A Prague, des craintes pour l'unité de l'Eglise européenne

Quelque 150 délégués des 39 conférences épiscopales européennes, de l’extrême-ouest à l’extrême-est de l’Europe, se sont retrouvés du 5 au 9 février 2023 à Prague, pour la deuxième étape du Synode sur l’avenir de l’Église lancé par le pape François en octobre 2021. Un événement continental considéré comme une première, qui a fait ressortir les attentes parfois antagonistes des diverses régions, au risque de soulever des craintes sur l’unité de l’Église européenne. 

Entre ceux qui demandent «des propositions courageuses» en faveur des personnes homosexuelles ou de l’ordination des femmes, et ceux qui redoutent une «dilution de la doctrine», des voix contrastées se sont élevées durant ces journées, et en faire la synthèse est un exercice complexe. Par exemple, a fait observer Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, la sécularisation est vue par certains comme «un appel» et par d’autres comme «une menace». 

Parmi les positionnements, l’un deux focalise l’attention : celui de l’Allemagne, très observé par des pays qui souhaiteraient emboîter le pas à son chemin synodal national, tels la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande, a souligné le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing, devant la presse. Celui-ci a regretté que le document de synthèse des travaux, lu au dernier jour de l’assemblée, n’aille pas plus loin dans les prises de décision.

En face, des pays de l’Est comme la Pologne ou la Hongrie, tiennent à un ancrage solide dans la doctrine morale et sexuelle de l’Église. Dans le document final, ils mettent en garde contre le risque de vouloir «construire une nouvelle Église». Comment réconcilier des visions aussi éloignées, qui soulignent le grand écart entre les conférences épiscopales du Vieux continent ? 

Pas de prise de décision imminente

Pour le Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE) – organisateur de l’événement –, rien ne presse. Comme l’a répété Mgr Gintaras Grušas, président de l’organisme, lors d’un point presse, l’assemblée continentale n’est pas programmatique. Il ne s’agit pas de proposer des solutions, a précisé l’archevêque de Vilnius, mais d’exprimer et d’écouter les blessures. 

Un mot d’ordre repris par la plupart des participants. Tetiana Stawnychy, présidente de Caritas Ukraine, reconnaît l’expression de nombreuses tensions mais note qu’«ici on laisse l’autre dire quelque chose sans le juger, juste en écoutant et en réfléchissant sur cela». Pour l’Ukrainienne, le chemin synodal a même «quelque chose à offrir au monde extérieur, où l’on sent une polarisation grandissante ». 

Lucie Lafleur, jeune mère de famille de la délégation française, assure que «ce style où l’on se met à l’écoute avec humilité, où l’on n’a pas peur de se décentrer, de sortir de soi pour aller rencontrer l’autre est un point de consensus très fort » entre les participants.

«Il peut y avoir une tension car il y a parfois des réponses urgentes à donner, mais pour aller au fond des choses, cela demande du temps», estime-elle. L’écoute simple est d’ailleurs pour l’instant une position «confortable», fait remarquer Mgr de Moulins-Beaufort.

Plus qu’une méthodologie, cette écoute est désignée comme un style de vie de l’Église, dans la conclusion du document final. Diverses délégations ont d’ailleurs souhaité que cette assemblée continentale ne reste pas une expérience isolée mais devienne un rendez-vous périodique. 

L’unité est-elle mission impossible?

Il n’en reste pas moins que les différends semblent irréconciliables à long terme. Mgr Paolo Pezzi, archevêque de Moscou, fait cependant confiance à la méthode synodale pour canaliser les conflits internes à l’Église. Il souhaite ainsi que la participation au processus synodal puisse peu à peu purifier les chemins synodaux parallèles.

L’évêque de Leiria-Fatima, Mgr José Ornelas Carvalho, fait observer qu’il est «naturel qu’il y ait des formes différentes de regarder le même phénomène ». Le chemin synodal doit respecter les capacités de progression de chaque groupe, ajoute-t-il. «Le pire serait de nous arrêter sur les difficultés et les différences», prévient le Portugais, assurant que «nous ne devons pas être tous pareils » dans l’Église.  

«Pas un synode sur l’homosexualité ni sur les femmes»

La conviction du président de la Conférence épiscopale espagnole, le cardinal Juan José Omella, c’est que la communion est possible si «nous sommes centrés sur le Christ, si nous sommes attachés au Christ». Lucie Lafleur abonde dans ce sens, plaidant pour la charité en acte, qui se vit et se partage partout. «C’est cela qui nous réunit, cette envie d’annoncer l’amour du Christ au monde», assure-t-elle.

«On ne sait pas ce qui va résulter de tout cela, mais on ne pourra pas dire qu’il n’y a pas eu une écoute de toute l’Église», constatent pour leur part les représentants du réseau Charis, le couple français Claude et Cathy Brenti. Au terme des débats, le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général du Synode sur l’avenir de l’Église, présent à la rencontre, recommande surtout une attitude pour le discernement à venir: « Il faut l’indifférence (dans l’acceptation jésuite de ne pas faire de différence NDLR), être ouvert à Dieu, s’exposer à Dieu», a-t-il insisté lors d’un point presse. Et de rappeler : «Ce n’est pas un synode sur l’homosexualité, ce n’est pas un synode sur le sacerdoce des femmes». (cath.ch/imedia/ak/mp)

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