L’audition de Mgr Peña Parra, successeur du cardinal Becciu depuis 2019, avait été demandée par presque tous les avocats de la défense. Le substitut, cité constamment depuis le début du procès, était en poste depuis seulement quelques mois au moment de la signature à Londres des contrats qui donnèrent le contrôle du fameux immeuble. Le courtier molisan aurait profité d’une subtilité présente dans les accords signés pour s’accaparer le contrôle du bien et tenter d’extorquer 30 millions d’euros au Vatican – et obtenir finalement 15 millions, estime le promoteur de justice.
Le très discret chef du département administratif central de la secrétairerie d’État sera donc entendu à une date pour l’heure inconnue. Outre ce dernier, le juge Pignatone a annoncé qu’il avait accepté d’entendre 40 autres témoins réclamés par la défense ou la partie civile. Pour l’heure le tribunal du Vatican a déjà entendu 39 témoins depuis le lancement du procès en juillet 2021.
Le juge a rejeté tous les autres témoins réclamés par les différentes parties – il avait évoqué une liste de 200 témoins en juin dernier. Un avocat de la défense a déclaré à I.MEDIA à la fin de l’audience que certains de ses collègues avaient même demandé, sans succès, que le pape François en personne vienne témoigner.
La liste des témoins compte un journaliste italien, un général colombien, un dirigeant d’une agence britannique de renseignements, des patrons de fonds d’investissement, une religieuse et plusieurs monsignori de la secrétairerie d’État.
Plusieurs avocats ont dénoncé le comportement de Francesca Chaouqui lors de la précédente audience, relevant notamment, procès verbal à l’appui, qu’elle avait proféré des insultes.
Le juge Pignatone leur a ensuite annoncé qu’il ne comptait de toute façon revoir ni Francesca Immacolata Chaouqui ni Genoveffa Cifferi au cours de ce procès. Il a estimé « inutile » leur confrontation, tout comme une audition plus appronfondie de chacune d’entre elles.
Lors de l’audience a aussi été entendu Pasquale Pellecchia, un colonel de la Guardia di Finanza, qui a travaillé sur le volet sarde du procès. Celui-ci concerne un versement de 100.000 euros par la secrétairerie d’État à la coopérative SPES, que le cardinal reconnaît et justifie par le financement de cette œuvre sociale rattachée à la Caritas du petit diocèse de Sardaigne.
Lors de ses investigations, le gendarme a confié avoir découvert dans le bureau de Mgr Sergio Pintor, ancien évêque d’Ozieri, décédé en 2020, une « note d’information confidentielle », écrite par ce dernier. Dans cette lettre datée de 2013, l’évêque émérite se plaignait d’avoir subi certaines interférences du Saint-Siège dans la gestion du diocèse, mentionnant notamment le substitut de l’époque, le cardinal Becciu, mais aussi d’autres personnes telles que le secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone, ou le préfet de la congrégation pour le Clergé, le cardinal Mauro Piacenza.
Dans la note, Mgr Pintor se plaint qu’on l’ait empêché de nommer de nouveaux curés ou de changer la direction de la Caritas diocésaine, que dirigeait alors le frère du cardinal, Antonino Becciu. Il déplore la présence « d’un groupe de pouvoir, arrogant » qui serait lié à la famille Becciu et qui aurait « utilisé le nom du pape » pour accélerer la démission de l’évêque en décembre 2012, seulement quelques jours après ses 75 ans.
La lettre semble aussi indiquer que l’évêque reprochait la façon dont était administrée la SPES, évoquant une « exploitation de travailleurs pauvres » alors qu’elle recevait de l’argent de la Caritas locale. Selon le colonel italien, la SPES, boulangerie solidaire censée fournir du travail à des familles pauvres, aurait reçu régulièrement de l’argent de la secrétairerie d’État sur un compte qui n’aurait pas été ouvert par le diocèse.
Le témoin a également confirmé ce qui a déjà été mentionné lors d’autres audiences, à savoir que les documents distribution du pain aux paroisses du diocèse semblent avoir été falsifiés.
Dans une déclaration spontanée, le cardinal Becciu a rejeté toute accusation contre sa famille et a réitéré la bonne conduite de son frère Tonino qui, selon lui, a toujours « servi le diocèse ». Il a expliqué avoir eu un différend avec Mgr Pintor qui a envenimé leurs relations à partir de 2011, sans rentrer pour autant dans les détails, affirmant ne pas vouloir « nuire à la personne concernée ». Le cardinal accuse Mgr Pintor d’avoir alors tenté de monter les membres de la Caritas contre son frère, sans succès.
Du diocèse d’Ozieri en Sardaigne, terre du cardinal Becciu, viendront prochainement témoigner l’ancien évêque Mgr Sebastiano Sanguinetti et l’actuel Mgr Corrado Melis, ainsi que le père Angelo Malduca, ancien secrétaire du précédent évêque Mgr Pintor, tous à la demande du cardinal Becciu. Son frère Antonino est aussi convoqué à la demande du promoteur de justice.
Lors de l’audience, deux enquêteurs qui ont signé un rapport sur Cecilia Marogna ainsi que Carlo Fara, official de l’Autorité de surveillance et d’intelligence financière (ASIF) ont également été brièvement entendus.
Les prochaines audiences auront lieu le 16 février, avec l’audition notamment de Jean-Baptiste de Franssu, président de l’IOR, et le 17 février, avec des témoins appelés par la défense du cardinal Becciu.(cath.ch/imedia/cd/mp)
I.MEDIA
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