Lors de cette rencontre traditionnelle dans la Salle des bénédictions du Vatican, le pape a pris le temps d’exprimer les grands points d’attention et de vigilance du Saint-Siège – qui entretient des relations diplomatiques avec 184 États*. En l’occurrence, cette année, le pontife de 86 ans a plaidé entre autres pour le «droit à la vie» et la liberté religieuse.
Dans son texte s’appuyant sur l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII (1963), le pontife argentin a décliné la «troisième guerre mondiale» en cours, faisant un tour d’horizon des conflits du globe, à commencer par «la guerre en Ukraine, avec son cortège de morts et de destructions». Devant les diplomates du monde entier, le pape a renouvelé son appel «à la fin immédiate de ce conflit insensé dont les effets touchent des régions entières, même en dehors de l’Europe, en raison de ses répercussions en matière d’énergie et dans le domaine de la production alimentaire, notamment en Afrique et au Moyen-Orient».
«La construction de la paix exige qu’il n’y ait pas d’atteintes à la liberté, à l’intégrité ou à la sécurité des nations étrangères, quelles que soient l’étendue de leur territoire et leur capacité de défense», a aussi déclaré le 266e pape dans son discours d’une quarantaine de minutes.
Évoquant d’autres théâtres de tensions et de conflits, le pape a exprimé sa «grande douleur» pour la Syrie. Il a appelé de ses vœux «les réformes nécessaires, y compris constitutionnelles, visant à redonner espoir au peuple syrien affligé par une pauvreté toujours plus grande, en évitant que les sanctions internationales imposées n’affectent la vie quotidienne d’une population qui a déjà tant souffert».
Le pontife a également exprimé son inquiétude pour «l’aggravation de la violence entre Palestiniens et Israéliens, avec pour conséquence dramatique de nombreuses victimes et une absence totale de confiance mutuelle». À Jérusalem, «ville sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans», le pape a souhaité «d’être un lieu et un symbole de rencontre et de coexistence pacifique». Il a plaidé pour «l’accès et la liberté de culte dans les Lieux Saints», et a redit la position du Saint-Siège pour «la solution des deux États», exhortant les autorités d’Israël et de Palestine à dialoguer.
À l’approche de son «pèlerinage pour la paix» en République Démocratique du Congo, et au Soudan du Sud (31 janvier-5 février), le pape a demandé «que cesse la violence» dans l’Est de la RDC, appelant à «travailler pour la sécurité et le bien commun». Au Soudan du Sud, a ajouté le pontife qui s’y rendra avec l’archevêque de Canterbury Justin Welby et le révérend Iain Greenshields, modérateur de l’Église presbytérienne d’Écosse, «nous souhaitons nous joindre au cri de paix du peuple et contribuer au processus de réconciliation nationale».
Dans le Caucase du Sud, le pontife a exhorté les parties à «respecter le cessez-le-feu» et a enjoint à la libération des prisonniers militaires et civils, sans mentionner directement l’Arménie ou l’Azerbaïdjan. Si au Yémen le cessez-le-feu conclu en octobre dernier «tient bon», il a cependant regretté que «de nombreux civils continuent de mourir à cause des mines». En Éthiopie, le pape a espéré «que le processus de pacification se poursuivra et que l’engagement de la Communauté internationale à faire face à la crise humanitaire qui touche le pays sera renforcé».
Autre sujet d’inquiétude pour le pape: la situation en Afrique de l’Ouest, «de plus en plus affligée par les violences du terrorisme». Et de mentionner les «drames que vivent les populations du Burkina Faso, du Mali et du Nigeria». Il a exhorté au respect des «aspirations légitimes» des populations au Soudan, au Mali, au Tchad, en Guinée et au Burkina Faso.
S’arrêtant également sur la situation en Birmanie, le pape a invité la Communauté internationale à «œuvrer pour que les processus de réconciliation se concrétisent». Il a enjoint «toutes les parties concernées à reprendre la voie du dialogue», souhaitant paix, prospérité et concorde à tout le peuple de la péninsule coréenne.
