Enquête: plus de 4’800 abus sexuels dans l'Église au Portugal

Depuis 1950, au moins 4’800 enfants ont été victimes d’abus sexuels au sein de l’Église catholique au Portugal. Telles sont les principales informations d’un rapport présenté le 13 février 2023 par une commission d’enquête indépendante. Des observateurs estiment toutefois que ces chiffres sont largement en dessous de la réalité.

Créée à la fin de l’année 2021, la commission mandatée par les évêques portugais a enquêté pendant toute l’année 2022, sous le leitmotiv «Donner la parole au silence», rapporte Euronews Portugal. Le groupe est constitué d’experts et de personnalités sans lien avec l’Église, dont un ancien ministre de la Justice. Dès sa mise en place, en janvier 2022, plus d’une centaine de dénonciations seraient arrivées en l’espace d’une semaine.

Sur la base des témoignages recueillis, le rapport fait part d’un nombre «minimal» de 4’815 victimes. Pedro Strecht, un pédopsychiatre qui a coordonné la commission, a affirmé qu’il n’était toutefois pas possible de dénombrer le nombre total de crimes car certaines victimes ont été abusées plusieurs fois. Il a aussi estimé que les chiffres réels étaient certainement beaucoup plus élevés. Les victimes avaient une moyenne d’âge de 11 ans au moment des faits, détaille Vatican News.

L’âge moyen actuel des victimes est de 52 ans, et 20,2 % ont moins de 40 ans. Les témoignages proviennent de résidents portugais et d’émigrants, avec une prépondérance de victimes masculines (52%). Des cas ont été enregistrés dans tous les districts, en particulier dans ceux de Lisbonne, Porto, Braga, Santarém et Leiria.

Des «zones noires»

Pedro Strecht a parlé de «véritables zones noires», avec un impact particulier sur les décennies 1960 à 1990: près de 25% des témoignages concernent des cas survenus de 1991 à aujourd’hui. Environ la moitié des personnes ont confié leur situation pour la première fois, dans certains cas après avoir attendu jusqu’à dix ans, précisément lors du contact qu’elles ont eu avec la Commission.

Les cas signalés se sont produits principalement dans des «séminaires, collèges et institutions, confessionnaux, sacristies et maisons de prêtres», y compris, plus récemment, dans des camps et des activités de plein air. Le nombre total d’abuseurs n’a pas été révélé, mais la Commission a révélé que le nombre n’était pas élevé et que 96% étaient des hommes et 77% étaient des prêtres au moment des actes.

Crimes prescrits

Les abus «continus» ont dominé (dans 27% des cas, les abus ont duré plus d’un an), commençant, en moyenne, à l’âge de 11 ans. Les victimes – 25,8 % se considèrent comme des catholiques pratiquants – ont déclaré s’être détournées de l’Église en tant qu’institution et de la pratique religieuse, attendant des «excuses». Il y a eu sept cas confirmés de suicide parmi les victimes.

Si la plupart des crimes dénoncés dans le rapport sont prescrits, 25 accusations ont été transmises aux autorités judiciaires, qui ont confirmé l’ouverture de plusieurs enquêtes.

Sur l’exemple français

L’étude rétrospective menée au Portugal a été motivée par une lettre ouverte signée par des centaines de catholiques portugais demandant que des enquêtes soient menées sur les abus, à la suite des résultats de la Ciase, en France. En octobre 2021, la commission Sauvé a estimé que plus de 300’000 personnes avaient subi des abus sexuels dans un cadre ecclésial depuis les années 1950.

La fenêtre d’investigation portugaise couvrait également la période allant de 1950 à nos jours. Elles ont concerné des personnes âgées aujourd’hui de 15 à 88 ans. Les affaires sont en grande majorité prescrites sur le plan pénal.

L’épine de la dissimulation

Une assemblée plénière de la Conférence épiscopale, présidée par Mgr José Ornelas, son président, est prévue le 3 mars pour analyser les implications du rapport. L’un des chapitres les plus difficiles à traiter devrait être celui de la dissimulation des affaires par la hiérarchie catholique, relève Euronews, un aspect qui revient à de nombreuses reprises dans les témoignages au Portugal. Mgr Ornelas fait lui-même l’objet d’une enquête du procureur général national pour avoir couvert des prêtres abuseurs au Mozambique, en 2011, ce qu’il nie. A l’instar de celles de la Ciase, les conclusions portugaises révèlent un problème systémique, et un phénomène répandu dans toute l’institution.

Une nouvelle commission devrait être mise en place pour «poursuivre l’étude», en intégrant cette fois des éléments de l’Église. Elle devrait étudier les mesures à prendre pour éviter de nouveaux cas et restaurer la confiance dans l’institution. (cath.ch/vatnews/euronewspt/ag/rz/bh)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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