Si François reste pape pendant encore deux ans, il pourrait avoir une occasion notable de remodeler la hiérarchie catholique américaine. Au moins 35 évêques dont plusieurs dans des archidiocèses historiquement importants, seront tenus par le droit canonique de présenter leur démission à l’âge de 75 ans, rapporte le National catholic Reporter. (NCR). S’il nomme de nouveaux évêques pour toutes ces églises locales, François aura désigné 64% de l’épiscopat américain depuis mars 2013.
Selon Catherine Hoegeman, professeur de sociologie à l’Université de l’État du Missouri, les ouvertures au cours des deux prochaines années représentent un taux de rotation exceptionnellement élevé parmi les archevêques. Sur un total de 34 départs à la retraite un tiers se produiront dans les archevêchés importants.
En février 2025, les archevêques de New York, Hartford, Chicago, Cincinnati, Detroit, Kansas City, Milwaukee, Omaha, Houston, Mobile (Alabama) et La Nouvelle-Orléans auront atteint l’âge de 75 ans. Entre-temps, sept évêques en exercice ont déjà atteint l’âge de 75 ans et 14 autres atteindront l’âge de la retraite au cours des deux prochaines années.
Il faut cependant rappeler que si les évêques catholiques doivent présenter leur démission lorsqu’ils atteignent l’âge de 75 ans, le pape peut décider de laisser en poste quelque années supplémentaires.
Il est difficile de dire si toutes les nominations se traduiront par une hiérarchie catholique américaine reflétant davantage les priorités de François. Selon divers observateurs, le »vivier de talents» des évêques potentiels a été formé principalement sous les pontificats de Jean Paul II et de Benoît XVI, qui ont tous deux inspiré des hommes de tendance conservatrice à entrer dans les séminaires avec des visions de lutte contre la «culture de la mort» et la «dictature du relativisme».
«Pour avoir de grands évêques, il faut de grands séminaires. Il faut un engagement vibrant dans la vie intellectuelle de l’Église, et je ne vois pas cela se produire», estime Natalia Imperatori-Lee, présidente des études religieuses au Manhattan College dans le Bronx, à New York. Selon elle, le pape pourrait avoir du mal à trouver suffisamment d'»évêques de type François»
Dans une interview accordée au NCR, le cardinal à la retraite Justin Rigali, ancien membre de la Congrégation pour les évêques du Vatican, a relevé qu’aux Etats-Unis, tous les deux ans, les évêques des différentes régions du pays se réunissent pour discuter des candidats potentiels à l’épiscopat et envoient leurs noms à la nonciature. Selon lui aucun candidat n’est »parfait dans toutes les catégories» mais reconnaît qu’ils reflètent généralement les priorités du pape en exercice.
La sélection du pape François effectuée avec l’aide de Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique depuis 2016, reflète dans l’ensemble sa vision selon laquelle les dirigeants de l’Église devraient être d’abord des pasteurs et éviter les guerres culturelles qui divisent sur les questions de moralité sexuelle.
Cependant, plusieurs évêques nommés au cours de la dernière décennie ont agi d’une manière que certains n’auraient pas attendue d’un «évêque de François». Ainsi Mgr Michael Olson, évêque de Fort Worth (Texas), a contraint à la démisison en 2022 le président local de Catholic Charities jugé pas assez conforme aux principes catholiques.
Mgr Earl Fernandes, évêque de Columbus, Ohio – nommé en avril 2022 – a suscité des protestations lorsqu’il a expulsé les Pères paulistes de la pastorale universitaire de l’Ohio State University quelques semaines après son installation.
Deux évêques que François a nommés dans le Minnesota ces dernières années – Mgr Robert Barron à Winona-Rochester et Mgr Andrew Cozzens à Crookston – se sont alignés sur les conservateurs culturels qui s’opposent aux priorités du pape.
Le Père jésuite Mark Massa, directeur du Boisi Center for Religion and American Public Life au Boston College ne voit pas une grande volonté de la part de François, contrairement à ses deux prédécesseurs immédiats, de «vraiment remodeler l’épiscopat américain». »Je pense qu’il s’agit simplement de nommer des évêques pastoraux, et qu’il se préoccupe moins de leur position idéologique. Sinon, il semble que ses nominations soient complètement aléatoires».
Pour Massimo Faggioli, théologien et historien de l’Église à l’Université Villanova, le bilan de François est mitigé en matière de nominations épiscopales, parce qu’il a dû «travailler avec ce qui était disponible». Par contre, «ses choix de cardinaux et d’archevêques ont été très intentionnels et très stratégiques», avec par exemple des cardinaux tels que Blase Cupich à Chicago, Joseph Tobin à Newark et Robert McElroy à San Diego.
Natalia Imperatori-Lee, note que la sélection d’un plus grand nombre d’évêques hispaniques pour refléter la communauté catholique latino grandissante aux États-Unis pourrait promouvoir la sensibilité culturelle plus large. (cath.ch/ncr/mp)
Maurice Page
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