Pourquoi les orthodoxes fêtent-ils Noël le 7 janvier?

Pourquoi la plupart des orthodoxes fêtent-ils Noël le 7 janvier et non pas le 25 décembre comme les Occidentaux? Explications d’une réalité qui, au-delà de la coutume, revêt une portée politique et identitaire.

Alors que le monde occidental s’apprête à fêter la Nativité du Christ, le 25 décembre, de nombreux chrétiens orthodoxes le feront le 7 janvier. Un décalage qui a son importance, notamment dans les pays où la population est mixte.

C’est le cas de l’Ukraine, où vivent de significatives minorités non-orthodoxes, entre autres des gréco-catholiques et catholiques latins. L’Eglise orthodoxe autocéphale (indépendante) de ce pays a d’ailleurs décidé le 18 octobre dernier d’autoriser les fidèles et les communautés qui le voudraient à fêter Noël le 25 décembre. Une démarche visant principalement à se démarquer du Patriarcat de Moscou, allié du Kremlin dans la guerre, qui a récemment exclu de changer la date des célébrations de la Nativité. La question revêt ainsi un aspect identitaire évident, sur fond de «tensions civilisationnelles» croissantes.

13 jours de retard

Cette divergence calendaire, qui remonte aux siècles passés, est en fait le reflet d’une opposition entre un monde orthodoxe privilégiant le respect de la tradition et un Occident plus axé sur le paradigme scientifique.

La plupart des orthodoxes (notamment l’Église orthodoxe russe), ainsi que des gréco-catholiques, ont conservé le calendrier dit «julien», explique le site Parlons d’orthodoxie. Ce calendrier comporte actuellement 13 jours d’écart par rapport au calendrier occidental «grégorien» qui est devenu le calendrier civil. Le 25 décembre du calendrier julien correspond donc au 7 janvier du calendrier grégorien utilisé par les catholiques, les protestants, et un certain nombre d’Églises orthodoxes.

Le calendrier julien est issu d’une réforme mise en place par Jules César en -46. Le consul de Rome avait introduit cette mesure temporelle basée sur une année de 365 jours ¼. Une durée qui dépasse cependant celle de l’année astronomique de 11mn 14s, ce qui provoque un jour de retard en 128 ans. Ce retard, en s’accumulant, décale tout le calendrier et en particulier Noël, ainsi que la date de l’équinoxe de printemps qui sert de base au calcul de la date de Pâques.

Problème de tradition

Le retard accumulé par le calendrier julien sur les observations astronomiques atteignait 10 jours au XVIe siècle. L’équinoxe était donc observé le 11 mars alors que Pâques était calculée par rapport au 21 mars. Pour cette raison, le pape Grégoire XIII fit élaborer un nouveau calendrier qui supprimait 10 jours, ce qui ramenait l’équinoxe astronomique au 21 mars, et introduisait les années bissextiles. L’écart par rapport au calendrier julien continue donc à croitre, atteignant actuellement 13 jours. Il passera à 14 jours en 2100.

Un état de fait qui a suscité et suscite encore maintes controverses dans l’orthodoxie. Un document proposé en 1982 en vue du concile panorthodoxe (qui se déroula en Crète en 2016) admettait que le «nouveau calendrier» (grégorien) était plus juste que l’ancien (julien) et préconisait l’adoption de ce premier. Les Églises russe, serbe et de Jérusalem s’y opposèrent en arguant notamment de difficultés pastorales. Le document n’a pas été soumis au concile de Crête, et le débat se poursuit donc toujours.

Mais même si le calendrier julien bénéficie d’un attachement émotionnel indéniable des fidèles, il comporte néanmoins un certain nombre de défauts du point de vue de la Tradition, souligne Parlons d’orthodoxie. Il ne respecte notamment pas un décret du Concile de Nicée (325) qui interdit de célébrer Pâques plus tôt que la Pâque juive. Le septième canon des saints apôtres, comme le premier canon du concile régional d’Antioche de 341, interdisent également que les deux fêtes tombent le même jour, alors que ces occurrences surviennent souvent (ce fut le cas par exemple en 2008, 2009, 2013, et 2016 pour la période récente).

Compromis raté

Des solutions à ces problèmes de tradition et d’exactitude scientifique ont été proposées dans l’histoire. Un troisième type de calendrier, appelé «julien réformé» ou «grec» a été introduit à la conférence panorthodoxe de 1923 (Congrès de Constantinople). Il s’agit d’un amalgame entre le calendrier julien pour ce qui concerne Pâques et les fêtes mobiles et un calendrier grégorien «amélioré» pour les fêtes fixes. Il permet donc de respecter le décret de Nicée et les canons des Apôtres et d’Antioche.

Ce calendrier souffre pourtant de plusieurs «tares». Il manifeste tout d’abord un illogisme évident en s’appuyant sur les deux approches contradictoires julienne et grégorienne. Il introduit en outre de graves perturbations dans le cycle liturgique multiséculaire, obligeant non seulement à supprimer 13 jours de célébration pour son introduction, mais changeant de plus les durée des périodes de jonction entre le calendrier des fêtes fixes et celui des fêtes mobiles.

Le retour du julien

L’Eglise russe ne participa pas à la conférence de 1923. Mais le patriarche Tikhon, qui tenta d’instaurer ce nouveau calendrier, fut obligé de reculer devant le refus de la majorité des croyants. Des schismes «vétéro-calendaristes» se produisirent même dans les Églises des Balkans qui l’introduisirent.

Ce projet a été perçu comme un «mauvais compromis entre la pensée théologique occidentale, fondée sur le primat de la vérité scientifique, et la pensée orthodoxe fondée sur le respect de la Tradition», note Parlons d’orthodoxie. Parmi les Orthodoxes, seule l’Église autonome de Finlande suit actuellement le «calendrier amélioré».

Mais le respect de la tradition reste une valeur importante dans l’orthodoxie. Ainsi, une légère tendance de retour au calendrier julien serait aujourd’hui observée. L’Église orthodoxe de Pologne l’a réintroduit en 2014. Et même les Églises catholiques du Proche Orient fêtent Pâques selon le calendrier julien depuis 2013 par esprit d’oecuménisme. (cath.ch/parlonsdorthodoxie/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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