Benoît XVI avait signifié, dans les derniers mois de sa vie, vouloir venir témoigner de sa bonne foi à Munich. Sa mort, le 31 décembre 2022, l’en a empêché. Le pape émérite était accusé, dans un rapport d’enquête publié en janvier 2022, de «comportement fautif» dans plusieurs affaires de pédophilie alors qu’il était archevêque de Munich-Freising, de 1977 à 1982.
Le cas le plus problématique était celui d’un prêtre connu comme «H.». L’affaire implique le transfert d’un prêtre provenant du diocèse d’Essen, au nord-ouest de l’Allemagne, où on lui avait retiré sa charge auprès de jeunes, considérant qu’il constituait «un danger» après des attouchements sur trois garçons de 12 ans. Suivant une psychothérapie, le prêtre a été accueilli à l’époque du cardinal Ratzinger à Munich où il a continué, pendant des années, ses méfaits. Le rapport souligne qu’on lui avait alors confié un poste comportant une réelle proximité avec des enfants.
Benoît XVI a cependant toujours nié avoir eu connaissance des antécédents du prêtre. Une affirmation jugée «peu crédible» par les auteurs de l’enquête, se basant sur le fait que son nom était sur la liste des participants à une rencontre avec le prêtre, en 1980, sur la question de son intégration dans le diocèse. Le pape émérite s’était ensuite rétracté, mettant son affirmation précédente sur le compte d’un «oubli». Il avait toutefois réitéré sa méconnaissance des antécédents de H..
Mais les conclusions d’une investigation menée conjointement par le média Bayerischer Rundfunk (BR) et l’ONG allemande Correctiv, qui constitue également une cellule internationale d’investigation journalistique, jettent une nouvelle ombre sur les déclarations de Benoît XVI. Les deux entités font en effet état d’un échange de lettres datant de 1986, qui prouve que Ratzinger, alors qu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican, avait été informé des agissements du prêtre, rapporte le média Katholische Nachrichtenagentur (KNA), le 22 février 2023.
La correspondance porte sur les points suivants: Après que H. ait été condamné en juin 1986 à une peine de prison avec sursis pour abus d’enfants, le vicaire général adjoint de Munich, Bernhard Egger, s’était adressé au Vatican. Dans une lettre, il avait demandé que H. puisse à l’avenir célébrer la messe avec du jus de raisin au lieu de vin, en raison d’une «intolérance absolue à l’alcool». Le motif invoqué était que le prêtre avait commis des délits en «état d’ébriété», correspondant aux articles 174, 176 et 184 du code pénal, qui traitent des agressions et des abus sexuels.
La réponse est venue du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), Joseph Ratzinger lui-même. La lettre démontre que l’ancien archevêque de Munich a approuvé la dérogation, ce qui implique qu’il a été, au plus tard à ce moment-là, au courant des agissements criminels de H. Or, rien n’a été entrepris par la CDF contre le prêtre, qui a pris sa retraite en 2010. Il vit depuis 2020 sous restrictions dans le diocèse d’Essen, et a été renvoyé de l’état clérical en 2022.
Interrogé par KNA, l’archevêché de Munich et Freising a confirmé l’existence d’une lettre adressée à Rome en 1986 et d’une lettre de réponse signée par Joseph Ratzinger. L’archevêché a également confirmé que toutes les missives relatives à cette affaire – y compris celle de 1986 – ont été transmises au cabinet Westpfahl Spilker Wastl, qui a établi le rapport de janvier 2022. L’information était cependant passée inaperçue du cabinet d’avocats, qui s’était focalisé sur l’attitude des responsables de l’archevêché et non sur celle des responsables du Vatican. (cath.ch/kna/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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