Bernard Hallet
«Quel contraste! Alors que je pensais rencontrer un géant de la foi et de la théologie, je saluai un homme plus petit que je ne m’étais imaginé. Je retiens surtout son humilité, sa douceur et son regard bleu, magnifique».
Le dimanche 16 juillet, un confrère de la Vallée d’Aoste appelle Jean-Marie Lovey pour lui faire part du souhait de Benoît XVI, en vacances dans la région, de venir à la rencontre des chanoines. «Il avait appris l’existence de l’hospice et était curieux de découvrir la communauté et la manière dont nous vivions», précise Mgr Lovey. Ce ne fut pas une visite d’Etat.
Le pape viendrait donc le lundi mais à la condition de garder le silence absolu sur cette visite pontificale, «faute de quoi tout serait annulé». Seuls le prieur et le prévôt de l’époque, Benoît Vouilloz, étaient dans la confidence.
Le lendemain, 8h du matin, le téléphone sonne: le pape montera au col le mardi, annonce-t-on au prieur qui reçoit le jour même la visite de trois agents de sécurité du pontife. Les lieux sont inspectés et un programme minuté de la visite est mis sur pied: accueil à 15h30, célébration des vêpres, visite guidée du trésor. Un temps de partage avec la communauté suivra et les membres de la maisonnée – les bénévoles qui travaillent à l’hospice – seraient salués par le pape.
Jusque-là, le silence était de mise. A tel point que Benoît Vouilloz et Jean-Marie Lovey n’eurent même pas l’autorisation de mettre la communauté dans la confidence. «J’avais négocié une chose: je ne pouvais pas ne pas dire à ma communauté que le pape nous rendrait visite». D’accord mais pas avant 14h, répondirent les hommes de la sécurité. Le prieur obtint également que la communauté entière rencontre le pape dans la grande salle.
Même la police valaisanne, envoyée au col pour fermer la route pendant la visite pontificale, ne fut prévenue qu’au dernier moment.
Le programme fut tenu à la lettre. Le pape célébra les vêpres à l’église de l’hospice. Le prévôt présenta la congrégation et la communauté au pontife. Benoît XVI, curieux de la vie que menaient les chanoines, posa des questions aux uns et aux autres. L’échange se déroula en toute simplicité.
Le pape quitta l’hospice à pied, salua les badauds et monta voir les Saint-Bernard et saluer le gardien du chenil. Il repartit seul en empruntant le chemin des chanoines qui surplombe la route, pour prier le rosaire, suivi par son secrétaire Georg Gänswein. Il est redescendu sur la route de l’autre côté de la frontière où l’attendait son service de sécurité. L’évêque de Sion parle de cette visite comme d’un moment lumineux.
«Une telle visite n’est pas banale, reconnaît Jean-Marie Lovey, mais c’est notre vocation d’accueillir tous ceux qui passent, qu’ils soient pape, empereur, simple voyageur ou brigand. Nous revalorisons l’humanité de chaque personne, quelle qu’elle soit. Cette visite donne tout son sens aux autres».
Jean-Marie Lovey s’est réjoui quand le cardinal Ratzinger a été élu. «J’avais lu Foi chrétienne, hier et aujourd’hui, un ouvrage sur la christologie qui m’avait passionné qu’il a écrit lorsqu’il était encore professeur de théologie à Tübingen». Il a été très surpris de la démission, en février 2013, de Benoît XVI. D’autant plus que sur le moment, on ne sut pas si la démission était liée à une éventuelle maladie. «Je me trouvais en visite chez une personne très âgée. Elle m’a dit ‘c’est assez normal’ et cela m’a apaisé».
«L’histoire retiendra qu’il aura été un grand pape, j’en suis persuadé. Lui qui a été très critiqué dans son rôle de gardien de la doctrine de la foi, il aura cette justice. On l’a classé avant même qu’il n’exerce son ministère». (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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