Environ 5’000 personnes, parmi lesquelles 1’000 à l’intérieur de la cathédrale, ont accueilli l’évêque de Rome dans une atmosphère chaleureuse. Le pape a tissé la métaphore du Nil, déjà esquissée la veille dans son discours aux autorités politiques, en remarquant «dans le lit de ce cours d’eau, les larmes d’un peuple plongé dans la souffrance et la douleur, martyrisé par la violence, se déversent». Il a donc invité les clercs et consacrés à se montrer attentifs à la détresse d’une population marquée, pour un tiers du total des Sud-Soudanais, par des déplacements forcés à l’intérieur ou à l’extérieur du pays en raison des guerres successives qui ont plongé le pays dans le chaos.
Faisant référence au célèbre extrait du Psaume 137 de la Bible – «Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions» -, le pape a remarqué que «les eaux du grand fleuve, en effet, recueillent les gémissements de souffrance de vos communautés, le cri de douleur de tant de vies brisées, le drame d’un peuple en fuite, l’affliction du cœur des femmes et la peur gravée dans les yeux des enfants».
Mais elles constituent aussi «un signe de délivrance et de Salut», à la suite de Moïse. «En regardant l’histoire de Moïse qui a conduit le peuple de Dieu à travers le désert, demandons-nous que signifie être ministres de Dieu dans une histoire traversée par la guerre, la haine, la violence, la pauvreté».
François a rappelé que dans un premier temps, Moïse, en tuant un Égyptien qui avait maltraité un juif, «était devenu prisonnier des pires méthodes humaines, comme celle de répondre à la violence par la violence». Ce n’est qu’après l’épisode du Buisson ardent qu’il suivra pleinement la volonté de Dieu.
Les religieux et clercs du Soudan du Sud ont ainsi été invités à faire de même. «Devant le Bon Pasteur, nous comprenons que nous ne sommes pas des chefs tribaux, mais des pasteurs compatissants et miséricordieux; non pas les maîtres du peuple, mais des serviteurs s’abaissant pour laver les pieds des frères et sœurs», a-t-il insisté.
En exerçant leur ministère «sur les rives d’un fleuve baigné de tant de sang innocent», les pasteurs sont invités à «marcher au milieu de la souffrance et des larmes, au milieu de la faim de Dieu et de la soif d’amour des frères et sœurs». Ils doivent ainsi «élever la voix contre l’injustice et la prévarication, qui écrasent les gens et utilisent la violence pour gérer les affaires à l’ombre des conflits».
«Soutenir les luttes du peuple par la prière devant Dieu, implorer le pardon, administrer la réconciliation en tant que canaux de la miséricorde de Dieu qui pardonne les péchés: tel est notre devoir d’intercesseurs», a martelé le pontife argentin.
À la cathédrale où était présent le cardinal Gabriel Zubeir Wako, archevêque émérite de Khartoum, le pape avait été accueilli par Mgr Yunan Tombe Trille Kuku Andali, le président de la Conférence épiscopale du Soudan – qui regroupe les évêques des deux États, Soudan et Soudan du Sud. Lui-même évêque d’El Obeid, au Soudan, il a exprimé sa préoccupation pour le Soudan du Sud, en critiquant «le manque de volonté des leaders politiques à collaborer pour la paix». «Puisse cette visite toucher les cœurs des Soudanais et nous apporter une paix durable», a-t-il demandé.
Une religieuse a aussi témoigné des difficultés de la mission au Soudan du Sud, en rendant hommage à deux religieuses sud-soudanaises assassinées en 2021, Mary Daniel Abut et Regina Roba Luate. Ces religieuses de la Congrégation des Sœurs du Sacré-Cœur, qui avaient toutes les deux forgé leur vocation durant leur exil en Ouganda, étaient engagées dans l’éducation et la santé.
En évoquant les religieuses et religieux qui ont perdu la vie dans les violences au Soudan du Sud, le pape a rappelé «qu’il faut des âmes audacieuses et généreuses qui sachent souffrir et mourir pour l’Afrique». Il a cité saint Daniel Comboni, le fondateur de la congrégation des comboniens, très active en Afrique de l’Est.
De nombreux religieux ont fait le déplacement à Djouba pour cette rencontre avec le pape, parmi lesquels la religieuse irlandaise Orla Treacy, récipiendaire en 2019 de l’International Women of Courage Award, un prix attribué par la diplomatie américaine. Cette religieuse de la Congrégation de la congrégation de Notre-Dame-de-Lorette, engagée dans l’éducation des jeunes, a marché 180 kilomètres avec des étudiants et des volontaires, depuis le diocèse de Rumbek, afin de rencontrer le pontife argentin.
L’évêque de ce diocèse, Mgr Christian Carlassare, de nationalité italienne, avait été victime d’une violente agression armée le 25 avril 2021, ourdie par des prêtres s’opposant à sa nomination. Il a pu retrouver l’usage de ses jambes après une longue hospitalisation et a finalement été installé dans sa charge en 2022, un an après la date initialement prévue. (cath.ch/imedia/cv/hl/rz)
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