Rome respire une autre atmosphère, alors que sont déployées barrières et forces de sécurités sur la via della Conciliazione. Une foule de catholiques attachés à la figure du pape sont présents, même si beaucoup d’entre eux conviennent que ce départ était attendu. «Il avait 95 ans, en Allemagne on dit: c’est le cycle normal, naître, travailler, mourir», souligne Franka. La quinquagénaire est venue de Francfort spécialement pour rendre un dernier hommage au pape issu de sa patrie. «Ces dernier mois, on a vu sur les photos qu’il était vraiment un vieil homme, c’est naturel, lui-même a dit qu’il déclinait et qu’il attendait sa rencontre avec Dieu».
Franka a pris l’avion sans hésiter, désireuse d’être parmi les premiers à entrer dans la basilique. «Je suis une ›groupie’ de Benoît, plaisante-t-elle. J’ai suivi de près tout son pontificat depuis son élection en 2005. J’étais là à son passage à Cologne, Vienne, Berlin, Munich, Zagreb, Londres, Paris, je suis venue plusieurs fois à Rome. Et j’étais présente à Castelgandolfo le dernier soir où il a salué la foule, après s’être retiré (le 28 février 2013, ndlr)».
Pour Franka, le pape émérite était «quelqu’un de grand». «Il était pape huit ans, c’est une petite partie de sa vie, et en huit ans on ne peut pas changer beaucoup de choses, c’est court. En plus Ratzinger était plus un grand professeur qu’un pasteur – si on pense à ça, on peut comprendre combien c’était dur pour lui d’être pape. Quand je le voyais, je voyais un homme qui croyait profondément en Dieu, et cela c’est le plus important».
À 9h, tandis qu’ouvrent les portes de la plus grande basilique du monde, les fidèles commencent tranquillement à avancer. «Il y a beaucoup de jeunes», s’étonne un trentenaire romain venu avec sa compagne, agréablement surpris par la foule. «Je pariais hier qu’il n’y aurait pas grand monde, car ce pape s’était retiré déjà depuis presque 10 ans, glisse-t-il, mais je me trompais». La file serpente sur la place, tandis que des agents de maintenance désherbent les pavés en vue de la célébration des funérailles, le 5 janvier.
Trois amis Italiens d’une vingtaine d’années, Gianluca, Matteo et Alessandro, tenaient fermement à voir la dépouille du pape défunt. Ils se sont levés aux aurores et ont fait une centaine de kilomètres en voiture, depuis la province de Latina. Gianluca reconnaît dans Benoît XVI «une figure importante au niveau théologique, en particulier parce qu’il a cherché à examiner le rapport entre foi et science. Il a cherché à soulever des thématiques vraiment intéressantes dans le monde d’aujourd’hui, où nous sommes submergés par la science dans chacune de nos actions. Or on ne peut pas voir la foi dans une mentalité scientifique, qui présente une chose et sa démonstration immédiate. Son travail intellectuel est vraiment interpellant».
En gagnant peu à peu les marches du parvis, les voix ne deviennent plus que des chuchotements, pour s’éteindre en franchissant le seuil, entre les battants des grandes portes gravées. Encadrés de barrières, les fidèles remontent l’allée centrale en silence, qui se préparant au recueillement, qui prenant une photo discrète des ors de l’édifice.
Toutefois devant l’autel où repose le corps du pontife allemand, revêtu de vêtements liturgiques rouges, impossible de faire une dévotion prolongée. Les pèlerins sont gentiment guidés par les agents de sécurité dans un flux continu. «No stop… avanti, avanti…», répètent avec autorité les vigiles en costume. De part et d’autre du catafalque, des prélats prient, les mains jointes, tête baissée.
Au pied du corps de «son pape», Franka hésite quelques instants, portable à la main, poussée vers la sortie par les vigiles. Derrière elle, une famille d’Américains affiche aussi une certaine déconvenue de ne pouvoir se recueillir. Qu’à cela ne tienne, des dizaines de personnes s’agenouillent plus loin, devant la grande crèche, murmurant leur ultime prière d’adieu. Avant de repartir d’un pas lent.
