Ce que le pape doit encore accomplir après 10 ans de pontificat

Après 10 ans de pontificat, le pape François a déjà opéré un certain nombre de réformes. Mais à 86 ans, le premier pape sud-américain de l’histoire doit encore conduire des chantiers stratégiques. L’agence I.MEDIA en a recensé dix. 

1- Achever le Synode sur la synodalité 

Le Synode sur la synodalité – que le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général, préfère appeler «Synode sur l’avenir de l’Église» -, devrait constituer le sceau d’un pontificat réformiste durant lequel de nombreuses portes ont été ouvertes, mais avec des chantiers toujours en cours. Le principe de la coresponsabilité des laïcs dans la vie de l’Église, y compris avec une visibilité liturgique, a déjà été formalisé avec l’institution des ministères de catéchistes, lecteurs et acolytes, qui mettra encore plusieurs années à infuser dans les diocèses. À Rome, les assemblées synodales d’octobre 2023 et 2024 constitueront des étapes importantes pour mettre en application le Concile Vatican II et développer une culture de coopération plus dynamique entre clercs et laïcs. Il pourrait ensuite publier une exhortation apostolique scellant un nouveau mode d’organisation du pouvoir dans l’Église.

2- Mettre en œuvre la réforme de la Curie romaine

La mise en application concrète de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium sur l’organisation de la Curie romaine demeurera un chantier majeur pour le pape François mais aussi, selon toute vraisemblance, pour son successeur. La réécriture des statuts, du règlement et de l’organigramme de chaque dicastère pourrait prendre encore plusieurs mois, voire plusieurs années, avec une nouvelle culture du travail qui pourrait susciter quelques tensions, notamment sur le plan des contrats à durée déterminée pour les nouveaux employés. La prise de responsabilité des laïcs devrait notamment s’incarner dans la première nomination d’une femme à la tête d’un dicastère. Une hypothèse plausible serait la promotion comme préfet du dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie de l’une des deux sous-secrétaires, Gabriella Gambino ou Linda Ghisoni. Cette nomination pourrait intervenir après les JMJ de Lisbonne. Le préfet actuel, le cardinal américain Kevin Farrell, a en effet déjà dépassé le terme théorique de son mandat depuis l’automne 2022.

La réécriture des statuts, du règlement et de l’organigramme de chaque dicastère pourrait prendre encore plusieurs mois, voire plusieurs années | © Flickr/Jim McIntosh/CC BY 2.0

3- Honorer un certain nombre de voyages 

Alors que le pape fête ses 10 ans de pontificat et déjà une quarantaine de voyages à son actif, des projets restent sur la table. Deux destinations sont pour l’heure confirmées: la Hongrie du 28 au 30 avril et le Portugal en août prochain, pour les Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne. Le pontife a lui-même dit qu’il se rendrait à Marseille – sans que ce ne soit une visite d’État en France – en septembre 2023, lors d’un voyage qui pourrait aussi inclure la Mongolie. Plusieurs pays sont en attente, tels le Liban, où un voyage était prévu en juin 2022 puis annulé au dernier moment, et l’Asie du Sud-Est (Timor oriental, Papouasie Nouvelle-Guinée et Indonésie), voyage prévu en septembre 2020 mais annulé en raison de la pandémie. Le pape a également confié qu’il pensait aller en Inde en 2024 et en Turquie en 2025 pour le 1700e anniversaire du premier Concile de Nicée. Et il a répondu positivement à des invitations de la Croatie et du Monténégro. À cela s’ajoutent des voyages que l’évêque de Rome aurait à cœur de faire, mais dont la réalisation s’avère difficile : l’Ukraine et la Russie, ainsi que la Corée du Nord.

Marseille accueillera-t-elle prochainement le pape François? | © Julian Hacker/Pixabay

4- Trouver une sortie de crise avec Moscou

Quitte à susciter un profond agacement en Ukraine et dans certains pays directement confrontés à la menace de Moscou, comme la Pologne, le pape François a tenu à maintenir des canaux de communication avec la Russie malgré l’offensive déclenchée par Vladimir Poutine chez son voisin, où il menait déjà une guerre larvée depuis 2014. La diplomatie pontificale a maintenu des contacts avec l’État russe, et elle poursuivra ce lien, même ténu, Rome n’ayant jamais pris l’initiative d’une rupture des relations diplomatiques avec quiconque. L’autre axe de dialogue, peut-être encore plus complexe, se situe sur le plan du dialogue œcuménique avec le patriarcat de Moscou. L’alignement du patriarche Cyrille sur le Kremlin a heurté les promoteurs de ce dialogue au Vatican, mais les ponts ne sont pas coupés pour autant. Le voyage du pape en Hongrie, du 28 au 30 avril, pourrait ainsi constituer une occasion de contact discret avec l’orthodoxie russe, le métropolite Hilarion, autrefois responsable des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, étant désormais en poste dans ce pays d’Europe centrale.

5- Répondre à la voie allemande 

Dans sa Lettre au peuple de Dieu en marche en Allemagne diffusée en 2019, le pape François avait encouragé le processus lancé par l’épiscopat allemand pour lutter contre la crise traversée par l’Église catholique, notamment celle des abus. S’il a épisodiquement critiqué la direction prise par le chemin synodal, il n’a jamais directement commenté les propositions très réformistes défendues en Allemagne afin de ne pas interférer, au contraire de son appareil curial qui s’est à de nombreuses reprises confronté aux évêques allemands. Avec la fin prochaine du chemin synodal, le 11 mars, le pontife va retrouver sa liberté d’action, mais nul ne sait comment il va réagir. Pourrait-il mettre un frein aux différents projets portés par le processus? Ou laisser une liberté d’action aux évêques allemands, au risque de choquer une partie conséquente du monde catholique dans le reste du monde? Ou réussira-t-il à empêcher les évêques allemands de faire aboutir les dossiers les plus polémiques? La tâche s’annonce délicate, d’autant plus qu’une intervention trop nette de sa part pourrait mettre à mal la crédibilité du Synode sur l’avenir de l’Église, actuellement en cours. 

