Le pape François vient donc en premier lieu apporter un soutien spirituel à la population du Soudan du Sud après des années de souffrance. Ce pays anglophone d’Afrique de l’Est, majoritairement chrétien, est né de deux guerres d’indépendance successives dans les années 1980 et 1990 qui ont provoqué la mort de deux millions de personnes et l’exil de quatre millions d’autres.
À peine créé, le pays a replongé dans la violence quand, en 2013, le président Salva Kiir a limogé son vice-président, Riek Machar. Cette guerre civile résulte de rivalités ethniques et de tensions concernant les importantes richesses naturelles dont dispose le pays. Elle s’est poursuivie presque sans interruption jusqu’en 2018, et la signature d’un accord de paix porté par l’Éthiopie, l’Ouganda, le Soudan et le Kenya à Addis Adeba – soutenu par l’Église catholique.
Cependant, le conflit a ensuite menacé de se réactiver, le délai de 100 jours fixés par les médiateurs pour former un nouveau gouvernement incluant Riek Machar n’ayant pas été respecté. Pour éviter une nouvelle escalade, une «retraite» avec les belligérants a été organisée en mars 2019 au Vatican par le Saint-Siège, l’Église d’Angleterre et l’Église d’Écosse, les trois principales confessions chrétiennes présentes dans le pays. Elle a notamment été rendue possible grâce à l’action de la communauté Sant’Egidio, une association internationale catholique très présente au Soudan du Sud et engagée dans le dialogue interreligieux et la défense de la paix.
Cette rencontre a été marquée par le «geste prophétique» du pape François qui s’est agenouillé et a embrassé les pieds des deux leaders pour les supplier de faire la paix. Le pontife, l’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Église d’Écosse ont alors promis de se rendre ensemble au Soudan du Sud à condition qu’un accord de gouvernement soit trouvé entre les différentes factions sous 100 jours.
L’accord gouvernemental est finalement trouvé début 2020. Cependant, l’organisation du voyage des trois leaders religieux est retardée par la pandémie. Puis, un déplacement prévu en juillet 2022 est ajourné en raison de problèmes de santé du pape François et de risques sécuritaires en République démocratique du Congo (RDC), où le pape devait également se rendre. Finalement, le voyage est reprogrammé en février 2023.
Ce projet de voyage au Soudan du Sud existait cependant de longue date, a rapporté au média italien Oltremare le Père Daniele Moschetti, missionnaire combonien au Soudan du Sud, qui fut le premier à alerter le pape sur la situation du pays. Le pontife, a-t-il expliqué, a été forcé d’abandonner deux précédents projets de voyage en 2015 et 2017 en raison des conditions de sécurité.
Ce déplacement est un «pèlerinage pour la réconciliation et le pardon», explique à l’agence I.MEDIA l’archevêque anglican Ian Ernest, représentant du palais de Lambeth à Rome. Selon lui, il s’inscrit dans la promotion de ce que le pape François appelle «l’œcuménisme par l’action». Il trouve un écho dans un autre concept clé du pontificat, celui de «fraternité humaine».
L’idée défendue par François, notamment dans son encyclique Fratelli tutti (2020), est que les religions, plutôt que de s’opposer et de nourrir les conflits, ont la capacité de travailler ensemble pour la paix. Au Soudan du Sud, François et les deux leaders religieux anglican et écossais vont pouvoir exercer ce principe en montrant leur unité et en appelant ensemble le gouvernement à poursuivre ses efforts pour stabiliser le pays.
À Djouba, capitale du pays, le pontife rencontrera le président Salva Kiir puis le vice-président Riek Machar. Il participera aussi à un temps de prière œcuménique au Mausolée «John Garang», où repose ce dernier, père fondateur de l’indépendance du Soudan du Sud.
Le voyage du pontife s’inscrit aussi dans un processus de fondation puis de renforcement progressif des relations entre le Vatican et le Soudan du Sud, note Marco Impagliazzo, secrétaire général de Sant’Egidio, interrogé par I.MEDIA. L’ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays date de février 2013, soit quelques semaines avant l’élection du pape François. En décembre de la même année, le pontife argentin avait nommé le premier nonce apostolique du pays africain, Mgr Charles Daniel Balvo, qui exerça cette mission depuis la nonciature de Nairobi au Kenya où il était aussi représentant du pape.
En 2018, au départ du nonce australien, le Saint-Siège a annoncé l’ouverture prochaine d’une nonciature au Soudan du Sud. En attendant, le nouveau nonce nommé en mars 2019, le Néerlandais Mgr Hubertus Matheus Maria van Megen, est resté basé au Kenya. Les travaux de la nonciature ont été officiellement lancés par le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin lors d’un déplacement en 2022 et la prochaine ouverture du lieu – possiblement lors du voyage du pape – devrait constituer une nouvelle étape importante dans le renforcement des relations entre les deux pays.
Ce voyage pastoral a enfin pour but de venir à la rencontre des fidèles et responsables des sept diocèses du Soudan du Sud, qui compte environ 3 millions de catholiques, soit plus du tiers de la population. Afin de les encourager à poursuivre leur mission pacificatrice dans le pays, le pape François aura donc à cœur de «renforcer l’Église locale» par sa présence, souligne Marco Impagliazzo. (cath.ch/imedia/cd/rz)
I.MEDIA
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