Le cardinal Ouellet prône une réflexion théologique sur les abus

«Nous avons des études sociologiques et historiques, mais il nous manque des instruments sur le plan théologique et moral pour arriver à une réflexion globale et sérieuse sur la question des abus», a expliqué le cardinal Marc Ouellet le 20 février 2023. Il s’est exprimé lors d’une conférence de presse organisée au Vatican afin de présenter les Actes du Symposium sur le sacerdoce organisé à Rome un an plus tôt.

Le cardinal canadien a souligné que parmi les nombreuses questions abordées durant ce Symposium figurait celle de la «désacralisation» de la figure du prêtre, en posant cette question frontale: «L’aura divine qui entoure le prêtre a-t-elle facilité la violence manipulatrice de certains ministres pervers?».

Rapport de la Ciase

Faisant certainement allusion au rapport de la Ciase, le préfet désormais ‘émérite’ du dicastère pour les Évêques a reconnu que certaines études évoquent «le caractère sacré du prêtre parmi les causes appelées ›systémiques’ des abus».

Fervent défenseur du célibat sacerdotal et d’une vision considérée comme traditionnelle de la figure du prêtre, le cardinal Ouellet est connu pour ses réserves face à ces analyses. Il a toutefois souligné que cette problématique des abus doit être prise en compte «dans toute proposition d’aggiornamento théologique ou pastoral». 

Interrogé par I.MEDIA, le cardinal canadien, lui-même mis en cause pour son attitude lorsqu’il était archevêque de Québec, a reconnu que «la question des abus a mis en crise les évêques, les prêtres et leur relation réciproque».

Le Synode actuel, qui a pour objectif de mettre en évidence la «coresponsabilité entre fidèles laïcs et ministres», doit donc permettre de construire «une atmosphère d’écoute mutuelle, qui a sans doute manqué dans les décennies précédentes», a expliqué le cardinal canadien. La redécouverte du «lien intrinsèque entre le sacerdoce des ministres et le sacerdoce des baptisés» peut ainsi constituer un outil précieux pour éviter la répétition de phénomènes d’abus. 

Pas de risque zéro

«Il est illusoire de prétendre pouvoir éliminer totalement ce risque», a précisé à le Père Vincent Siret, qui fut supérieur du Séminaire français de Rome de 2017 à 2022. «Chacun doit se réapproprier cette vocation baptismale, en l’articulant avec la vocation spécifique du prêtre», a-t-il toutefois souligné, en considérant que «cette unité différenciée à l’intérieur de l’Église, où chacun a sa place, permet de limiter le risque d’abus».

Dans le contexte du Synode, où s’expriment parfois des luttes de pouvoir qui donnent aux jeunes prêtres le sentiment d’être «décalés et interrogatifs», le père Siret a précisé que «la réalité de l’Église ne peut pas se limiter à une institution avec des fonctions à occuper: les jeunes prêtres situent leur vocation dans une vision plus profonde et plus mystique de l’Église», qui ne peut pas correspondre à une logique de rapport de forces ou de «parlement», a-t-il souligné. 

Mieux former et mieux accompagner

Dans le cadre de la conférence de présentation des Actes du Symposium, édités en deux volumes, Mgr Marco Busca, théologien italien et évêque de Mantoue, a insisté sur l’importance de faire évoluer la formation dans les séminaires. Faire en sorte que les futurs prêtres soient aussi formés par des laïcs, et notamment des femmes, permet d’éviter le risque d’une formation «dans un monde fermé, à deux vitesses, peu capable d’interagir avec la culture actuelle». 

Un «discernement plus attentif» peut notamment passer par une propédeutique plus longue, afin de détecter les inaptitudes au sacerdoce mais aussi les marges de progression possibles. Les troubles spécifiques identifiés chez certains séminaristes nécessitent «des temps de relecture, de guérison, de maturation», a expliqué l’évêque de Mantoue. 

Le cardinal Gianfranco Ghirlanda, jésuite et canoniste, a reconnu que chaque cas d’abus commis par un prêtre montre que «quelque chose n’a pas fonctionné» dans la formation au séminaire. Il a souligné l’importance d’une «formation spirituelle solide» et d’un recours à «l’aide de la psychologie» pour détecter les profils à risque.

Jeunes prêtres laissés seuls

Il a aussi insisté sur l’importance d’un bon accompagnement des jeunes prêtres par leur évêque. «J’ai de nombreux retours d’expérience de jeunes prêtres qui se sentent totalement abandonnés par leur propre évêque. Ils sont en difficulté et ne savent pas à qui s’adresser», a regretté le cardinal Ghirlanda, soulignant le devoir des évêques d’assumer leur rôle de «père et pasteur».

Pour sœur Linda Pocher, «l’abus sexuel s’insère dans un système plus ample, incluant des abus spirituels, des abus de conscience, qui ne sont pas seulement commis par des prêtres», a-t-elle insisté. «Si l’on n’a pas conscience de cela, on risque de faire une chasse aux sorcières qui serait une impasse. On trouverait un bouc émissaire, et les autres formes d’abus risqueraient de rester enfouies», a averti la religieuse salésienne. (cath.ch/imedia/cv/bh)

I.MEDIA

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