6- Conclure le procès de l’affaire de l’immeuble de Londres

Grand scandale financier du pontificat, l’affaire dite «de l’immeuble de Londres» commence par l’acquisition d’un bien immobilier dans la capitale britannique par la secrétairerie d’État en 2014. Le grand procès qui en découle et qui s’est ouvert en juillet 2021 par la justice vaticane, est sans doute la plus grande épreuve affrontée par le pontife dans sa mission de normalisation et de rationalisation de l’économie du Saint-Siège. On peut dès lors considérer que ce scandale a permis au pontife de mettre progressivement en place son plan de réforme, notamment en séparant distinctement les différentes fonctions économiques et en réduisant au minimum l’autonomie financière des structures curiales, notamment celle de la secrétairerie d’État. Il a aussi supprimé beaucoup de privilèges des ›princes de l’Église’, acceptant même qu’un cardinal – Angelo Becciu – soit envoyé devant la justice civile. Cependant, ce procès montre ses limites: le manque de moyens de l’appareil judiciaire du Vatican fait peser le risque d’un règlement insatisfaisant du procès, quelle qu’en soit l’issue. Conclure cette affaire judiciaire serait assurément ôter au prochain pape une épine de son pied. 

7- Sortir du casse-tête chinois 

C’est l’un des dossiers les plus controversés de ce pontificat. L’accord secret tissé en 2018 avec le gouvernement chinois à propos des nominations des évêques fait l’objet de très nombreuses critiques, à Rome et au sein de la communauté catholique chinoise. Pour beaucoup, cette entente est une trahison pour l’Église clandestine chinoise – les catholiques qui refusent d’obéir à l’association catholique créée par le Parti communiste. Le pari de la diplomatie du Saint-Siège sous François est mis à rude épreuve et le Vatican reconnaît lui-même des difficultés. Seules six nominations d’évêques ont pu aboutir depuis 2018. Et des divergences ont éclaté publiquement en novembre dernier, le Saint-Siège exprimant pour la première fois sa surprise et son regret suite à l’installation d’un évêque non reconnu par Rome. Malgré la volonté personnelle du pape de garder les canaux ouverts, il s’avère compliqué pour la diplomatie vaticane de contourner la stratégie de sinisation opérée par le président chinois Xi Jinping et son refus des ingérences étrangères. 

8- Trancher le dossier épineux du diaconat féminin

Parmi les chantiers ouverts, figure celui de la nouvelle commission d’étude sur le diaconat féminin lancée le 8 avril 2020. Composée de 10 membres, dont cinq femmes – parmi lesquelles la théologienne française Anne-Marie Pelletier –, cette commission a été constituée après l’échec d’un premier groupe d’étude lancé par le pontife en 2016 sur la question – à la demande de l’Union internationale des supérieures générales (UISG). Le résultat «n’est pas extraordinaire», avait estimé le pape en 2019, relevant qu’il n’y avait pas d’unanimité entre les membres du groupe. D’après une source proche du dossier, le pape François serait en possession des travaux réalisés par la seconde commission. Reste à savoir quelle suite il décidera de leur donner, et quand. 

9- Appliquer la réforme du diocèse de Rome 

Au lendemain de l’enterrement de Benoît XVI, le 6 janvier dernier, une nouvelle constitution pour le diocèse de Rome est tombée sans préavis. Le pape y réforme en profondeur l’organisation de son diocèse pour le rendre plus missionnaire et synodal. Renforçant considérablement son rôle dans la direction du diocèse – autrefois déléguée largement au cardinal vicaire de Rome -, le pape devrait même s’impliquer désormais jusque dans le choix des curés de la Ville éternelle. Le pontife institue par ailleurs deux organismes pour lutter contre les abus sur mineurs et renforcer la transparence financière. Pour certains observateurs, le pape entend avec cette constitution faire de Rome un diocèse modèle pour les autres évêques. Mais à l’instar de sa constitution réformant la Curie, cette nouvelle gouvernance pourrait mettre du temps à s’imposer. 

10- Préparer le grand Jubilé de 2025

Dans deux ans, Rome célébrera un grand événement orchestré quatre fois par siècle: le Jubilé de 2025, annoncé par le pape François en février 2020 et qui aura pour thème «Pèlerins d’espérance». La Ville éternelle doit voir affluer des millions de catholiques du monde entier, qui franchiront la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre de Rome en vue d’une indulgence extraordinaire – c’est-à-dire des remises des peines de leurs péchés. Les préparatifs de cette année particulière ont déjà commencé, coordonnés par le dicastère pour l’Évangélisation. Il s’agirait du deuxième jubilé du pontificat de François, après celui de l’Année de la Miséricorde en 2016, qui avait été déployé dans l’ensemble des diocèses du monde. (cath.ch/imedia/bh)

Le pape lance le Jubilé extraordinaire de la miséricorde en ouvrant la Porte Sainte de la basilique Saint-pierre | © Vatican Media

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