Le nouveau pape vient d’apparaître sur le balcon de la basilique Saint-Pierre et déjà son style tranche avec celui de ses prédécesseurs. Arrivé en simple soutane blanche, le pape argentin fait une demande inhabituelle: «Je vous demande de prier le Seigneur afin qu’Il me bénisse». Joignant le geste à la parole, le premier pape à prendre le nom de François s’incline devant la foule des fidèles massés par centaines de milliers place Saint-Pierre et sur la via della Conciliazione. Durant une quinzaine de secondes, le silence s’invite dans cette soirée historique. Huit ans plus tôt, le pape Benoît XVI avait marqué les esprits en se présentant comme «l’humble serviteur dans la vigne du Seigneur». Son successeur en a fait de même; à sa manière.
Le pape François n’est installé sur le trône de Pierre que depuis quelques semaines qu’il décide, pour son premier déplacement, de se rendre sur la petite île italienne de Lampedusa afin de «pleurer les morts» de l’immigration. Face à la mer, après un long moment de recueillement, il jette une couronne de fleurs à la mémoire des milliers de personnes noyées dans la Méditerranée, une mer devenue avec la crise un «grand cimetière» – de 2014 à 2020, plus de 20’000 migrants sont morts en Méditerranée selon l’ONU.
Ce n’était visiblement pas prévu. Dans la basilique Saint-Pierre, le pape François est guidé par son cérémoniaire pour entrer dans un confessionnal et confesser des fidèles. Mais au lieu de se plier à l’exercice, le pontife argentin s’avance vers un autre confessionnal où patiente un prêtre. Durant plusieurs minutes, et pour la première fois dans l’histoire, caméras et photographes peuvent immortaliser cette scène d’un pape qui se confesse. L’objectif est clair: encourager les catholiques à retrouver le goût de ce sacrement durant lequel l’Église enseigne que Dieu pardonne tous les péchés. C’est aussi dans cette perspective que le pape lancera l’année suivante un Jubilé de la miséricorde.
Près de mille ans après le grand schisme de 1054, le chef de l’Église catholique rencontre pour la première fois le patriarche orthodoxe de Moscou. Ces retrouvailles historiques qui ont lieu à l’aéroport de Cuba scellent le réchauffement des relations entre les deux Églises. Devant un grand crucifix de style byzantin, les deux hommes se donnent l’accolade en s’embrassant sur les joues. Le lent rapprochement entre les deux Églises s’interrompra brutalement avec la guerre en Ukraine. Les désaccords générés par le conflit éclatent au grand jour, le pape François demandant à Cyrille de ne pas devenir «l’enfant de chœur de Poutine».
«Nous sommes tous des migrants». Avril 2016, le pape François veut marquer les consciences européennes. Alors que la Méditerranée est encore le lieu de drames humains et que des milliers de réfugiés se retrouvent dans des centres que le pontife dénoncera comme étant des «camps de concentration», François se déplace en Grèce et visite un camp de réfugiés à Lesbos avec le patriarche de Constantinople Bartholomée et de Ieronymos, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce. À son retour, il crée la surprise en faisant monter 12 migrants dans son avion, dont six enfants. Les 3 familles musulmanes viennent de Syrie.
Ce n’est pas leur première accolade. Mais celle d’Abou Dhabi, le 4 février 2019, dans la Péninsule arabique, est historique. Depuis plusieurs mois déjà, le pape François et le Grand imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb préparent une déclaration sur la Fraternité humaine. 800 ans après la rencontre entre François d’Assise et le sultan al-Malik al-Kamil, les deux chefs religieux se retrouvent pour signer un texte qui prône la paix et condamne les justifications de la violence commise au nom de Dieu. Un acte fort qui a lieu à la fin d’une décennie marquée notamment par les violences de Daech. En mars 2021, le pape François rencontrera en Irak la plus grande autorité spirituelle des musulmans chiites, le grand ayatollah Ali al-Sistani.
Le 266e pape à genoux devant les deux responsables du Soudan du Sud, leur embrassant les pieds pour appuyer sa supplication de paix. En ce mois d’avril 2019, l’image hors du commun fait le tour du monde. Par cette action qui a surpris jusqu’à ses plus proches collaborateurs, le pape François met un coup de projecteur sur la situation tragique d’un pays qui n’a connu que la guerre depuis sa création en 2011. Dans le sillage de ce geste, le pape se rendra au Soudan du Sud en février 2023 avec l’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Église d’Écosse pour réitérer un appel à la paix.
C’est une image qui restera probablement dans les livres d’histoire. Le 27 mars 2020, alors qu’une large partie du monde est confinée et que résonnent les cloches des églises de Rome, le pape François se présente seul devant une place Saint-Pierre vide et battue par la pluie. Des millions de personnes connectées à leurs écrans le regardent délivrer une bénédiction Urbi et orbi, ‘à la ville et au monde’ dans une atmosphère de fin du monde. Quelques jours plus tôt, il avait confié la ville de Rome à la sainte Vierge Marie, tandis que l’Italie subissait de plein fouet les effets d’un virus inconnu et que les services d’urgence du nord de la Péninsule saturaient.
C’est un geste inédit que le pape réalise au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le 25 février, il décide de se rendre en personne à l’ambassade de Russie près le Saint-Siège pour s’entretenir avec l’ambassadeur russe. «C’est une décision que j’ai prise au cours d’une nuit de veille en pensant à l’Ukraine», racontera-t-il plus tard, disant son souci absolu de pouvoir faire quelque chose «pour qu’il n’y ait pas un mort de plus en Ukraine».
D’autres actions suivront tout au long de l’année. En pleine audience générale, le 6 avril, il embrasse le drapeau ukrainien qu’on venait de lui faire parvenir de la ville de Boutcha. Là-bas, des cadavres, dont certains avaient les mains liées dans le dos, venaient d’être découverts après le retrait des troupes russes.
L’image est inédite puisque jamais dans l’histoire récente un pape n’avait enterré son prédécesseur. Sur la place Saint-Pierre, la messe des funérailles se termine à peine et déjà le pape François rebrousse chemin. Mais après quelques pas en direction de la basilique Saint-Pierre, il se retourne pour attendre le cercueil de Benoît XVI. Le pontife argentin le bénit dans un premier temps. Puis, il pose sa main droite sur le cercueil en bois de cyprès, et s’incline. «Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix (celle de Dieu le Père, ndlr) définitivement et pour toujours!» Telle était la prière de François pour son prédécesseur en conclusion de l’homélie qu’il avait prononcée quelques minutes plus tôt. (cath.ch/imedia/hl/ic/bh)
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