Le jésuite Hans Zollner avait été nommé membre de la commission pontificale dès sa création en 2014. Composée de 18 membres, elle a pour mission de conseiller le pape et de lui présenter les initiatives les plus appropriées pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables. Elle doit aussi aider les évêques du monde entier à mettre en place des procédures pour protéger les mineurs.
«La protection des enfants et des personnes vulnérables doit être au centre de la mission de l’Église catholique», écrit le prêtre dans un communiqué au ton amer. «Cependant, au cours de mon travail avec la commission, j’ai identifié certains problèmes qui requièrent d’être traités de manière urgente et qui ont fait qu’il était impossible pour moi de continuer», confesse-t-il.
Le jésuite pointe du doigt divers manquements en termes de «responsabilité», de «conformité» ou encore de «transparence». À propos de la conformité (›compliance’, en anglais), «il y a eu un manque de clarté concernant le processus de sélection des membres et du personnel, ainsi que leurs rôles et responsabilités respectifs», déplore le Père Zollner. À propos de la responsabilité financière, l’expert la juge «insuffisante». «Il est fondamental que la Commission montre clairement comment les fonds sont utilisés dans son travail», insiste-t-il.
Il dénonce aussi le manque de transparence dans les processus de décisions internes. «Trop souvent ne sont données aux membres que des informations insuffisantes et des communications vagues concernant la façon dont sont prises certaines décisions», tance-t-il.
« Enfin, je n’ai connaissance d’aucune norme régissant les relations entre la Commission et le dicastère pour la Doctrine de la Foi», déplore-t-il. En juin 2022, la nouvelle constitution de la Curie romaine, Praedicate Evangelium, a rattaché la Commission à ce dicastère qui traite notamment les délits les plus graves – dont les cas d’abus sur mineurs et personnes vulnérables. Certaines voix ont alors estimé que la commission allait perdre son indépendance.
«C’est à cause de ces problèmes structurels et pratiques que j’ai décidé de me dissocier de la Commission», conclut le prêtre allemand. Il continuera de s’investir dans ses nouvelles fonctions de consultant pour le diocèse de Rome et comme directeur de l’Institut d’anthropologie, d’études interdisciplinaires sur la dignité humaine et la prise en charge des personnes vulnérables à l’Université pontificale Grégorienne de Rome.
Particulièrement critique, ce communiqué tranche avec celui envoyé quelques heures plus tôt par le président de la commission, le cardinal O’Malley, au sujet du départ du Père Zollner. «Le Père Hans m’a dit qu’il était arrivé à cette décision après avoir réfléchi à sa récente nomination en tant que consultant pour [la cellule] Safeguarding du diocèse de Rome», a-t-il simplement justifié, sans évoquer la moindre difficulté.
Le cardinal O’Malley a salué l’action du jésuite au sein de la commission vaticane. «Il a contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un grand nombre de projets et de programmes issus des délibérations de la commission, en particulier le Sommet sur les abus de février 2019», a-t-il souligné. Il a remercié cet «ambassadeur» de la protection des mineurs qui a notamment donné des formations aux évêques à travers le monde.
Ce départ du Père Zollner, réputé pour sa liberté de parole et sa capacité à dénoncer ouvertement les failles de l’institution ecclésiale dans sa gestion des abus sexuels, pourrait plonger la commission dans une crise importante et jeter le trouble quant aux efforts du Vatican pour lutter efficacement contre les abus sur mineurs.
Récemment, il a pointé du doigt des manquements dans l’application de Vos estis lux mundi, le motu proprio du pape François publié en 2019 après le sommet sur les abus à Rome. Renouvelé et mis à jour samedi dernier, ce texte oblige notamment les diocèses à instaurer des bureaux de signalements et met en place une procédure pour enquêter sur des évêques ou supérieurs soupçonnés de crimes ou de couverture de crimes.
En 2017, l’une des membres de la commission, l’Irlandaise Marie Collins, victime d’un prêtre pédophile et porte-parole de nombreuses victimes, avait quitté la jeune instance faisant valoir sa «frustration compte tenu du manque de coopération d’autres bureaux de la Curie». Elle avait notamment critiqué l’attitude du cardinal Müller, alors préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi. (cath.ch/imedia/hl/rz)
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