«Les gens choisissent souvent une église parce qu’elle est la plus proche du restaurant où ils vont fêter leur mariage», lance l’abbé. Œuvrant depuis quelques années dans une paroisse du littoral vaudois, le prêtre d’origine africaine expose une situation que les autres participants connaissent bien.
C’est pour échanger sur de telles expériences que deux agentes pastorales et une bonne vingtaine de prêtres et de diacres de LGF se sont réunis les 24 janvier et 26 janvier 2023 à Lausanne. Les sessions avaient notamment pour but de présenter aux acteurs concernés de la pastorale deux nouveaux documents de référence: le Guide pastoral du mariage, publié par le diocèse, et les Itinéraires catéchuménaux pour la vie conjugale, rédigés par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, à Rome.
Le Guide pastoral de LGF a été publié le 7 mars 2022. Au cœur de l’année de la famille, promulguée par le pape François, le document, porté par l’évêque Charles Morerod, a été pensé par une commission mixte de prêtres, diacres et agents pastoraux laïcs. Ad experimentum sur une période de cinq ans, il s’adresse «à toute personne impliquée dans l’accueil de la demande des couples qui souhaitent un accompagnement dans le mariage». Le fascicule, tout en abordant les aspects pratiques de l’accompagnement au mariage, rappelle la portée spirituelle et ecclésiale de ce sacrement. «Pour l’Eglise catholique, le mariage et la famille sont au nombre des biens les plus précieux de l’humanité», souligne le Guide dans son introduction. Les Itinéraires catéchuménaux pour la vie conjugale, publiés en juin 2022, visent à mettre en œuvre Amoris laetitia (2016) dans le domaine de la pastorale du mariage.
Ce document est présenté comme «un don et une tâche»: boîte à outils pastorale, appelée à être taillée sur mesure pour chaque Eglise locale et adaptée à la situation concrète de chaque couple de fiancés, notent Monique Dorsaz et Alice Nielsen, toutes deux engagées dans la pastorale des couples et familles dans le canton de Vaud. Elles ont trouvé utiles d’organiser ces rencontres de prêtres sur deux journées, pour accompagner de manière optimale la mise en oeuvre des documents. Un «bibliodrame» sur les Noces de Cana et quelques citations issues du Salon du mariage ont permis aux participants de se placer pleinement dans le contexte de la thématique. Ils ont ensuite pu échanger sur leurs expériences, leurs idées et leurs attentes.
Un premier constat entièrement partagé a été posé: la baisse drastique des mariages à l’église. «C’est une réalité sociologique, avec laquelle il faut composer», a relevé Monique Dorsaz. Une tendance négative qui peut être relativisée par le fait que les personnes se mariant aujourd’hui à l’église le font avec une motivation et une conscience plus profonde. Il reste un certain nombre de candidats au mariage qui voient un peu l’Eglise comme un «guichet» de distribution des sacrements. Ils font la démarche par respect de la tradition ou en rapport à l’image romantique de la cérémonie.
«L’enjeu est de préparer les fiancés à la vie conjugale et non seulement au jour de leur mariage»
La réalité sociologique en Suisse romande, et notamment dans les grandes villes, est celle d’une population extrêmement mouvante, diversifiée autant sur le plan des croyances, de l’appartenance religieuse que de l’origine géographique. De nombreux mariages qui se préparent dans les paroisses se déroulent ainsi à l’étranger.
Ces circonstances compliquent considérablement le suivi des mariés. Alors qu’il s’agit de l’un des points mis en avant par le Guide pastoral de LGF. «Ceux qui accompagnent les futurs époux les rendront attentifs au fait que la célébration du mariage (…) est plus un départ qu’un aboutissement. Le sacrement va donc se déployer tout au long de la vie (…)», note le document. Un accomplissement censé également se dérouler à l’intérieur de la communauté ecclésiale et avec son soutien.
Dans la réalité du suivi, les expériences divergent. Certains célébrants témoignent d’un véritable lien qui s’est tissé avec les couples qu’ils ont mariés. Pour d’autres, la situation est différente. Un abbé raconte avoir invité les 50 derniers couples mariés dans son église à une rencontre, et n’avoir reçu que deux réponses… négatives. «Aujourd’hui, les gens sont occupés à plein de choses, observe un autre prêtre, ils considèrent que l’Eglise est une chose secondaire.» Tout l’enjeu mis en évidence est de préparer les fiancés à la vie conjugale et non seulement au jour de leur mariage.
