Allemagne: le Saint-Siège s'oppose au projet de 'Conseil synodal’

Dans une lettre rendue publique le 23 janvier 2023, trois des plus importants collaborateurs du pape François s’opposent à la création d’un « conseil synodal » en Allemagne. Ce projet d’institution, voté par le Synode allemand en octobre dernier, vise à faire participer activement des laïcs à la gouvernance de l’Église, au niveau national comme local.

Approuvée «spécifiquement» par le pape François mais signée par les cardinaux Pietro Parolin, Luis Francisco Ladaria Ferrer et Marc Ouellet, respectivement secrétaire d’État, préfet du dicastère pour la Doctrine de la Foi et préfet du dicastère pour les Évêques, cette lettre est adressée au président de la Conférence des évêques d’Allemagne (DBK), Mgr Georg Bätzing. C’est ce dernier qui l’a publiée.

La lettre est une réponse à une missive envoyée par cinq évêques allemands en décembre dernier – dont le cardinal Rainer-Maria Woelki, archevêque de Cologne – demandant à Rome s’ils avaient le droit de participer à l’élaboration du projet de «Conseil synodal».

Cette nouvelle institution, que le Synode allemand compte établir en 2026, se veut à la fois consultative et décisionnelle. Elle doit être composée de 27 évêques allemands, de 27 membres du Comité central des catholiques allemands – association qui joue un rôle moteur dans le chemin synodal allemand – ainsi que de 20 autres membres choisis par les membres du chemin synodal.

Les trois hauts représentants de la Curie répondent rapidement à la question posée : les évêques ne sont pas obligés de participer à l’élaboration de ce Conseil, ce qu’autorise d’ailleurs les statuts du Chemin synodal.

Mise en péril du ministère épiscopal

Les cardinaux Parolin, Ouellet et Ladaria Ferrer soulèvent aussi dans la lettre les problèmes que posent selon eux ce conseil. Au niveau national, il constitue «une nouvelle structure de direction» et semble «remplacer de facto» la Conférence des évêques. À l’échelon diocésain, une telle institution «semble se placer au-dessus de l’autorité de chaque évêque au sein de son diocèse».

La «préoccupation doctrinale la plus importante» des trois responsables de la Curie concerne ce qu’ils voient comme une remise en question de la mission même de l’évêque telle que définie par la Constitution dogmatique Lumen Gentium. Promulgué en 1964 par le pape Paul VI en communion avec les membres du Concile Vatican II, ce texte considère que l’évêque, par la grâce de l’Esprit Saint qui agit lors de sa consécration, occupe «la fonction du Christ lui-même, maître, pasteur et prêtre» dans son diocèse et dès lors se voit conférer «les ministères de l’enseignement et du gouvernement».

Pas de compétence pour créer un Conseil synodal

Les trois cardinaux insistent enfin sur le fait que «ni la voie synodale, ni une conférence épiscopale n’ont la compétence d’instituer le ›Conseil synodal’ au niveau diocésain ou paroissial». Ils se disent cependant «ouverts à un dialogue plus large et plus approfondi» dans le prolongement de la rencontre interdicastérielle tenue à Rome le 18 novembre 2022 lors des visites ad limina des évêques allemands. Le cardinal Ouellet avait alors mis en garde ces derniers contre le risque d’un «schisme latent».

La lettre note finalement les «grands efforts» déployés par les évêques allemands pour enquêter sur les abus sexuels commis par des membres du clergé. Les propositions du chemin synodal allemand sont présentées par les membres de ce dernier comme une réponse à cette crise des abus.

Les trois cardinaux encouragent les évêques allemands à poursuivre leur travail de « purification et de transparence selon les lignes tracées par le Saint-Père François », citant notamment le Motu proprio de 2019 Vos Estis Lux Mundi.

Des craintes infondées selon Mgr Bätzing

Dans un communiqué publié sur le site de la DBK, son président Mgr Bätzing assure que les craintes des trois dignitaires de la Curie et du pape François «ne sont pas fondées». Selon lui, le Conseil synodal ne va pas à l’encontre du droit canonique en vigueur parce que les décisions qu’il prendrait ont la même «valeur juridique» que celles prises par le Chemin synodal allemand.

Pour l’évêque de Limbourg, le dialogue avec le Saint-Siège doit se poursuivre. Il affirme que la consultation synodale constitue non pas un «affaiblissement du ministère épiscopal» mais au contraire un «renforcement» de ce ministère que «personne ne remet en question».

La synodalité dont il se réclame, conclut le président de la DBK, privilégie une « culture synodale vécue dans la délibération et la décision commune » aux «questions dogmatiques». Il remercie néanmoins les responsables de la Curie pour leurs remarques, affirmant qu’il compte s’appuyer sur elles afin de réfléchir « encore plus intensément aux possibilités de délibération et de décisions synodales ». (cath.ch/imedia/cd/mp)

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