Pour son dernier rendez-vous de la journée, le pontife a écouté attentivement les témoignages d’un handicapé, victime dans sa jeunesse d’une erreur médicale, d’un lépreux rejeté par la société, d’une enseignante argentine dans un collège congolais, d’un groupe de volontaires de Sant’Egidio accompagnant les personnes atteintes du SIDA, de membres d’une école de sourds-muets gérée par les Focolari et d’une moniale trappiste. «Dans l’océan de notre douleur, nous avons découvert que Dieu ne nous a pas oubliés», a témoigné un homme handicapé de 68 ans. Il a contribué à fonder une chorale et une mutuelle venant en aide à plus de 1’000 personnes affectées par un handicap.
Un homme contaminé par la lèpre en 2004 a délivré un témoignage poignant sur le «mélange de honte, d’incompréhension et de peur» auquel il est quotidiennement confronté. «Que vaut un homme sans doigts? Quand je passe parmi les gens, tous se pressent pour se laver, même là où est passée seulement mon ombre», a-t-il témoigné en expliquant avoir été rejeté par sa famille, influencée par un marabout.
Des jeunes sourds-muets, pris en charge dans une école du mouvement des Focolari, ont eux aussi regretté les préjugés de la société. «Autour de nous, il y a plus sourd et plus muet que nous, parce qu’il nous ignore et se bouche les oreilles pour ne pas nous voir et ne pas nous entendre», ont-ils témoigné, en langue des signes, avec l’aide d’un interprète. Une chorale de jeunes aveugles a pour sa part entonné un chant débordant de joie et de reconnaissance pour le soutien de leurs parents.
Le responsable d’un Centre DREAM, une initiative de la Communauté de Sant’Egidio pour venir en aide aux personnes affectées par le Sida, a témoigné de l’action de cette organisation. Elle a pu offrir «une seconde vie» à des personnes qui se croyaient condamnées à mourir à brève échéance. Elle a notamment permis de sécuriser la naissance de 11’000 enfants, nés de mères séropositives mais sans contracter eux-mêmes le virus.
Une jeune moniale trappistine a témoigné de sa vocation forgée «dans le drame de cette humanité blessée», dans son pays marqué par les guerres. «Malgré notre petitesse, le Seigneur crucifié désire nous avoir à ses côtés pour soutenir le drame du monde», a expliqué sœur Marie-Céleste. Le pontife a salué l’humanité qui s’exprimait à travers ces témoignages. Il a souligné combien ils avaient préféré lui présenter «des noms et des visages» plutôt que des «données sur la pauvreté» ou des «problèmes sociaux». «On pleure lorsqu’on entend des histoires comme celles que vous m’avez racontées», a-t-il confié.
«Dans ce pays où il y a beaucoup de violences, qui résonnent comme le bruit sourd d’un arbre abattu, vous êtes la forêt qui pousse chaque jour en silence et qui rend l’air meilleur, respirable», les a félicités le pontife. Il s’est réjoui qu’ils aient choisi «la promotion contre l’exploitation» contre la «déforestation du rejet», affirmant que leur action favorise «la croissance et l’espérance» en RDC.
«La pauvreté et le rejet offensent l’homme et défigurent la dignité», s’est-il indigné. Le pape a plaidé pour un «développement véritablement humain». Il a insisté sur l’importance de leurs entreprises collectives, mais a aussi rappelé l’importance pour l’État d’assurer les services de base dans le domaine de la santé et de l’instruction en particulier, dans lesquels l’Église en RDC est particulièrement engagée. L’évêque de Rome a aussi demandé aux «personnes aisées» du pays de partager ce qu’elles possèdent avec ceux «qui manquent du nécessaire». « Ce n’est pas de la philanthropie, c’est de la foi, a-t-il insisté.
Le pontife a souligné l’importance des entreprises silencieuses de ses hôtes et vanté le «courage des petits pas» qui les anime. Il a expliqué être venu, comme eux, pour «donner de la voix à ceux qui n’en ont pas». «Comme j’aimerais que les médias accordent davantage de place à ce pays et à l’Afrique dans son ensemble!», s’est-il exclamé. François les a enfin invités à être exemplaires, prévoyants en misant sur des projets de développement autonomes et durables, notamment dans l’agriculture ou dans la santé, et connectés les uns aux autres pour créer une «synergie constante» entre eux.
Le pontife a par ailleurs rendu hommage au travail de sa nonciature, où il loge pendant son séjour à Kinshasa et qui a accueilli cette rencontre. Cette structure célèbre cette année 70 ans d’existence et les 90 ans de son ouverture en tant que délégation apostolique.
Comme les autres «’maisons du pape’ disséminées dans le monde», il les a encouragées à être «l’avant-garde de la diplomatie de la miséricorde» en servant «d’amplificateurs de la promotion humaine». Il les a aussi enjoints à favoriser la construction de «réseaux de coopérations» avec les œuvres caritatives. (cath.ch/imedia/cd/cv/rz)
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