Les personnalités à suivre dans l'Église en 2023

Voyages du pape, synode, procès… L’année 2023 réserve déjà des événements qui mettront en avant des personnalités dans l’Église catholique. L’agence I.MEDIA propose une liste non exhaustive de figures qui devraient faire l’actualité au cours de l’année qui vient.

Le cardinal Fridolin Ambongo, une voix pour l’Afrique

Défenseur acharné de l’État de droit en République démocratique du Congo (RDC), le cardinal Fridolin Ambongo accueillera le pape François dans son pays le 31 janvier. Ce voyage, d’abord prévu en juillet 2022, mettra un coup de projecteur sur ce pays d’Afrique qui compte près d’un tiers de catholiques (sur plus de 100 millions d’habitants), et où l’Église joue un rôle clé dans la vie politique, sociale, éducative ou encore sanitaire.

Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, est l’un des membres actuels du C7 | © USAID/Flickr/CC BY 2.0

Membre depuis 2020 du très resserré Conseil des cardinaux qui assiste le pape François dans sa réforme de la Curie romaine, l’archevêque de Kinshasa s’inscrit dans les pas de son prédécesseur, le très charismatique et puissant cardinal Laurent Monsengwo, décédé en 2021. Homme au physique impressionnant, le cardinal Fridolin Ambongo est devenu sous le pontificat de François l’une des grandes voix de l’Église en Afrique. Il n’hésite pas à interpeller la communauté internationale au sujet des graves violences qui se déroulent dans l’est de la RDC.

Le cardinal Manuel Clemente et le retour des JMJ en Europe

Le patriarche de Lisbonne accueillera le pape François dans son diocèse pour les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) en août prochain. Reporté d’un an en raison de la pandémie, ce rassemblement marquera le retour des JMJ en Europe, sept ans après Cracovie en 2016. Ces JMJ polonaises constituent un point de référence avec 700’000 inscrits et plus de deux millions de participants à la messe finale. Mais l’affluence pourrait s’avérer moindre au Portugal, compte tenu de l’impact de la pandémie, de la guerre en Ukraine, et du puissant mouvement de sécularisation de la jeunesse européenne, qui touche désormais d’anciens bastions catholiques comme la Pologne et l’Italie. 

Le cardinal Clemente, jusqu’alors évêque de Porto, a été nommé au siège patriarcal de Lisbonne par le pape François le 18 mai 2013, et créé cardinal en 2015. L’ancien président de la conférence épiscopale portugaise aura 75 ans le 18 juillet prochain. Il pourrait donc se retirer après les JMJ, au terme d’une décennie d’épiscopat à Lisbonne, marquée par une certaine fragilisation du catholicisme. Autrefois force de consensus social, l’Église portugaise s’est vue à son tour rattrapée par les scandales d’abus avec la publication d’un rapport rédigé par une commission indépendante qui a documenté plus de 400 cas d’agressions sexuelles au sein de l’Église locale.

Cardinal Peter Erdö, un «conservateur éclairé» visité par le pape?

Primat de Hongrie depuis plus de 20 ans, le cardinal Erdö, 70 ans, est devenu une figure incontournable de l’épiscopat européen. Il incarne un «conservatisme éclairé» sur lequel le pape s’est appuyé notamment en le nommant rapporteur des deux Synodes sur la famille, organisés au Vatican en 2014 et 2015. Après avoir brièvement reçu le pape François dans son diocèse de Budapest en septembre 2021 à l’occasion du Congrès eucharistique international, il pourrait à nouveau le recevoir pour une plus ample visite en Hongrie, potentiellement au printemps 2023. Les dates n’ont pas encore été annoncées mais le gouvernement s’y prépare activement.

Le cardinal hongrois Peter Erdö | © Thaler Tamás/Wikimedia Commons/CC BY 3.0

Ce voyage pourrait marquer le rapprochement entre le Saint-Siège et la Hongrie. Le Premier ministre populiste Viktor Orban, tout comme la nouvelle présidente Katalin Novak, ont été reçus par le pape François au Vatican en 2022, affichant des convergences, notamment sur la question de l’accueil des réfugiés ukrainiens. Le cardinal Erdö, proche des autorités hongroises, a contribué au maintien des liens entre Budapest et le pape, vis-à-vis duquel il s’est toujours montré d’une grande loyauté, malgré leurs différences de sensibilité. Il connaît bien les rouages d’une visite papale: alors simple prêtre, Peter Erdö avait été en 1996 l’un des organisateurs du voyage de Jean Paul II en Hongrie.

Gabriella Gambino ou Linda Ghisoni, une future préfète?