Sœur Denise, de l’Immaculée conception de Ouagadougou au Burkina Faso, vivant à Rome pour des études, est là avec deux religieuses africaines. «Nous avons appris la nouvelle du décès du pape et nous nous sommes dit que cela valait la peine de venir, de rendre hommage pour tout ce qu’il a fait pour nous, pour l’Église toute entière, et de prier pour le repos de son âme», confie-t-elle. «Nous avons vu de nos yeux, ajoute la consacrée. C’est la première fois que je vois le corps d’un pape exposé. Pour moi c’est très mystérieux». Et de conclure avec un doux sourire: «Je ressens de la joie; et puis dans la manière dont il est exposé, sereinement, ma foi me dit qu’il est déjà au ciel, et c’est magnifique».
Secrétaire personnel de Benoît XVI, pour lequel il travaillait depuis 1996, Mgr Georg Gänswein était présent ce 2 janvier 2022 dans la basilique Saint-Pierre, alors que commençait l’exposition du corps du défunt pape, dont il s’est particulièrement occupé ces dernières années. De nombreux fidèles se sont pressés à la rencontre du prélat allemand, qui a recueilli avec un grand sourire et quelques mots leurs remerciements et condoléances.
Tous les membres de la « famille » du Monastère Mater Ecclesiae étaient présents pour assister au transfert du corps de Benoît XVI de sa dernière demeure à la basilique: les quatre laïques consacrées Memores Domini – Cristina, Carmella, Loredana et Rosella -, sa secrétaire Birgit Wansin et enfin Mgr Gänswein.
Tous ont prié pendant quelques minutes sur les rares bancs installés à la droite du catafalque, devant l’autel de la Confession. Puis, ils se sont tous placés devant Benoît XVI pour une prière commune, alors que la foule circulait sans interruption derrière eux.
Mgr Gänswein, qui a été le porte-parole du pontife ces dernières années et a joué un rôle clé d’interface entre le Monastère Mater Ecclesiae et la Résidence Sainte-Marthe, demeure du pape François, s’est ensuite porté vers le bras sud de la basilique. Il y a accueilli les nombreuses personnes venant lui présenter leurs condoléances. Il a serré les mains qu’on lui tendait, s’est laissé embrasser son anneau épiscopal par quelques fidèles et religieuses émus.
Accueillant toutes ces marques d’affection avec un sourire chaleureux, l’évêque allemand a pris le temps d’avoir un mot pour chacun. Il a par exemple remercié un jeune prêtre oriental indien qui venait lui confier que sa conversion et sa vocation avaient été motivés par la lecture des enseignements du pontife théologien.
Une jeune Allemand, qui faisaient la queue depuis plus de deux heures pour rendre hommage à «son pape», s’est porté devant une des barrières pour adresser au prélat quelques mots dans sa langue natale. Après un bref échange visiblement émouvant, le jeune homme s’est finalement effondré en larmes.
Le Père Domingo a patienté lui aussi et déjoué la vigilance d’un garde pour aller témoigner de sa gratitude à Mgr Gänswein par une fraternelle accolade: «Je l’ai vraiment remercié, il a été aux côtés de Benoît pendant toutes ces années». Le prêtre chilien avait tenu à se présenter devant le défunt pape avec un groupe de jeunes catholiques venus du monde entier pendant leurs vacances: «Ils ne le connaissent pas forcément bien, mais tous étaient très émus et touchés par ce moment», se réjouit-il à la sortie de la basilique.
Au plus près du pape émérite jusqu’à la fin, Mgr Gänswein a rapporté dans les colonnes de Vatican News les derniers mots prononcés par le pape allemand. Il a expliqué qu’une infirmière avait vu ce dernier murmurer distinctement «Je t’aime, Seigneur» quelques heures avant de mourir. (cath.ch/imedia/ak/cd/rz)
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