Le pontife rappelle que l’année de son élection devait plutôt être celle de sa retraite, et qu’il avait pris ses dispositions en ce sens. Le pape Benoît XVI lui avait demandé de rester «deux ans de plus», après ses 75 ans: le changement d’archevêque à Buenos Aires devait donc se faire en décembre 2013, pour ses 77 ans.
Il explique qu’il avait prévu de rentrer en Argentine pour le dimanche des Rameaux, et qu’il avait préparé son homélie. Son élection comme pape était pour lui «inimaginable». Certains cardinaux avaient eu plus de voix que lui lors des premiers tours, mais en remettant au cardinal cubain Jaime Ortega son discours de 2’30 prononcé lors des congrégations générales, et qui avait fortement impressionné ses confrères, le cardinal lui a répondu: «Merci, ce sera un beau souvenir du pape». Un autre cardinal lui a demandé de préparer son «discours pour le balcon».
Le cardinal Santos Abril y Castello, qu’il connaissait bien car il avait été nonce apostolique en Argentine, lui a demandé des précisions sur son opération du poumon subie dans les années 1950, et il a alors compris qu’il était perçu comme un potentiel pape. Il explique que le nom de François lui est venu au moment de son élection, sur l’inspiration du cardinal brésilien Claudio Hummes qui lui a demandé de ne pas oublier les pauvres, mais il n’avait pas réfléchi à la question d’un nom de pape auparavant.
François rend un hommage vibrant à son prédécesseur décédé le 31 décembre 2022, en expliquant que «celui qui a fait la guerre aux abus fut Benoît. Déjà en tant que préfet de la congrégation de la Doctrine de la foi, il a lutté à mort contre cela», même quand «d’autres ne le comprenaient pas», explique François. Le pape a personnellement pris conscience des blessures laissées par des abus anciens en rencontrant une délégation de victimes venues d’Angleterre, parmi lesquelles des hommes âgés abusés par des prêtres plusieurs décennies auparavant.
Comme il l’avait déjà expliqué dans d’autres entretiens, le pape redit que le célibat sacerdotal est une «discipline temporelle», établie autour de l’an mil, et «qui pourrait être changée, ou non: ce n’est pas un dogme». Mais «cette question n’a rien à voir avec les abus», qui se produisent majoritairement dans des familles, rappelle le pape.
Le pape espère que la pandémie a amené l’humanité à développer un «petit peu plus de sensibilité» vis-à-vis de la fragilité humaine, alors que «l’option pour la destruction» constitue un péché fréquent depuis «l’histoire de Caïn et Abel». «Le péché te détruit», insiste le pape, qui rappelle que «quand un empire se sent faible, il a besoin d’une guerre pour vendre des armes». Il évoque notamment l’inquiétude des Ukrainiens face à l’expérimentation d’armes iraniennes sur leur territoire.
Inquiet des tensions politiques dans son pays d’origine, il demande aux Argentins de respecter leur «mère patrie, supérieure aux partis, aux divisions». «L’action politique est noble, c’est une vocation de noblesse» insiste le pape François, constatant que l’Église en Argentine a perdu du terrain, qu’il y a de «bons évêques», mais que certains sont trop en retrait.
Exprimant son inquiétude face à la force des mouvements d’extrême-droite, le pape révèle avoir participé à deux réunions avec la commission Lula Libre, qui avait œuvré en faveur de la libération de l’ancien président brésilien, finalement revenu au pouvoir le 1er janvier 2023.
Durant l’un de ses rencontres, une théologienne luthérienne avait dénoncé les évangéliques comme une «secte» politique, le pontife a défendu les «vraies Églises évangéliques», comme les Vaudois ou la communauté du pasteur Mario Traettino près de Naples – un ami personnel auquel il avait rendu visite en 2014 – qui font un «travail sérieux», a-t-il expliqué. Il les différencie des sectes et des «Églises commerciales» qui cherchent à faire du chiffre en instrumentalisant leurs membres au profit d’un combat politique.
Concernant les divorcés, le pape s’appuie sur son prédécesseur Benoît XVI qui avait reconnu, lors de trois discours (dans le Haut-Adige, dans le Piémont et à Rome), qu’une grande partie des mariages, voire la majorité, sont «invalides pour manque de foi», ou par manque de maturité humaine.
Les divorcés «font partie de l’Église» et ont besoin d’un accompagnement, tout comme les homosexuels, insiste François. Comme il l’avait fait dans l’avion de retour de son voyage en Afrique en février dernier, le pape redit son opposition à la criminalisation de l’homosexualité dans une quarantaine de pays, invitant à considérer cette réalité comme un simple «fait humain». «Nous avons un Père qui nous aime tous», insiste le pape François dans cet entretien. (cath.ch/imedia/cv/bh)
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