Les deux sous-secrétaires du dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie pourraient se retrouver sous les feux des projecteurs en 2023, en vue de la succession du préfet actuel du dicastère, le cardinal américano-irlandais Kevin Farrell, qui a déjà atteint la limite théorique des 75 ans, et qui pourrait se retirer après les JMJ de Lisbonne. Le pape a indiqué qu’il souhaiter nommer une femme à la tête d’un dicastère, et celui-ci semble plausible.

Gabriella Gambino, théologienne et spécialiste de bioéthique, a notamment été la cheville ouvrière de la Rencontre mondiale des familles organisée à Rome en juin dernier, dans un contexte difficile compte tenu de la persistance de la pandémie de Covid-19. Moins médiatique, la juriste Linda Ghisoni pourrait aussi avoir la qualification requise pour assurer la conduite de ce dicastère complexe, chargé notamment d’encadrer les associations de fidèles.

En 2022, le rajeunissement et la diversification des cadres de ce dicastère sont passés par la nomination d’un secrétaire totalement inattendu, en la personne du Brésilien Gleyson de Paula Souza, 38 ans, ancien séminariste et simple professeur de religion dans un lycée des Pouilles. Les remous provoqués par cette nomination laissent présager que la charge de préfet sera pourvue par une personnalité plus expérimentée, dans le cadre d’une promotion interne. 

Hollerich-Grech-Becquart, 3 figures pour un synode

Inauguré en octobre 2021, le Synode sur l’avenir de l’Église va monter en puissance tout au long de l’année 2023 avec la tenue des assemblées continentales en février-mars prochain et l’ouverture de la première assemblée universelle en octobre, à Rome. Dans ce processus mondial censé rendre l’Église plus participative et accueillante et moins cléricale et centralisée, plusieurs personnalités émergent.

Cette année, la BBC a intégré dans son classement des 100 femmes les plus influentes et inspirantes sœur Nathalie Becquart, ‘numéro 2’ du Synode des évêques – la structure qui coordonne le processus. L’année qui vient, elle pourrait devenir la première femme à voter lors d’un synode. Son ‘N+1’, le cardinal Mario Grech, devrait lui aussi être très exposé lors de ces étapes décisives pour l’avenir de l’Église catholique, alors que de vives tensions traversent le Synode concernant les questions sensibles liées à l’ordination des femmes, des hommes mariés, à la morale sexuelle de l’Église ou bien encore à l’homosexualité. 

Le pape reçoit Mgr Jean-Claude Hollerich, président de la COMECE | © Twitter COMECE

En tant que rapporteur du Synode, le cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich aura la délicate tâche d’orchestrer la synthèse de ce synode inédit dans l’histoire de l’Église. Un rôle éminemment stratégique. 

Mgr Claudio Gugerotti, bientôt cardinal? 

C’est l’une des grandes nominations de l’année. En novembre, le pape François a choisi Mgr Claudio Gugerotti pour succéder au cardinal Leonardo Sandri à la tête du dicastère pour les Églises orientales. Le diplomate, né en 1955, hérite de cette structure qui administre et coordonne la vie des Églises catholiques orientales. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, ce choix du pape ne relève pas du hasard puisque cet Italien a été nonce en Biélorussie à partir de 2011, puis, en 2015, en Ukraine, avant de devenir nonce en Grande-Bretagne en 2020. 

Sa nouvelle charge de préfet augure la tenue d’un consistoire dans les prochains mois afin qu’il soit créé cardinal. Certes, le pape François n’est pas obligé de placer un cardinal à la tête de ce dicastère. Mais dans les faits, cela contribuerait à asseoir sa légitimité et son autorité dans ses futures relations avec les prêtres, les évêques et les patriarches orientaux. Ses deux prédécesseurs à ce poste furent créés cardinaux dans la foulée de leur nomination – Leonardo Sandri en 2007 et Ignace Moussa 1er Daoud en 2000.

Giuseppe Pignatone, un juge pour un procès hors norme 

Spécialiste du crime organisé, Giuseppe Pignatone a été sorti de sa retraite en 2019 par le pape François pour prendre la tête du Tribunal de l’État de la Cité du Vatican. Depuis 2021, ce magistrat qui a fait ses armes dans de grands procès contre la mafia en Italie, est à la manœuvre pour faire accoucher la fameuse affaire ‘de l’immeuble de Londres‘, ce procès tentaculaire censé faire la lumière sur des détournements de fonds touchant la secrétairerie d’État et dans lequel on compte dix accusés. Le Sicilien est déjà entré dans l’histoire judiciaire du petit État en convoquant un cardinal à la barre, en la personne du cardinal Angelo Becciu. 

