Le caractère sacré de ces objets les rendant impropres à une exposition, une requête formelle de retour avait été adressée, en août 2022, à la Ville de Genève par le Comité des relations extérieures de la Confédération Haudenosaunee. Le masque et le hochet lui ont été rendus au cours d’une cérémonie réunissant Sami Kanaan, conseiller administratif de la Ville, Carine Ayélé Durand, directrice du MEG, et trois membres du comité des relations extérieures des Haudenosaunee*.
Parmi eux, Kenneth Deer (Nation Mohawk). Comme le note celui-ci dans un article du Temps, «les masques sont directement prélevés des arbres. Si l’arbre est vivant, le masque l’est aussi.» Or pour les chefs Haudenosaunee, les objets conservés au MEG «n’ont pas été nourris convenablement. Le masque ne comprenait plus sa langue originelle. En un mot, ces objets n’étaient plus vivants comme l’arbre qui les avait portés.»
Ces objets proviennent d’une collection léguée en 1825 au musée par le genevois Amédée Pictet de Sergy. Elle contient d’autres pièces n’ayant pas de valeur sacrée et dont les restitutions n’ont donc pas été demandées par les Haudenosaunee.
Il faut noter la vitesse avec laquelle ces objets réclamés ont été remis à leurs propriétaires initiaux. C’est qu’entre Genève et les Nations iroquoises, une longue histoire d’amitié existe depuis 100 ans. Plus exactement, depuis la tentative –infructueuse- du deskaheh (ambassadeur) cayuga Levi General, porte-parole de la Ligue des Six Nations Iroquoises, de pénétrer dans l’enceinte de la Société des Nations (SDN) à Genève, en 1923, pour y faire résonner son Appel de l’homme rouge à la justice. Ces nations n’existaient-elles pas bien avant l’arrivée des Européens?
Si la SDN ne l’entend pas, le deskaheh ne rentre néanmoins pas chez lui les mains vides. Il obtient le soutien du Bureau international pour la défense des indigènes, créé par le journaliste René Claparède, «dont l’attitude de respect du statut d’ambassadeur de General, de non-ingérence et de discrétion tranche en cette époque de colonialisme et de préjugés», expliquait dans la revue choisir (octobre 2019) Pierrette Birraux.
Cette historienne a longtemps dirigé le Docip, le Centre de documentation, de recherche et d’information des peuples autochtones. Elle précise: «Face au refus du Canada et de la Grande Bretagne de laisser le deskaheh entrer au siège de la SDN, la Mairie de Genève a organisé un événement officiel public lors duquel le Chef a prononcé son discours devant de nombreux dignitaires de la SDN et un public considérable. Le maire Jean-Baptiste Pons inaugurait ainsi une tradition poursuivie par ses successeur·e·s, Claude Ketterer, Michel Rossetti et Sandrine Salerno, qui reçurent également, de manière tout à fait officielle, les délégations autochtones auprès des Nations Unies en 1977, 1997 et 2013.»
Le deskaheh Général a ainsi ouvert la voie à bien d’autres délégations autochtones auprès de l’ONU. Du fait de leurs peu de moyens, les autochtones emploient pour se faire entendre des stratégies qui leur sont propres. «L’une d’elle est de conclure des alliances avec divers acteurs de la société locale et internationale», explique encore Pierrette Birraux. Un long processus de reconnaissance, qui a abouti à l’adoption en 2007 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. (cath.ch/lb)
* Les Haudenosaunee comprennent les Sénécas, les Cayugas, les Oneidas, les Onondagas, les Mohawks et les Tuscaroras. Ils vivent des deux côtés de la frontière entre les États-Unis et le Canada.
Un arbre de la paix planté à Genève
Le 9 février 2023 la Ville de Genève et le Comité des relations extérieures Haudenosaunee (Confédération des Six Nations Iroquoises) planteront ensemble un Arbre de la Paix au parc des Bastions. Cet événement aura lieu dans le cadre de la commémoration du centenaire de la mission auprès de la Société des Nations du chef deskaheh à Genève. Sous les racines de l’arbre, seront enterrées une flèche et une massue de guerre, des armes traditionnelles Haudenosaunee, comme symboles de paix entre les deux peuples.
L’arbre choisi est un pin blanc ou pinus strobus, un emblème des Haudenosaunee qui figure sur leur drapeau ainsi que sur leur passeport. Il symbolise la Constitution Haudenosaunee, appelée la Grande Loi de la Paix.
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
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