Dans ce contexte difficile, les deux agentes pastorales ont esquissé de nouvelles pistes possibles pour l’accompagnement. Notamment dans l’après-mariage. Elles ont remarqué que si les personnes n’étaient pas forcément intéressées par la dimension religieuse, elles pouvaient l’être par leur couple. Monique Dorsaz et Alice Nielsen organisent depuis quelques années des rencontres pour couples, notamment un événement de la Saint-Valentin, ainsi que des parcours pour prendre soin de la vie de couple (Paarlife en 3 soirées, Alpha Couple, en 7 soirées).
«Cela peut être une manière plus attractive d’entretenir le lien avec les personnes. On peut amener ainsi à créer des échanges à l’intérieur du couple, mais aussi entre les couples. Ces offres sont toujours bien reçues et confirment que l’Eglise a une place à prendre pour accompagner les couples dans la durée», assure Alice Nielsen.
D’une manière générale, les prêtres venus à Lausanne ont trouvé très intéressant l’Annexe II du Guide pastoral intitulé «Forces et fragilités de vos parcours de vie». «C’est l’une des nouveautés du document, à laquelle le Père Hubert Niclasse, ancien official, a grandement contribué par son expérience», précise Monique Dorsaz.
Le chapitre propose des questions type concernant des aspects qui peuvent mettre en péril le couple, notamment en lien avec ce qu’ils ont vécu dans leur famille d’origine, dans leurs relations précédentes, sur les plans sentimentaux ou sexuels. Des questions telles que «Quelle éducation avez-vous eue?», «Avez-vous été victimes d’abus ou d’attouchements à caractère sexuel (…)?», ou encore «Avez-vous l’impression de bien connaître votre futur conjoint?», ont semblé pertinentes au panel de prêtres et de diacres. «Ils ont reconnu qu’il s’agissait d’un outil opportun pour donner la possibilité aux fiancés de réfléchir, à titre personnel, à l’influence de leur passé sur le mariage qu’ils construisent, d’échanger dans la profondeur, d’exprimer leurs doutes et leurs fragilités», assure l’agente pastorale.
Les discussions ont aussi porté sur les «situations particulières», qui font l’objet d’un chapitre dans le Guide diocésain et sur lesquelles portera un document à venir de Rome, annoncé dans la préface des Itinéraires catéchuménaux. Monique Dorsaz admet que la présence de prêtres venant de différentes cultures, mènent parfois à des points de vue et des pratiques divergents. «Un échange constructif a permis d’ajuster nos pratiques à la réalité locale.»
«La dimension du catéchumenat implique qu’il s’agit d’accompagner la vocation d’une vie»
L’agente pastorale rappelle que les évêques suisses ont décidé, dans le domaine des «situations particulières», de se référer à l’exhortation apostolique du pape François Amoris laetitia. Le Guide pastoral du mariage affirme ainsi: «A la suite du pape François, nous [les évêques suisses, ndlr] prônons également une culture de l’intégration et de la compassion, y compris pour les couples et les familles en situation objective de rupture ou d’inadéquation à la norme de l’Eglise». Le document invite à «discerner les situations», rappelant que l’on peut «recevoir l’aide de l’Eglise», et que, dans certains cas «il puisse s’agir de l’aide des sacrements».
Le renforcement pastoral s’articule donc sur trois axes, qui sont la transversalité, la synodalité et la continuité. La dimension du catéchumenat implique qu’il s’agit d’accompagner la vocation d’une vie; une pastorale «du lien», qui passe par l’accompagnement et le discernement.
Des aspirations générales auxquelles les participants ont souscrit. Malgré les frustrations pastorales que la nouvelle donne sociale peut apporter, les prêtres et diacres ont également relevé de belles expériences en matière de mariage, telles que de touchantes lettres de reconnaissance, des fondements de couples solides et lumineux, le rapprochement de personnes éloignées de l’Eglise…
Dans le Guide pastoral, Mgr Morerod souligne que la «joie de l’amour» est une «perspective aussi belle que peu considérée: à nous de la faire connaître, notamment dans la préparation et la célébration des mariages». A Lausanne, l’importance de continuer à promouvoir ce sacrement «primordial», malgré les désillusions et les difficultés, a ainsi été relevée. Reprenant des mots bien connus de l’Abbé Pierre, l’un des prêtres a remarqué que le mariage, «c’est essayer d’aimer». (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/lgf-veut-enrichir-la-pastorale-du-mariage/