Si le procès avance laborieusement – déjà plus de 40 audiences -, l’année 2023 pourrait connaître des avancées décisives, et ce dès le mois de janvier, avec l’audition comme témoin du cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, sorte de ›Premier ministre’ du pape François.

Quelle suite pour le cardinal Tagle? 

Il était devenu une personnalité de premier plan en arrivant en 2019 à la tête de la puissante Congrégation pour l’Évangélisation des peuples. À Rome, le nom du cardinal philippin revenait même systématiquement dans la liste des papabile.  Mais depuis l’entrée en vigueur de la Constitution Praedicate Evangelium, le 5 juin dernier, le cardinal philippin n’a plus de rôle officiel à la Curie, même s’il continue de travailler dans ce qui est devenu le dicastère pour l’Évangélisation. Dirigé désormais par le pape en personne, ce dernier n’a pas opéré de nouvelle nomination concernant le cardinal asiatique, et ne l’a donc pas non plus officiellement nommé pro-préfet de ce dicastère.

Le cardinal Luis Antonio Tagle a été nommé préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples en 2019 | © Catholic Church of England/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0

À cette situation baroque s’ajoute celle, peu banale, de sa position au sein de Caritas Internationalis, la confédération qui coordonne l’action des 162 organisations humanitaires centrales de l’Église catholique. Alors qu’il en était le président, il a dû lui-même annoncer la décision du pape de débarquer la direction de Caritas et de nommer un commissaire extraordinaire. Dans cette configuration transitoire, le cardinal Tagle n’occupe plus que le rôle d’assistant du commissaire. 

Dans les couloirs de la Curie, le cas du cardinal Tagle fait parler. Certains n’hésitent pas à dire qu’il est en disgrâce quand d’autres estiment que le pape se prépare à le nommer préfet d’un autre dicastère, celui des évêques par exemple. 

Maximino Caballero Ledo, un laïc à l’épreuve des finances

Le nouveau préfet du Secrétariat pour l’Économie (SPE) – un laïc, pour la première fois, après un cardinal et un prêtre – a pris ses fonctions dans l’urgence, le 1er décembre dernier, après la démission inopinée, officiellement pour raison de santé, du Père Juan Antonio Guerrero, qui occupait ce poste depuis le 1er janvier 2020. Appelé comme secrétaire de cet organisme à la fin de l’été 2020, Maximino Caballero Ledo, 63 ans, marié et père de deux enfants, incarne la continuité avec le Père Guerrero, dont il est un ami d’enfance. Cet Espagnol a fait l’essentiel de sa carrière dans le privé, notamment aux États-Unis.

Mgr Timothy Broglio est le nouveau président de la Conférence des évêques américains (USCCB) | wikimedia commons / US army

Parmi les nouvelles prérogatives de cet organisme figure l’établissement d’une direction des ressources humaines censée superviser l’ensemble des embauches au Vatican. Elle représente un défi majeur pour l’organisation du travail dans les différents organes de la Curie, soumis à des contraintes et à des rythmes très différents. Ces derniers mois, les retards pris dans le traitement des contrats de travail ont provoqué de vives tensions entre le secrétariat pour l’Économie et les autres dicastères, qui espèrent plus de fluidité et d’efficacité une fois l’organisation mieux rodée, en 2023.

Mgr Timothy Broglio, le défi de l’unité de l’Église américaine

Le nouveau président de la Conférence des évêques des États-Unis a été présenté lors de son élection comme un personnage polarisant: ce prélat de 71 ans, évêque aux Armées depuis 2007, avait auparavant été le secrétaire du cardinal Angelo Sodano, alors secrétaire d’État de Jean Paul II. Il a été présenté par les médias comme tenant d’une ligne très conservatrice.  

Pour sa première venue à Rome, fin novembre, Mgr Timothy Broglio a tenu à corriger cette impression en affichant son adhésion au processus synodal et sa loyauté vis-à-vis du pape François. Interrogé par Radio Vatican, il a notamment assuré de sa participation active aux réunions synodales organisées conjointement par les évêques du Canada et des États-Unis, y compris celles en langue française, une langue qu’il maîtrise grâce à sa formation de diplomate pontifical. 

En cette année 2023 qui sera marquée par les prémices de la campagne présidentielle, Mgr Broglio, qui a dit vouloir s’entretenir personnellement avec le président Joe Biden, aura la délicate mission d’unir un épiscopat reflétant la polarisation des catholiques et des Etats-Unis. (cath.ch/imedia/hl/rz)

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