«Je ne suis plus le Souverain Pontife de l’Église Catholique […] Je suis simplement un pèlerin qui entame la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre», a-t-il ainsi confié lors de sa dernière apparition à la fenêtre de Castel Gandolfo en tant que pape régnant, le 28 février 2013, peu avant 20 heures. Marqué par la longue maladie de Jean-Paul II dont il a été un proche collaborateur en tant que préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, le pape allemand a fait le choix de renoncer à sa charge avant d’être ralenti par la vieillesse et la perspective d’une fin de vie qu’il pressentait proche.
Nul ne pouvait alors imaginer que Benoît XVI vivrait plus longtemps en tant que pape émérite (déjà près de dix ans) qu’en tant que pape régnant (moins de huit années). Même les médias qui se préparaient à couvrir l’annonce éventuelle de son décès ont vu plusieurs de leurs experts religieux et vaticanistes s’éteindre avant lui.
«Je ne suis plus le Souverain Pontife de l’Église Catholique […] Je suis simplement un pèlerin qui entame la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre»
Ainsi, le journaliste de La Vie Jean Mercier, subtil connaisseur de la pensée de Joseph Ratzinger, avait dit s’attendre à voir le pape émérite «s’éteindre comme une bougie» quelques mois après sa renonciation en 2013. Il est finalement décédé avant lui, en 2018. Même destinée pour l’ancien spécialiste des religions au journal Le Monde Henri Tincq, qui s’est éteint en 2020, et pour le jésuite allemand Bernd Hagenkord, ancien responsable de la Section allemande de Radio Vatican, décédé en 2021.
Contre toute attente, la longévité étonnante de Benoît XVI lui a permis de prolonger son travail intellectuel, par des lectures, des textes, des entretiens, qui ont parfois donné une impression de divergences avec le pape François. Mais le pape émérite a assuré plusieurs fois de sa loyauté absolue à son successeur, évoquant notamment, en mars 2018, une «continuité intérieure» entre son pontificat et celui du pape argentin.
«Je voudrais encore, avec tout mon cœur, avec tout mon amour, avec ma prière, avec ma réflexion, avec toutes mes forces intérieures, travailler pour le bien commun et le bien de l’Église, de l’humanité», a-t-il encore déclaré lors de son dernier salut aux fidèles à Castel Gandolfo. Une contribution vécue aussi dans une simple présence silencieuse, assumant les fragilités de l’âge.
Le 28 septembre 2014, le pape émérite, alors âgé de 87 ans, a ainsi fait partie des 40’000 participants à un rassemblement organisé place Saint-Pierre et dédié aux personnes âgées. Benoît XVI n’a pas pris la parole et s’est retiré avant la célébration de la messe, mais il a assisté à un temps de témoignages, en présence de nombreux grands-parents et d’une centaine de prêtres âgés.
Le pape François, qui avait alors 77 ans, l’a salué affectueusement, et a confié que sa présence au Vatican était comme «avoir un grand-père plein de sagesse à la maison». Cet évènement a constitué l’une des rares occasions d’apparition publique du pape émérite devant les fidèles réunis place Saint-Pierre, avec la canonisation de Jean-Paul II et Jean XXIII, en avril 2014, et l’ouverture du Jubilé de la Miséricorde, en décembre 2015.
Mis à part ces rares apparitions et son voyage de juin 2020 en Allemagne auprès de son frère hospitalisé, Benoît XVI est demeuré au monastère Mater Ecclesiæ du Vatican, en assumant dans le calme la dernière étape de sa vie. Le titre même de son livre d’entretien avec le journaliste allemand Peter Seewald, Dernières conversations, publié en 2016, a donné une tonalité testamentaire à ses propos, délivrés avec un caractère informel et spontané qui a surpris certains observateurs, plus habitués à l’expression académique de Joseph Ratzinger qu’à des confidences intimes.
Mais le véritable «testament spirituel» de Benoît XVI, selon les propres mots de son secrétaire Mgr Georg Gänswein, se trouve dans sa lettre publiée le 8 février 2022 après sa mise en cause dans la gestion des abus dans le diocèse de Munich. «Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie », confie le pape émérite à la fin de ce message très personnel. «Bien que, regardant en arrière ma longue vie, je puisse avoir beaucoup de motifs de frayeur et de peur, mon cœur reste joyeux parce que je crois fermement que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste mais, en même temps, l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même mes manquements et qui, en tant que juge, est en même temps mon avocat.»
«Être chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort», écrit Benoît XVI dans ce texte résonnant comme un adieu. «Me revient sans cesse à l’esprit ce que Jean rapporte au début de l’Apocalypse: il voit le Fils de l’homme dans toute sa grandeur et tombe à ses pieds comme mort. Mais Lui, posant sur lui sa main droite, lui dit: «Ne crains pas! C’est moi….» (cf. Ap 1, 12-17)», ajoute le pape émérite dans la conclusion de sa lettre.
Mis à part les textes écrits, la dernière prise de parole du pape émérite en public remonte au 28 juin 2016. Aux côtés du pape François lors d’une cérémonie organisée au Vatican à l’occasion du 65e anniversaire de son ordination sacerdotale, Benoît XVI a développé une courte mais profonde méditation sur le sens du mot «eucharistie» et son étymologie grecque à travers le mot «Eucharistòmen», qui veut dire simplement «merci».
La dernière phrase prononcée par Benoît XVI devant un micro est donc chargée elle aussi d’une valeur particulière: «Pour finir, nous voulons nous insérer dans ce « remerciement » du Seigneur, et ainsi recevoir réellement la nouveauté de la vie et aider à la transubstantialisation du monde: que ce soit un monde non de mort, mais de vie; un monde dans lequel l’amour a vaincu la mort», avait conclu le pape émérite.
Mis à part son remerciement aux organisateurs de l’évènement, c’est donc précisément sur cette phrase, «l’amour a vaincu la mort», que s’est achevée le parcours de Benoît XVI dans le cadre de sa visibilité publique et officielle. Des mots qui traduisent certainement la fidélité de Benoît XVI à une culture de la vie qui laisse la mort advenir non pas selon les prévisions des hommes, mais selon les temps de Dieu. (cath.ch/imedia/cd/bh)
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