Au fil de son texte, le pape a aussi parlé des tensions sociales dues à «l’affaiblissement» de la démocratie dans de nombreuses régions du monde. Il a cité les «crises politiques dans plusieurs pays du continent américain», nommant notamment au Pérou et en Haïti. Et la situation au Liban, que le pontife a assuré suivre de près, dans l’attente de l’élection d’un nouveau Président de la République. «Je souhaite que tous les acteurs politiques s’engagent pour permettre au pays de se remettre de la dramatique situation économique et sociale dans laquelle il se trouve», a-t-il dit.
Dans le contexte de la recherche de la paix, il a aussi rappelé la position du Saint-Siège sur la possession d’armes atomiques: celle-ci est «immorale», a affirmé le pape, s’inquiétant de «l’impasse» dans laquelle se trouvent les négociations de l’Accord sur le nucléaire Iranien. Il a appelé au «désarmement intégral» car «aucune paix n’est possible là où se répandent des instruments de mort».
Face à ces situations dramatiques, le pape a formulé une critique du système multilatéral et des «blocs d’alliance», notant «des polarisations croissantes et des tentatives d’imposer une pensée unique». Il a suggéré une réforme des organes multilatéraux «en évitant les mécanismes qui donnent plus de poids à certains au détriment des autres».
Le pape a dénoncé un «totalitarisme idéologique, qui favorise l’intolérance envers ceux qui n’adhèrent pas aux prétendues positions de ‘progrès’, lesquelles semblent plutôt en réalité conduire à une régression générale de l’humanité, à la violation de la liberté de pensée et de conscience». Sans désigner un pays en particulier, il s’est élevé contre les «colonisations idéologiques» menées «dans les pays les plus pauvres, créant un lien direct entre l’octroi d’aides économiques et l’acceptation de ces idéologies».
«Là où l’on cherche à imposer à d’autres cultures des formes de pensées qui ne sont pas les leurs, on ouvre la voie à de violentes oppositions et parfois même à la violence», a prévenu le pontife. Il a invoqué l’éducation comme outil pour la paix, et pour remédier à la «peur de la vie». Pointant du doigt une «catastrophe éducative» en cours, il a appelé les États à «avoir le courage d’inverser le rapport déséquilibré et regrettable entre les dépenses publiques d’éducation et les fonds alloués à l’armement».
Dans son discours, le pape François a consacré un long passage au respect du «droit à la vie», et ce de la naissance à la mort des personnes. Comme il le fait régulièrement, il a déploré le «prétendu droit à l’avortement», arguant que «personne ne peut revendiquer de droits sur la vie d’un autre être humain, surtout s’il est sans défense». Le pontife a renouvelé son appel à «l’éradication de la culture du rejet», qui touche aussi «les malades, les handicapés et les personnes âgées».
Alors que des pays ont avancé ou bien s’interrogent sur la possibilité d’instaurer une aide médicale à mourir, le pape s’est montré ferme: «Les États ont la responsabilité première de garantir l’assistance des citoyens à chaque étape de la vie humaine, jusqu’à la mort naturelle».
Ce droit à la vie passe aussi pour le pontife par le rejet absolu de la peine de mort, «toujours inadmissible». Il a réclamé qu’elle soit abolie partout dans le monde. «Nous ne pouvons pas oublier qu’une personne peut se convertir et peut changer jusqu’au dernier moment», a-t-il aussi insisté. Dans ce passage, le pape a mentionné un pays qui pratique la peine de mort, l’Iran, où des manifestations demandent plus de «respect de la dignité des femmes».
