Bernard Litzler, pour cath.ch
«Qu’il vous plaise, mon père, de me permettre que je sois d’Eglise»: en 1593, le jeune François intercède auprès du seigneur de Sales, son père. Le noble Savoyard rêve pour son fils d’une carrière de juriste et de diplomate. N’avait-il pas étudié à Paris et à Padoue, concluant son parcours par deux doctorats? Toutefois le brillant étudiant rêve d’autre chose. Son père lui présente une fiancée, lui fait entrevoir un bel avenir, François campe dans son désir de servir Dieu.
Pourtant son chemin fut semé de doutes. «Vers 1586-1587, il a vécu à la fois une crise et un éblouissement, indique Alain Viret, formateur au Centre catholique romand de formation en Eglise (CCRFE). La crise concernait la question de la prédestination, qu’il a réussi à surmonter. L’éblouissement, c’est la lecture du Cantique des Cantiques, par lequel il réussit à se réconcilier avec l’amour de Dieu».
Finalement, le père cède: François pourra emprunter la voie spirituelle. Il est ordonné prêtre le 15 décembre 1593. Aussitôt, il se porte volontaire pour devenir missionnaire dans le Chablais genevois, à la demande de l’évêque Claude de Granier. Missionnaire, cela signifie porter la foi catholique en pays réformé.
Les temps sont alors éprouvants et même violents entre les confessions, après la Réforme calviniste de 1536. Genève avait chassé son évêque, désormais installé à Annecy. François, lui, en appelle à la reconquête de Genève. Mais son programme n’a rien de guerrier: «C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu’il faut l’envahir, qu’il faut la recouvrer. Rien par force, tout par amour».
A Thonon-les-Bains, sa reconquête ne porte, au bout d’un an, «que fort peu de fruit», confesse-t-il. Mais ses sermons sont reproduits et distribués, renforçant son autorité. Lentement, le calme et la force de persuasion de François commencent à ramener à la foi catholique les élites séduites par le protestantisme. Il gagne alors son appellation «d’apôtre du Chablais».
«François est un homme de dialogue, respectueux, d’écoute attentive, de relation vraie, résume Sœur Anne-Marie Baud, salésienne de Don Bosco. Il veut faire un chemin avec chaque personne pour l’amener à la rencontre du Christ». Conducteur des âmes, humble et néanmoins audacieux, l’abbé de Sales est nommé évêque-coadjuteur, à Annecy.
Dans ses nouvelles fonctions, il est envoyé à la cour du roi Henri IV. Il conquiert Paris par ses homélies et ses confessions. Le décès de Mgr de Granier le ramène à Annecy, où il devient évêque, le 8 décembre 1602. Le climat reste tendu dans la région: trois jours plus tard, dans la nuit du 11 au 12 décembre, les troupes du duc de Savoie sont empêchées d’envahir Genève grâce à la légendaire Mère Royaume.
Désormais en charge du diocèse, «Mr. de Genève», comme il signait ses courriers, va réorganiser la vie pastorale. A une époque où les évêques fréquentent volontiers les palais des princes, François va, lui, visiter les paroisses de son diocèse, à l’instar d’un Charles Borromée qu’il admire.
Simple, accessible, d’une grande exigence spirituelle, François de Sales «est le saint de l’amitié et de la fraternité, précise Sœur Anne-Marie. Il estime nécessaire de ‘s’entreporter’ dans la foi, ce qui signifie s’encourager pour devenir de vrais disciples».
Pour le Père Jean-Bosco Devaux, curé de la paroisse St-François-de-Sales à Genève, «François, c’est la compréhension du quotidien comme lieu de vie spirituelle à une époque où il était encore communément admis que l’expérience de Dieu se faisait par l’étude de la théologie».
En 1604, Mgr de Sales est appelé à Dijon pour prêcher le carême. Il fait la connaissance d’une jeune veuve, la baronne Jeanne de Chantal, et accepte de l’accompagner sur son chemin spirituel. De leur amitié va naître un ordre religieux, la Visitation de Sainte-Marie. «J’ai choisi ce nom parce qu’il est caché et convient à des âmes humbles et disposées à tout faire par la volonté divine», souligne le fondateur. Les premières religieuses s’installent à la Maison de la Galerie, près du lac à Annecy. L’ordre va se développer rapidement.
Homme de culture, le prince-évêque de Genève va s’investir dans la création de l’Académie florimontane. Avec son ami Antoine Favre, juriste et personnalité politique, il lance en 1607 à Annecy une association d’érudits et de lettrés sur le modèle des académies italiennes. Ce cercle savoyard est, dit-on, à l’origine de la création de l’Académie française, en 1635.
En 1608, François de Sales publie L’Introduction à la vie dévote qui lui assure une renommée plus large encore. Ses conseils de piété à destination de tous les publics, humbles comme nobles, assure au livre, destiné initialement à Mme de Charmoisy et aux filles de la Visitation, ses «Philothées» – celles qui «aiment Dieu» – un succès considérable. Le langage est direct, sans fioritures. Un second ouvrage spirituel, le Traité de l’Amour de Dieu (1615), consacré à la prière, renforcera la portée spirituelle du saint évêque d’Annecy.
Totalement donné à sa mission, dans un tourbillon permanent, François ne se ménage guère. Pour le seconder, son frère Jean-François est nommé évêque coadjuteur en 1621. Mais la santé du prélat se dégrade, ses voyages et ses obligations multiples renforçant son harassement. Il meurt le 28 décembre 1622, à Lyon, où il s’est rendu à la demande des cours de France et de Savoie. Il a 55 ans. La nouvelle de sa mort suscite une émotion considérable à Lyon, à Annecy et dans toute la région.
Ses dernières volontés étaient connues: être enterré à la Visitation à Annecy. En 1911, ses reliques seront transférées dans la nouvelle basilique de la Visitation, qui domine la ville et son lac. Il repose désormais près de la dépouille de Jeanne de Chantal. (cath.ch/bl)
Un inspirateur
«La spiritualité salésienne, c’est un modèle d’équilibre et de cordialité, faite de douceur et de bienveillance, dit Alain Viret. La vie dévote selon François de Sales, c’est une foi vive et vivifiante. On retrouve d’ailleurs un peu ses traces dans l’appel universel à la sainteté, au point 40 de Lumen Gentium de Vatican II».
«Il est encore aujourd’hui un témoin contemporain de la foi, estime le Père Jean-Bosco. Dans sa profonde expérience personnelle, François avait compris qu’il pouvait s’abandonner à l’amour miséricordieux de Dieu à une époque marquée par un discours spirituel où la menace de la damnation éternelle faisait tomber de nombreux fidèles dans le désespoir».
Le prénom du curé de la paroisse genevoise renvoie à saint Jean Bosco (1815-1888), fondateur à Turin en 1854, d’un ordre voué aux jeunes défavorisés: la Société de saint François de Sales ou Salésiens. Et les Salésiennes (ou Filles de Marie Auxiliatrice) complètent cette lignée, avec un tiers ordre salésien.
Patron des journalistes et des écrivains, saint François de Sales est fêté le 24 janvier. BL
Rédaction
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