as pardonnés : Apprends-nous, Seigneur Jésus !
À faire le premier pas pour nous réconcilier : Apprends-nous, Seigneur Jésus !
À faire du bien sans exiger de retour : Apprends-nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix d’une religieuse d’Afrique orientale)
Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le glaive ? Mais, en tout cela, nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés (Rm 8, 35.37).
C’était le 7 septembre 2022, jour où, dans notre pays, nous rappelions l’Accord par lequel le droit à la pleine indépendance de notre peuple a été reconnu. Une chose imprévue est survenue qui brisa la joie : une religieuse, missionnaire ici depuis toujours a été tuée. Des terroristes avaient pénétré dans la maison et l’avaient impitoyablement tuée. Le jour de la victoire s’est transformé en défaite : la peur et l’incertitude ont envahi nos cœurs. L’expérience de centaines de familles qui ont assisté à la mort tragique de leurs proches est devenue réalité : dans nos bras gisait le corps sans vie de la religieuse. Il n’est pas facile d’assister à la mort violente d’un membre de sa famille, d’un ami, d’un voisin, tout comme il n’est pas facile de voir sa maison et ses biens réduits en cendres et l’avenir devenir sombre. Mais c’est la vie de mon peuple, c’est ma vie. Mais comme cela nous a été témoigné comme nous l’apprenons à l’école de la Vierge de Nazareth, qui a reçu dans ses bras Jésus inanimé et l’a contemplé d’un amour éclairé par la foi, il ne faut jamais cesser de trouver le courage de rêver un avenir d’espérance, de paix et de réconciliation. Parce que l’amour du Christ ressuscité a été versé dans nos cœurs, parce qu’Il est notre paix, Lui notre vraie victoire. Et rien ne nous séparera jamais de son amour.
Prions en disant : Aie pitié de nous, Seigneur Jésus !
Bon Pasteur, qui donne ta vie pour ton troupeau : Aie pitié de nous, Seigneur Jésus !
Toi qui, en mourant, a détruit la mort : Aie pitié de nous, Seigneur Jésus !
Toi qui, le cœur transpercé fait jaillir la vie : Aie pitié de nous, Seigneur Jésus !
Toi qui, du tombeau, éclaire l’Histoire : Aie pitié de nous, Seigneur Jésus !
(Paroles de paix de jeunes filles d’Afrique australe)
Après cela, Joseph d’Arimathie… demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates (Jn 19, 38-40).
C’était un vendredi soir que les rebelles ont fait irruption dans notre village, pris en otage tous ceux qu’ils pouvaient, déporté tous ceux qu’ils trouvaient et nous ont chargés de ce qu’ils avaient pillé. En chemin, ils ont tué de nombreux hommes par balles ou à l’arme blanche. Ils ont emmené les femmes dans un parc. Chaque jour, nous étions maltraitées dans notre corps et dans notre âme. Dépouillées de nos vêtements et de notre dignité, nous vivions nues pour que nous ne nous échappions pas. Par grâce, un jour, alors qu’on nous envoyait chercher de l’eau à la rivière, j’ai réussi à m’échapper. Aujourd’hui encore, notre province est un lieu de larmes et de douleur. Quand le Pape est venu sur notre continent, nous avons déposé au pied de la croix de Jésus les vêtements des hommes armés qui nous font encore peur. Au nom de Jésus nous leur pardonnons tout ce qu’ils nous ont fait. Nous demandons au Seigneur la grâce d’une cohabitation pacifique et humaine. Nous savons et nous croyons que le tombeau n’est pas la dernière demeure, mais que nous sommes tous appelés à une vie nouvelle dans la Jérusalem céleste.
Prions en disant : Garde-nous, Seigneur Jésus !
Dans l’espérance qui ne déçoit pas : Garde-nous, Seigneur Jésus !
Dans la lumière qui ne s’éteint pas : Garde-nous, Seigneur Jésus !
Dans le pardon qui renouvelle le cœur : Garde-nous, Seigneur Jésus !
Dans la paix qui rend heureux : Garde-nous, Seigneur Jésus !
Seigneur Jésus, Parole éternelle du Père, tu t’es fait silence pour nous. Et, dans le silence qui nous conduit à ton tombeau, il y a encore un mot que nous voulons te dire en repensant à la Via crucis que nous avons parcourue avec Toi : merci !
Merci, Seigneur Jésus, pour la douceur qui confond l’arrogance.
Merci pour le courage avec lequel tu as embrassé la croix.
Merci pour la paix qui jaillit de tes blessures.
Merci de nous avoir donné ta sainte Mère comme notre Mère.
Merci pour l’amour dont tu as fait preuve face à la trahison.
Merci d’avoir transformé les larmes en sourire.
Merci d’aimer tout le monde sans exclure personne.
Merci pour l’espérance que tu insuffles à l’heure de l’épreuve.
Merci pour la miséricorde qui guérit les misères.
Merci de t’être dépouillé de tout pour nous enrichir.
Merci d’avoir transformé la croix en arbre de vie.
Merci pour le pardon que tu as offert à tes assassins.
Merci d’avoir vaincu la mort.
Merci, Seigneur Jésus, pour la lumière que tu as allumée dans nos nuits et qui, réconciliant toutes les divisions, as fait de nous tous des frères, enfants du même Père qui est aux cieux :
Pater noster.
I.MEDIA
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