La cathédrale de N’Djamena retrouve sa beauté d'origine

Plus de 40 ans après sa destruction en 1980, la cathédrale Notre-Dame-de-la-Paix de N’Djamena, au Tchad, a retrouvée sa beauté d’origine. Elle sera à nouveau accessible aux fidèles à Pâques 2023.

Après dix ans de travaux, la cathédrale Notre-Dame de la Paix, au centre-ville de N’Djamena, la capitale du Tchad, est enfin prête. Un signe d’espoir pour les chrétiens du pays traversé par des crises socio-économiques et politiques depuis de nombreuses années. Située juste en face du palais de la présidence de la République, la cathédrale est un symbole national majeur de la paix et du dialogue interreligieux dans ce pays partagé entre musulmans et chrétiens.

La cathédrale de N’Djamena avec sa toiture provisoire de 1986 | DR

Construite en 1965 puis détruite lors de la guerre civile tchadienne par un bombardement en avril 1980, la cathédrale de N’Djamena a une histoire mouvementée. Pendant plusieurs années, on a discuté de l’utilité d’une éventuelle reconstruction. Une toiture en panneaux sandwichs provisoire a été installée en 1986 et a permis reprendre la célébration du culte, mais la cathédrale avait perdu toute sa prestance d’origine. En 1990 le pape Jean Paul II célébra la messe devant la cathédrale portant encore les stigmates de la guerre, un événement qui aura profondément marqué les Tchadiens.

Une reconstruction à l’identique

Mgr Mathias Ngartery Mayadi, arrivé en 2003 sur le siège épiscopal de Ndjamena, reprend l’idée de la restauration de la cathédrale à l’identique avec l’appui des fidèles et du clergé. Il lance des souscriptions, mais il faudra encore attendre jusqu’en 2013 pour que le président Idriss Déby décide d’engager sa réhabilitation complète, sur fonds propres de l’État, à hauteur d’environ 5,9 milliards de francs CFA (près de 9 millions d’euros). Le président Déby s’est probablement aussi souvenu qu’il était commandant en chef des forces armées rebelles qui avaient pris d’assaut la capitale en 1980 provoquant la destruction de la cathédrale.

10 ans de travaux

Entamés en 2013, les travaux ont pris du retard en raisons des crises politiques, économiques et du covid-19. La charpente impressionnante, en forme de coque de navire renversée a été posée, l’intérieur peint et aménagé. Ne manquent plus que quelques salles d’accueil, et l’autel à installer, pour une ouverture en avril 2023. En attendant, les fidèles s’étaient réunis depuis dix ans sous une tente installée non loin.

De la nef au chœur et à sa chapelle, la cathédrale s’étend sur 70 mètres de long et 35 de large, pour une hauteur de 25 mètres, sur une superficie de 1’800 m2. Elle pourra accueillir jusqu’à  2’000 fidèles. «Grâce à leur foi, leur courage et leur détermination, nous avons hérité d’un monument grandiose qui fait la fierté des Tchadiens, toutes confessions religieuses confondues», se réjouit Mgr Edmond Djitangar, archevêque de N’Djamena. 

Le voeu du maréchal Leclerc

La cathédrale de N’Djamena après sa consécration en 1965 | DR

Dans ce pays où les premiers missionnaires catholiques sont arrivés en 1929, la décision de construire une cathédrale est liée à la grande histoire. C’est en effet de Fort-Lamy (ancien nom de N’Djamena) qu’est partie la colonne Leclerc, pour rallier la France libre. Le Tchad est alors un territoire de la colonie de l’Afrique Equatoriale Française(AEF) gouverné par Félix Eboué, un Guyanais qui ralliera le territoire à la France libre le 26 Août 1940.

Leclerc et ses compagnons avaient formé le vœu, en 1942, de construire une église à Fort-Lamy, sous le patronage de Notre-Dame des Victoires. Avec des contributions venues de toutes parts, y compris des notables musulmans du Tchad, un premier projet avait ainsi été lancé après la Libération. Mais il n’aboutira finalement pas, et sera relancé à la fin des années 1950 par Mgr Paul Dalmais, premier évêque de l’archidiocèse de Fort-Lamy.

Mgr Dalmais organise une vaste collecte dans tout le pays, en France et à travers le monde entier auprès des institutions et associations. Il s’appuiera surtout sur des réseaux d’amis, les milieux des industriels, des commerçants, des familles d’anciens militaires du Tchad, dont la veuve et les enfants du maréchal Leclerc, de ses condisciples de collège à Lyon. La contribution du Gouvernement tchadien fit l’objet d’un débat houleux, soulevé par quelques députés musulmans, à l’Assemblée Nationale du Tchad devenu indépendant en 1960.

Une architecture inspirée des cases locales

L’architecte André Gallerand avait offert gratuitement ses services pour l’élaboration du plan et de la maquette de la cathédrale. L’architecture s’est inspiré du style des cases locales en particulier, l’ogive de la façade qui rappelle la case ›en obus’ des peuples massa et mousgoum. Pour des raisons financières, la construction du clocher en forme de flamme n’a jamais été faite. Notre-Dame-de-la-Paix sera inaugurée et consacrée cinq ans après l’indépendance du Tchad, en 1965.

«Cette cathédrale est un beau témoignage chrétien dans un pays où la foi est encore ignorée d’une grande partie de la population», disait-alors Mgr Dalmais. (cath.ch/kto/mp)

Maurice Page

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