Les jeunes et la foi, entre besoin d’espace et d’accompagnement

Comment les jeunes peuvent vivre au mieux leur foi chrétienne, dans le monde actuel? Des intervenants issus de divers milieux d’Églises ont tenté de répondre à la question à l’occasion d’un Café scientifique, le 15 février 2023 à Fribourg.

«Je n’ai pas été éduquée dans la foi, mais après avoir lu la Bible dans une période difficile, j’ai découvert que Dieu était tout le temps avec moi», confie la jeune fille de 16 ans. Alors que sa voix se casse sous l’émotion, et qu’elle laisse couler des larmes, la force de son témoignage provoque les applaudissements de l’assistance.

D’autres récits poignants et instructifs de jeunes et de moins jeunes ont émaillé cette session du Café scientifique, qui a réuni, dans la salle du Nouveau Monde à Fribourg, quatre intervenants et une soixantaine de participants. La rencontre, modérée par le journaliste de RTS religion et cath.ch Grégory Roth, était la troisième du genre, organisée conjointement par l’Université de Fribourg et cath.ch. Elle était diffusée en direct sur la page Facebook et le site internet du portail catholique suisse cath.ch.

Rejoindre les jeunes où ils sont

Sous le thème «Jeunesse et foi – un nouveau souffle pour l’Eglise?», les intervenants ont présenté leurs réflexions sur le lien entre les jeunes et l’institution ecclésiale. La foi doit-elle être forcément vécue à l’intérieur de l’Eglise? Estelle Zbinden, aumônière réformée des collèges de la ville de Fribourg, a assuré avoir fait ses plus belles expériences d’accompagnement hors du cadre institutionnel. Pour la pasteure, «on peut tout à fait vivre sa foi en dehors des Eglises», car le fondement de cette foi, c’est «le dialogue que l’on a avec Dieu». «Il faut rejoindre le jeune où il est». Un point de vue renforcé par quelques témoignages dans la salle de jeunes décrivant une pratique religieuse personnelle et intime.

Pour la pasteure Estelle Zbinden, «on peut tout à fait vivre sa foi en dehors des Eglises» | © Bernard Hallet

L’importance du cadre a toutefois été soulignée. Roberto de Col, responsable de la Pastorale d’animation jeunesse de l’Église catholique dans le canton de Vaud, a estimé «difficile» pour un jeune de réaliser un chemin de foi tout seul. «Les jeunes sont sensibles au cadre». Mais pour cela, il faut «proposer» des choses, «des temps forts qui marquent». François-Xavier Amherdt a confirmé cet intérêt d’un accompagnement ecclésial, en précisant qu’il faut «varier les menus», afin que «chacun trouve sa nourriture».

L’importance de la participation

Le prêtre valaisan a, dans le même temps, aussi mis en avant la nécessité des rencontres «hors-institution». Il a cité un certain nombre de secteurs où la jonction entre jeunes et foi pouvait se réaliser, tels que le sport, la musique ou encore la solidarité. Parmi ces espaces, l’écologie a également été mentionnée. Roberto de Col a fait remarquer qu’il ne s’agissait pas en la matière d’une opération de «marketing» pour l’Église, mais que la protection de la planète était une responsabilité de tous les chrétiens.

François-Xavier Amherdt a aussi mis en avant la nécessité des rencontres «hors-institution» | © Bernard Hallet

Les intervenants ont souscrit à la nécessité de la collaboration des jeunes aux projets. Matteo Autunno, coordinateur du festival Crossfire à Belfaux, a souligné l’intérêt de cet événement «fait par les jeunes pour les jeunes». «Pour moi, vivre la foi, c’est en groupe», a-t-il assuré.

Cet aspect communautaire a été un autre point soulevé par les intervenants. Les jeunes s’intéressent souvent à la spiritualité au travers de leurs contacts avec d’autres jeunes. Et les amitiés créées dans les groupes permettent de garder le contact avec la foi. Ceci même si la famille reste encore le principal facteur de transmission de la foi.

Faire de l’espace aux jeunes

Une autre question a concerné ce que les jeunes peuvent eux-mêmes peuvent apporter à l’Eglise? Roberto de Col a rappelé à cet effet l’exhortation apostolique du pape François Christus Vivit, écrite à la suite du Synode des jeunes, à Rome (2018). Le pontife y explique que les jeunes sont le présent et l’avenir de l’Eglise, et qu’ils «prophétisent». Il faut «leur permettre d’être un nouveau souffle», a insisté l’agent pastoral. Une responsabilité qui incombe «aux autres générations».

Estelle Zbinden a mis en garde contre le fait que les jeunes ne se retrouvent souvent pas dans le carcan institutionnel. «Dans l’état actuel, ça ne marche pas, il faut faire la place pour un renouveau, dépoussiérer, sinon on peut fermer nos églises demain», a lancé la pasteure, provoquant une salve d’applaudissements.

Il faut permettre aux jeunes d’être un nouveau souffle, a insisté Roberto de Col. | © Bernard Hallet

Une participante ayant une longue expérience d’accompagnement spirituel de la jeunesse a toutefois fait remarquer le besoin «d’un minimum de structures pour que les jeunes se retrouvent».

Pour François-Xavier Amherdt, il s’agit en effet de «trouver un nouveau langage». «On peut également imaginer d’autres façons de prier», a-t-il assuré, en insistant sur le principe de «co-construction» dans les projets. Le prêtre valaisan a espéré ainsi «un possible bousculement» des structures à la faveur du Synode sur la synodalité. Il rappelle au passage que ce synode qui interroge l’avenir de l’Église est issu des conclusions tirées du Synode des jeunes.

Les réseaux sociaux, ni anges, ni démons

Mais rejoindre les jeunes où ils se trouvent questionne aussi la présence des Eglises sur les réseaux sociaux. Plusieurs intervenants ont appelé à ne pas diaboliser le virtuel, tout en pointant ses limites et ses dangers. Roberto de Col a noté l’existence de YouTubeurs tout à fait pertinents dans le domaine de la foi. D’autres invités au Café scientifique ont souligné les intérêts des réseaux sociaux pour l’organisation, la diffusion d’événements ecclésiaux. La possibilité que donne la toile de partager plus largement ses expériences de foi a aussi été évoquée.

«Pour moi, vivre la foi, c’est en groupe», a assuré Matteo Autunno, coordinateur du festival Crossfire | © Bernard Hallet

L’un des participants, actif dans la pastorale de la jeunesse, a remarqué que l’un des plus grands apports des jeunes pouvait être le témoignage spontané de leur rencontre avec Dieu. Des rencontres fortes et marquantes pour la vie, qui ont été plusieurs fois évoquées au cours de la soirée, dans des contextes et des circonstances très différents. Ils ont confirmé l’affirmation de Matteo Autunno, selon laquelle: «Il y a une quantité infinie de chemins pour vivre sa foi». (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

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