Vera Rüttimann, kath.ch/ traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Au sous-sol du musée Rietberg, le visiteur est plongé dans un autre monde. Des pièces d’exposition datant de près de 2000 ans présentent l’univers du jaïnisme. Une religion relativement peu connue en dehors de l’Inde. Six chapitres donnent un aperçu de ses enseignements, pratiques et rituels à travers une sélection d’œuvres d’art.
Le jaïnisme est une religion indienne vieille de 2500 ans. Elle compte parmi les trois grandes religions du sous-continent et se fonde sur les principes de non-violence, de tolérance et de respect de la vie. Elle compte toutefois relativement peu d’adeptes. Ils seraient environ cinq millions sur la planète, dont 4,5 millions en Inde.
Les jaïns ne croient pas en un dieu unique, mais vénèrent 24 maîtres mythiques qu’ils appellent jina (vainqueurs) ou tirthankaras (préparateurs de gué). L’exposition présente de petits autels en bronze représentant certains de ces maîtres. Le Jina Mahavira est le dernier de la série des enseignants mythiques. Il est considéré comme le fondateur du jaïnisme. D’anciens manuscrits racontent sa vie, qui n’a été transmise que par des légendes.
Des moines jaïns parcourent encore aujourd’hui l’Inde nus et démunis comme l’était autrefois Mahavira. Dans un documentaire intitulé Vihara – un chemin vers la rédemption, on voit un moine jaïniste se promener de village en village. La plupart du temps, il est effectivement nu. Les personnes qui le croisent se prosternent devant lui. Mais le moine n’est pas seul. La plupart du temps, d’autres hommes ou des religieuses se joignent à lui.
«Il n’est pas rare que les visiteurs de l’exposition s’arrêtent devant ces figures dressées, car elles dégagent une étrange sérénité»
Comme le jaïn, par conviction, ne mange même pas de végétaux-racines, les gens lui tendent du riz cuit ou des légumes au bord du chemin. La seule chose que l’homme porte sur lui est une grande plume. Lorsqu’il s’assoit quelque part ou entre dans une maison, il s’en sert pour éloigner doucement les insectes – pour éviter à tout prix de les tuer.
L’exposition présente diverses sculptures de moines jaïns. Les figures séculaires méditent, regardent au loin avec détachement. Les bras pendent sur le côté. Il n’est pas rare que les visiteurs de l’exposition s’arrêtent devant ces figures dressées, car elles dégagent une étrange sérénité. Un jina en marbre à l’entrée de l’exposition attire l’attention.
Le fragment de socle d’une sculpture de jina du 9e siècle est également intéressant. Une déesse à quatre bras est assise au centre. Elle est flanquée de lions, d’éléphants et de gazelles. Ou encore le porteur de fléau en marbre du 18e siècle, qui faisait office d’accompagnateur d’un jina. Les visiteurs se retrouvent également devant des autels en bronze. Comme celui appelé «Jina Rishabha» datant de 1140, qui a été construit pour des jaïns aisés. Ils s’émerveillent aussi devant le «Dharanendra», un autel du 12e siècle en pierre. L’homme avec une couronne sur la tête est le souverain de la mythique créature serpentine.
L’exposition «Etre Jaïn» se déroule dans le cadre des 70 ans du Musée Rietberg. Le point de départ du musée avait été la donation d’Eduard von der Heydt, un banquier, collectionneur d’art et mécène germano-suisse. Il y a un demi-siècle, le musée avait consacré une première exposition à la collection jaïne. Depuis, elle n’a cessé de s’agrandir. Des objets rituels précieux, des peintures pigmentaires et des sculptures sont notamment venus s’y ajouter.
Le cosmos des jaïns est représenté par des images grand format. Il se compose de trois niveaux superposés: au centre se trouve le monde dans lequel vivent les hommes et les animaux. Au-dessus sont disposées les divinités. En dessous, les mondes souterrains sombres, l’enfer. Certaines vidéos ont pour thème le cycle éternel de la vie, de la mort et de la renaissance comme le conçoivent les jaïns. La renaissance est appelée «samsara» et n’est obtenue que lorsque l’âme se libère et que le jaïn entre dans la rédemption, la «moksha».
«Le jaïnisme, peut-on lire sur l’un des panneaux d’information, est presque devenu une religion de mode de vie»
Le jeûne de la mort est très répandu chez les jaïns. Une vidéo impressionnante aborde la question: s’agit-il d’un suicide planifié ou du passage à un autre état? Pour le jaïn apparaissant dans le film, la chose est claire: il va à la mort en jeûnant. De sa propre volonté. Une pierre commémorative était souvent dédiée aux personnes qui trouvaient la mort après un tel jeûne. Un exemplaire particulièrement beau, datant du 14e siècle, provient de l’État indien du Karnataka. La pierre montre, à côté d’un jina, une représentation et une inscription dédiées au défunt.
Le jaïnisme n’est arrivé en Europe qu’au 20e siècle. Depuis, il s’y est répandu de manière fulgurante. L’exposition zurichoise montre comment les jaïns vivent aujourd’hui dispersés dans le monde au sein d’une diaspora. Dans des interviews vidéo, des adeptes parlent de leur vie et de leur quotidien. Que pensent-ils de thèmes tels que la migration, l’écologie ou la non-violence? A quoi ressemble leur quotidien? Ces entretiens donnent un aperçu passionnant de la façon de penser de cette communauté peu connue.
Il est intéressant de savoir que de nombreux jaïns occupent des postes à responsabilité dans les domaines de l’économie, de la science et de la culture, en Inde et ailleurs. C’était notamment le cas d’Anshu Jain, décédé en 2022, qui était membre du conseil d’administration de la Deutsche Bank.
Responsabilité, durabilité, renoncement et non-violence – les jaïns développent des principes qui sont aujourd’hui en vogue. Le jaïnisme, peut-on lire sur l’un des panneaux d’information, est presque devenu une religion de mode de vie. Il trouve également des adeptes dans le milieu des végétaliens et des véganes, car les jaïns refusent depuis toujours de manger quoi que ce soit qui vienne d’un animal. (cath.ch/kath/vr/rz)
Rédaction
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/le-jainisme-une-religion-ancienne-qui-trouve-un-nouveau-souffle/