Propos recueillis par Anna Kurian à Prague, pour cath.ch.
Avec quelles attentes de votre Église êtes-vous venue à cette rencontre?
Beate Gilles: Nous avons beaucoup de choses à dire sur le Document pour l’étape continentale. Pour nous, cela demande d’entrer dans une dynamique car nous avons notre chemin synodal, nous pratiquons l’Église synodale dans notre Chemin allemand, mais à présent ici nous devons participer à un mouvement plus grand, de l’Église internationale. Nous en faisons partie et nous voulons en faire partie.
Plusieurs interventions allemandes soulignaient qu’on ne parle pas suffisamment d’abus dans ce Synode… Est-ce une préoccupation que vous portez ici?
En Allemagne, nous avons la conviction qu’il ne s’agit pas seulement d’une crise avec des victimes et des prêtres. C’est un problème systémique, qui conduit à remettre en question la façon dont l’Église fonctionne. Nous ne pouvons pas résoudre ce problème sans changer l’Église. Dans l’Église allemande, nous regardons ce problème de façon systémique. C’est important pour nous, c’est quelque chose que nous pouvons apporter ici dans ce contexte international.
«Nous avons la conviction qu’il ne s’agit pas seulement d’une crise avec des victimes et des prêtres. C’est un problème systémique.»
Quels autres thèmes sont-ils importants pour l’Église d’Allemagne?
Nous essayons en Allemagne de travailler sur la façon dont le pouvoir dans l’Église peut être partagé entre les prêtres et les laïcs. Nous avons des groupes de laïcs théologiens qui ont suivi les mêmes études que les prêtres et qui sont employés par l’Église, nous avons beaucoup de personnes impliquées. La question demeure de vraiment partager le pouvoir dans l’Église, afin qu’il n’y ait pas que les évêques et les prêtres qui soient responsables. C’est très important pour nous.
Avez-vous des alliés en Europe?
C’est un chemin très allemand. Je pense que chaque pays doit essayer son propre chemin. En Allemagne nous avons vraiment beaucoup de structures synodales, à divers niveaux, beaucoup de laïcs sont impliqués dans la prise de décision, depuis les années 1975. Nous sommes une Église riche, nous avons les moyens, mais cela changera dans les 10 ou 20 prochaines années. Et cela est différent dans les autres pays.
«Je pense que ce sera très difficile, à partir de l’écoute de ces discours très différents, de parvenir à un document.»
Le dialogue reste-t-il ouvert avec des épiscopats classés plus «conservateurs» comme celui de la Pologne?
Ici à Prague il n’y a pas vraiment de dialogue. Nous nous écoutons, mais nous ne réagissons pas directement. C’est une chance, de pouvoir d’abord tout écouter. Je pense que ce sera très difficile, à partir de l’écoute de ces discours très différents, de parvenir à un document. Mais attendons de voir.
Quelques semaines après la visite ad limina des évêques, quel bilan peut-on tirer et comment se passent les relations avec Rome?
C’était une expérience très importante pour les évêques de la conférence épiscopale, parce qu’ils ont exprimé à Rome leur situation, et leurs différends entre eux aussi. Ils ont pu montrer qu’ils ont des différences mais que c’est acceptable, ils peuvent en parler. Il semble qu’à Rome ce ne soit pas le cas: il y a eu une rencontre avec tous les chefs des dicastères, mais seulement trois personnes parlaient. Tout le monde n’a pas parlé.
Peut-être que cela change le regard de Rome sur la situation en Allemagne. Ils ont fait l’expérience que l’Allemagne n’est pas une seule voix. Ils doivent réaliser qu’il y a diverses positions et qu’on travaille sur ces différences.
«Il y a un sujet: comment nous mettons en place le Conseil synodal.»
Pour l’avenir, que peut-on attendre pour le chemin synodal allemand?
Je ne pense pas que nous devons prendre une décision maintenant. Il y a un sujet: comment nous mettons en place le Conseil synodal. C’est très important, le chemin synodal en Allemagne a décidé que nous réaliserons un Conseil non seulement avec des évêques mais tous ensemble. Ce n’est pas simple car nous ne savons pas encore comment les laïcs peuvent s’intégrer à ce Conseil, étant donnée la position spéciale des évêques.
Nous sentons que Rome est en colère, elle s’y est opposée avant même notre décision. Mais nos évêques ont fortement rejeté l’idée du moratoire. C’est un conflit qui peut se poursuivre. (cath.ch/imedia/ak/bh)
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