«Je ne peux manquer de mentionner […] le fait qu’un chrétien sur sept est persécuté», a déploré le pape François dans son discours. Plus largement, il s’est inquiété du fait qu’un tiers de la population mondiale vivrait dans une situation où la liberté religieuse est limitée. Pour le pontife, cette liberté doit être «universellement reconnue», car, loin d’être à la source des conflits, elle est au contraire une «occasion effective de dialogue et de rencontre entre différents peuples et cultures».
Le pape n’a pas seulement pointé du doigt les violences à l’égard des chrétiens dans le monde. Il a aussi dénoncé les situations où les pays réduisent leur possibilité «d’exprimer leurs convictions dans la sphère de la vie sociale, au nom d’une compréhension erronée de l’inclusion».
«La liberté religieuse, qui ne peut être réduite à la simple liberté de culte, est l’une des conditions minimales pour vivre de manière digne», a-t-il insisté. Il a demandé aux gouvernements de la protéger cette liberté religieuse et «de garantir à toute personne […] la possibilité d’agir selon sa conscience, y compris dans la vie publique et dans l’exercice de sa profession».
Poursuivant son plaidoyer en faveur des plus vulnérables de ce monde, le pape a pris la défense des femmes, «considérées comme des citoyens de seconde classe dans de nombreux pays». L’exclusion des femmes de l’éducation, notamment des femmes afghanes, est «inacceptable», a-t-il martelé.
Il a déploré une nouvelle fois le «naufrage de notre civilisation» dans la Méditerranée devenue «un grand tombeau» de migrants. Il est «urgent de renforcer le cadre normatif en Europe», a insisté le pape, afin «que les opérations nécessaires d’assistance et de soins aux naufragés ne pèsent pas entièrement sur les populations des principaux lieux de débarquement».
Invitant par ailleurs à lutter «contre toute forme d’exploitation» au travail, le pape s’est arrêté sur l’écologie. Il a détaillé les effets du changement climatique au Pakistan touché par des inondations, dans l’océan Pacifique «où le réchauffement global cause d’innombrables dommages à la pêche», en Somalie et dans toute la Corne de l’Afrique «où la sécheresse provoque une grave famine», et aux États-Unis «où des gelées soudaines et intenses ont provoqué des morts».
Enfin, l’évêque de Rome s’est félicité des réussites diplomatiques de l’année, saluant «le choix de la Suisse, de la République du Congo, du Mozambique et de l’Azerbaïdjan de nommer des ambassadeurs résidents à Rome», ainsi que les nouveaux Accords bilatéraux avec Sao Tomé et Principe et avec le Kazakhstan.
Il a pris soin de réserver quelques mots au renouvellement de l’Accord provisoire sur la nomination des évêques signé entre le Saint-Siège et la République Populaire de Chine «dans le cadre d’un dialogue respectueux et constructif». «J’espère que cette relation de collaboration pourra se développer en faveur de la vie de l’Église catholique et du bien du peuple chinois», a-t-il souligné.
Le successeur de Pierre a exprimé sa reconnaissance aux autorités des pays représentés «pour les messages de condoléances qui sont parvenus à l’occasion de la mort du pape émérite Benoît XVI (le 31 décembre, ndlr), ainsi que pour la proximité manifestée lors des obsèques», le 5 janvier dernier. (cath.ch/imedia/ak/hl/rz)
*À ce jour, le Saint-Siège entretient officiellement des relations diplomatiques avec 183 pays. Le 4 novembre dernier, il a annoncé avoir convenu d’établir des relations avec le sultanat d’Oman. En comptant ce nouveau pays, le Saint-Siège entretiendra donc des relations diplomatiques avec 184 États. Les pays qui n’ont pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège à l’heure actuelle sont l’Arabie saoudite, le Bhoutan, le Brunei, la Chine, les Comores, la Corée du Nord, le Laos, les Maldives, la Somalie, Tuvalu et le Vietnam. Au Brunei, aux Comores, au Laos et en Somalie, le Saint-Siège dispose cependant de délégués apostoliques, et au Vietnam, d’un «représentant pontifical». AK/HL
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