Un mois après leur première prise de position sur les violences, le 29 janvier 2023, les patriarches et chefs des Églises de Jérusalem se sont dit «attristés par la dernière escalade de violence en Terre sainte», «une escalade en spirale et insensée», dans un communiqué daté du 1er mars.
Ils font référence à l’attaque menée le 26 février par des dizaines de colons israéliens qui «se sont déchaînés», dans la ville palestinienne de Huwara. Située près de Naplouse, cette bourgade a été la cible d’un déchaînement de haine inédit dans la soirée du 26 février: une centaine de colons ont mis le feu à des dizaines de maisons et de voitures. Un Palestinien a été tué, et une centaine d’autres blessés par des barres de métal et des gaz lacrymogènes.
L’attaque était une expédition à caractère punitif pour venger la mort de deux colons, tués par un Palestinien le jour même dans ce village. Un meurtre qui répondait lui-même à celui de onze Palestiniens à Naplouse la semaine précédente par l’armée israélienne au cours d’une opération «antiterroriste».
La totalité des émeutiers israéliens ont été libérés par un tribunal. Mais deux d’entre eux, un adolescent de 17 ans et un jeune d’une vingtaine d’années ont été placés en détention administrative. Une mesure d’exception qui provoque des remous au sein du gouvernement de Benyamin Netanyahu.
Le communiqué des patriarches souligne à ce propos que l’attaque des colons contre Huwara s’est produite «après la conclusion d’une rare rencontre entre les dirigeants israéliens et palestiniens à Aqaba, en Jordanie, au cours de laquelle Israël a promis de mettre un terme à l’expansion des colonies dans les zones palestiniennes, et d’arrêter, avec les Palestiniens, une escalade en spirale et insensée».
L’engagement conjoint porte toutefois sur l’arrêt de «mesures unilatérales» pendant une période de trois à six mois seulement. Les Israéliens ne légaliseront donc pas en principe de colonies sauvages pendant les six prochains mois, sans garantie au-delà.
Pour les représentants religieux, «ces développements douloureux rendent encore plus nécessaire non seulement la réduction immédiate des tensions en paroles et en actes, mais aussi la recherche d’une solution plus durable au conflit israélo-palestinien, dans le respect de la légitimité et des résolutions internationales».
Dans la foulée des violences commises par des colons à Huwara, une cagnotte a été ouverte par Yaïr Fink, un homme politique israélien militant de gauche, pour dédommager les victimes Palestiniennes. Elle a atteint son plafond fixé à 1 million de shekels (260’000 francs) en l’espace de 12 heures. Ouverte le 27 février, la cagnotte a dépassé le million et demi de shekels (412’000 francs) et les 11’000 donateurs le 1er mars. L’argent collecté sera reversé aux «familles innocentes» du village palestinien de Huwara.
Rapidement qualifiées de «pogrom» par des militants israéliens anti-occupation, les exactions des colons, qui se sont arrêtés un instant devant les flammes pour prier, n’ont pas laissé la société israélienne indifférente. «Ce n’est pas notre judaïsme», est-il écrit dans la description de la collecte en ligne.
Yaïr Fink est membre du parti travailliste Israélien, réserviste dans l’armée israélienne et diplômé d’une Yeshiva (une école juive religieuse). S’il évoque «rage» et «douleur» face à la mort des deux colons tués par un «ignoble terroriste» à Huwara, le militant estime que les Israéliens ne doivent pas «perdre leur humanité»: «En tant que religieux, en tant que sioniste, en tant que réserviste, en tant qu’être humain, je ne peux pas rester silencieux lorsque mon peuple, avec le soutien des élus, brûle des villages», écrit-il dans un tweet.
Si l’initiative a connu un franc succès, son auteur a également reçu des centaines de messages de menaces, l’accusant de traîtrise, de financer les terroristes, de ne pas être digne de porter la kippa… Un harcèlement qui attriste Yaya Fink et contre lequel il a prévu de porter plainte. Sa demande reste la même: «Faîtes un don. Un peu de lumière repousse beaucoup d’obscurité» Reste à savoir si les Palestiniens de Huwara accepteront cet argent israélien.
La localité palestinienne de Huwara doit être «anléantie», a affirmé le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich lors d’une conférence de presse le 2 mars. L’homme est à la tête du parti d’extrême-droite Sionisme religieux. Une phrase qui a entraîné des réactions en chaîne au sein de l’opposition israélienne et de nombreux pays, dont les États-Unis. Le ministre a admis, du bout des lèvres le 4 mars, avoir «mal choisi» ses mots en appelant à «anéantir» Huwara, une ville palestinienne, après le meurtre de deux Israéliens. Des propos qui ont suscité un tollé international. «Il est possible que le mot était mal choisi», a déclaré Bezalel Smotrich.
Alors qu’Israël vit une crise interne, l’intensité de la violence continue de grimper dans les territoires palestiniens. Les raids de l’armée israélienne dans les villes palestiniennes sont toujours plus nombreux et meurtriers, tout comme les revanches individuelles menées aussi bien par des Palestiniens que des Israéliens. Depuis le début de l’année, 64 Palestiniens et 14 Israéliens ont été tués. (cath.ch/vatnewws/ag/terresainte.net/bh)
Bernard Hallet
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