«En 1964, à l’âge de huit ans, j’ai fait ma première communion et j’ai visité l’Expo Nationale à Vidy avec sa fameuse esplanade des communes et ses 3’000 drapeaux. Et pour mon anniversaire, j’ai demandé L’histoire illustrée de la Suisse de Peter Durrenmatt», raconte Dominique de Buman. L’ancien président du Conseil national a développé un goût très précoce pour la chose publique qui ne l’a plus quitté au cours de ses plus de trente ans de carrière politique du conseil communal de la ville de Fribourg à la présidence du Conseil national en 2017-2018 sans parler de ses innombrables casquettes dans des associations d’utilité publique. Au nom de conviction catholiques qu’il n’a jamais cachées.
Invité par le décanat de Fribourg et le service de formation de l’Église cantonale le politicien a donné une ‘conférence de carême’, le 5 mars 2023, à Fribourg sur le thème: «Conscience et compromis».
Pour Dominique de Buman, la politique est une vocation. «Il ne faut pas avoir peur de le dire. On l’a ou on ne l’a pas. Il faut avoir la passion dans les deux sens du terme. Celui de l’énergie et du plaisir, mais aussi celui de la souffrance.
«Lorsque je me suis lancé en politique, après mes études de droit, certains jugeaient la politique incompatible avec la foi et me disaient: ‘Ne vas pas te salir là-dedans’». «J’avais pour moi la sentence de Jésus: ‘rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu’» Il s’agit de respecter l’ordre divin, mais aussi l’autorité civile et l’autonomie du temporel. En outre, depuis la fin du XIXe siècle, l’Église a développé sa doctrine sociale avec Rerum novarum, un texte prophétique face au matérialisme axé sur la recherche de la performance et de l’efficacité, qu’il soit de droite avec le capitalisme ou de gauche avec le marxisme.
«Beaucoup de penseurs et de théologiens comme le cardinal Journet avec ses Exigences chrétiennes en politique avaient déjà affirmé cette compatibilité entre le christianisme et la politique», note Dominique de Buman.
Pour le politicien fribourgeois, être catholique signifie être baptisé et vouloir vivre l’Évangile sans le monnayer, sans l’interpréter à la carte. Il s’agit en particulier de mettre en œuvre la solidarité sociale ce qui signifie respect d’autrui, promotion de la prospérité, formation, santé, bien-être général. Le but idéal étant le développement de la vie intérieure, spirituelle. «Finalement on retrouve la lutte permanente entre le bien et le mal»
«Il s’agit alors de faire régner l’harmonie et le débat pour que la décision finale soit admise par tous»
Pour un catholique en politique, les exigences évangéliques sont liées à des situations spécifiques. Il s’agit d’abord de toujours conserver une vision d’ensemble. Dans un parlement comme dans un exécutif, l’intérêt collectif prime. Cette vision est d’autant plus nécessaire face à un monde toujours plus technique et plus complexe.
Le deuxième élément, assez spécifique à la Suisse, est que le pouvoir ne s’exerce jamais seul, mais au sein d’un collège. «Il s’agit alors de faire régner l’harmonie et le débat pour que la décision finale soit admise par tous. Il faut aussi accepter de voir parfois son avis être minorisé.»
Cette attitude exige aussi du politicien la vertu de l’humilité. «Je dois admettre que d’autres ont d’autres points de vue et qu’ils ne sont pas plus malhonnêtes que moi.»
Domique de Buman pointe aussi la tentation permanente de rechercher le succès, la considération des médias et aujourd’hui des réseaux sociaux.
Les décisions politiques exigent un choix en conscience. Mais cette réalité humaine forte reste difficile à définir et à qualifier. Elle est peu visible. «J’y vois la voix de Dieu à l’intérieur de nous.» Cette conscience se déclinera face aux valeurs essentielles de vérité et d’honnêteté, indispensables à une démocratie authentique. Elle exclut évidemment tous les ‘avantages spéciaux’ qui conduisent à la corruption. Pour Dominique de Buman cela s’applique aussi au choix de ses mandats externes. «Il faut éviter de se mettre dans de mauvais draps, simplement parce que c’est bien rémunéré !»
La conscience est présente spécialement dans tous les débats moraux de la société, comme l’avortement ou le mariage pour tous, mais aussi la responsabilité des entreprises ou l’exportation d’armes.
Parfois la conscience dicte d’admettre le moindre mal. Elle doit alors s’allier à l’intelligence pour discerner ce qui est acceptable ou non.
Dominique de Buman recommande aussi de «voir venir le danger». Il s’agit avant même le débat ‘d’annoncer la couleur’, d’avoir le courage de s’exprimer sur ses valeurs. «Il faut essayer d’être un phare ou un guide, de donner une orientation. Et respecter aussi les personnes qui vous ont élu sur l’affirmation de certaines valeurs. Agir en conscience signifie aussi que l’on ne peut pas jouer son ‘joker’ à chaque fois pour se défiler d’un cas difficile.»
Face à une impasse, un conflit de conscience peut conduire à se démettre de sa fonction. Mais faut il le faire avec ou sans fracas? Là encore il n’est pas aisé de trancher. «Si je démissionne avec fracas, je dois considérer que peut-être ‘toute vérité n’est pas bonne à dire’ et que cela peut causer des dégâts pour d’autres personnes. Parfois, il faut savoir se taire et accepter de souffrir en silence, même si cela n’est pas facile.»
«Toujours demander l’aide de Dieu et toujours le remercier, rend les responsabilités supportables»
«Sans y mettre un orgueil personnel mal placé, je dois aussi me poser la question si ma présence pourrait continuer à être utile dans cet organe pour faire passer d’autre choses. Dire ‘j’en ai marre’ est trop rapide.»
Au chapitre des considérations générales Dominique de Buman retient quelques attitudes. Un politicien chrétien doit témoigner, doit dire ce qu’il pense. «Il se constitue ainsi des provisions pour le mauvais temps». Il doit prendre conseil auprès d’autres personnes. «L’intelligence collective amène parfois des choses exceptionnelles». Il doit alimenter sa conscience par la foi. «Toujours demander l’aide de Dieu et toujours le remercier, rend les responsabilités supportables. Cela nous apporte le courage comme l’esprit de tolérance et le sens du pardon.» (cath.ch/mp)
Dominique de Buman: la politique et la foi
En 2017, au moment de son accession à la présidence du Conseil national, Dominique de Buman s’exprimait devant la caméra du journaliste de cath.ch Grégory Roth:
Maurice Page
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