«Au Brésil, il n’y a pas de sapins. Les sapins de Noël sont uniquement artificiels. Sauf chez nous. Ma maman préférait aller en forêt pour ramener un petit tronc d’arbre et de belles branches qu’elle recouvrait de tissus et que nous décorions en famille».
Née en 1962 au Brésil, dans l’État de Bahia, Rita Sacramento est l’ainée de huit enfants. «J’ai le souvenir d’une enfance très heureuse, dans la Chapada Diamantina. Nous n’avions pas beaucoup d’électricité dans notre village d’Andaraí, la génératrice s’éteignait en fin de soirée. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous étions riche d’amour et d’expérience. Avec les scouts, nous étions toujours fourrés à l’église. Avec notre ‘padre’, nous y chantions, nous sonnions la cloche, et nous partions aussi en camping».
A Noël, la maman de Rita préparait plein de gâteaux et la porte était toujours ouverte, les voisins passaient. Les gens allaient les uns chez les autres, et partageaient ce qu’ils avaient préparé. Puis tout le monde se rassemblait à la traditionnelle messe de minuit.
«Les fêtes de familles sont calmes. Alors je me donne à fond à l’épicerie. Je me déguise même en Mère Noël.»
Lorsqu’elle arrive en Suisse en 1988, Rita Sacramento découvre la tradition protestante vaudoise. «Avec mes enfants, mon compagnon et sa famille, je retrouvais une certaine tradition: le culte de longue veille, le sapin, la musique, les cadeaux, mais surtout la famille. Aujourd’hui, mes ‘beaux-parents’ étant décédés et les enfants ayant tous leur propre famille, les fêtes de Noëls sont plus calmes. Alors je me donne à fond à l’épicerie, et je me déguise volontiers en Mère Noël.» Depuis 2021, Rita Sacramento est gérante de l’épicerie Caritas à Renens, après avoir été huit ans à la tête de celles de Vevey.
Lorsqu’elle s’installe en Suisse, ses études universitaires en économie ne sont pas reconnues. Rita commence comme caissière à la Migros, une entreprise dans laquelle elle travaillera plus de vingt ans, passant de vendeuse à assistante cheffe caissière, puis cheffe de produit avec, à la clé, un brevet fédéral de commerce, une formation d’assistante RH et de comptabilité.
«Le bureau m’ennuyait. J’avais besoin du contact humain. Alors je suis retournée en caisse»
«Mais le bureau m’ennuyait. J’avais besoin du contact humain. Alors je suis retournée en caisse. Mes collègues avaient toutes vingt ans de moins, mais on s’est bien entendu», explique la Latino-vaudoise. Deux ans plus tard, elle s’oriente comme responsable de télévente dans une PME. «Ce fut une belle expérience, mais je n’en pouvais plus de travailler seize heures par jours et j’avais envie de donner davantage de sens à mon travail».
Dans la même période, en 2013, Caritas cherche à professionnaliser le personnel de ses épiceries. C’est ainsi qu’elle intègre l’organisation caritative, se forme pendant un mois à Renens et devient gérante à Vevey. En 2021, en pleine pandémie, une nouvelle épicerie ouvre à Renens et on lui en confie la responsabilité. «Dans les jours qui précèdent Noël, notre épicerie reçoit des peluches du LHC (Lausanne Hockey Club), des anciens jouets de la Migros, des cabas de nourriture de Nestlé et des entrées pour plusieurs musées de la région, entre autres. Nous pouvons ainsi les distribuer à nos clients et leurs enfants.»
Rita Sacramento insiste beaucoup sur le terme ‘clients’. «Oui. Parce qu’ils payent tout ce qu’ils achètent. Ce sont des clients, non des mendiants. Je refuse que les épiceries Caritas soient considérées comme un ghetto pour miséreux. Et de mon côté, je m’assure que tout soit prêt, propre et parfait, lorsque j’ouvre la boutique à 10h».
Entre 2021 et 2022, la clientèle de Renens est passée de 3’200 à 6’000 personnes. «Notre chiffre d’affaire a augmenté également… ce qui n’est pas très bon signe. Parce que cela veut dire qu’il y a de plus en plus de gens dans la nécessité, notamment chez les retraités, les jeunes et les familles. Mais de voir la somme moyenne par panier augmenter, cela veut dire aussi que beaucoup plus de personnes peuvent se nourrir correctement grâce aux épiceries».
Pour Rita, ce sont les petits gestes qui font les grandes choses. «Chez nous, tout le monde doit se sentir à l’aise. Le magasin est pour tous. Il n’y a pas de couleurs, d’ethnies ni de religion, qui passent d’abord», prévient-elle. Et à Noël, encore davantage. «Je trouve magnifique lorsque des clients musulmans viennent me tendre la main ou me prendre dans les bras en me souhaitant un Joyeux Noël. Je fais pareil pendant le ramadan et j’essaye de me procurer en rayon ce dont ils ont besoin, comme des fruits secs, par exemple».
C’est cela que la gérante apprécie dans son métier: les frontières sont dépassées. «Mais cela suppose aussi qu’il y a des règles à respecter, précise-t-elle, avec autorité. Les profiteurs sont peu nombreux, mais ils existent aussi, comme partout. Bien que nous indiquions des limites sur certains articles, ils tentent de prendre tout le stock d’un produit en action, au-delà de ce qu’ils ont réellement besoin, et sans tenir compte des autres clients qui n’auront plus rien… Mais chez moi, ceux-là ne profitent pas deux fois. Je les convoque dans mon bureau et on règle très vite le problème».
«Il faut apprendre à partager, car nous ne sommes pas tout seuls»
«Il faut apprendre à partager, car nous ne sommes pas tout seuls», plaide Rita Sacramento, pour qui «la fête de Noël, c’est aussi cela: retrouver le sens du partage et du respect. Et lutter contre l’égoïsme. C’est cet état d’esprit qui m’habite lorsque, déguisée en Mère Noël, je distribue équitablement les cadeaux qui nous ont été fournis… Le regard de ces enfants n’a pas de prix!» (cath.ch/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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