Avec kath.ch
Une centaine de personnes ont assisté, dimanche 18 décembre 2022, à la messe au monastère de Wonnenstein, à l’invitation de la ‘communauté d’intérêts Wonnenstein’. Emmenée par l’ancien conseiller d’Etat des Rhodes-Intérieures Sepp Moser et l’ex-porte-parole du diocèse de Coire, Giuseppe Gracia, elle entend soutenir l’irréductible Soeur Scholastica dans sa démarche pour ‘sauver’ le monastère. Selon elle, le couvent de Niederteufen, situé sur le territoire du canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, doit rester un monastère exclusivement féminin transformé en fondation sous la surveillance de l’Eglise.
Le hic est que depuis 2014, le couvent appartient à l’association ‘Kloster Maria Rosengarten Wonnenstein’. Créée à l’initiative de membres de la société d’étudiants Bodania de l’Université de Saint-Gall, et avec l’accord de la communauté de l’époque, l’association a pour but de préserver le monastère et de le maintenir ouvert à une nouvelle communauté. Il est prévu aussi de réutiliser une partie des bâtiments pour y aménager des bureaux, des appartements, des locaux commerciaux et une boutique monastique.
Mais Soeur Scholastica, âgée de 78 ans, et dernière survivante de la communauté après le décès de la supérieure en l’an 2020, refuse de quitter les lieux comme le lui demande l’évêque de St-Gall, Mgr Markus Büchel, dont le monastère dépend. Elle rejette l’idée d’un mélange de caractère religieux et séculier. Elle aurait des contacts avec deux communautés qui pourraient s’installer à Niederteufen.
La religieuse a donc lancé un recours à Rome contre le transfert de la propriété du monastère des capucines. Mais en août 2022, Rome a rendu son verdict. Le diocèse de Saint-Gall et l’association ont agi en toute légalité et en conformité avec le droit canonique. Rome lui donnait un délai au 1er octobre pour quitter le monastère et rejoindre une autre communauté.
Soeur Scholastica ne l’entend cependant pas de cette oreille. Elle a reçu de nombreux soutiens, dans le monde ecclésial, mais aussi dans le milieu politique du canton d’Appenzell et au-delà.
Aujourd’hui la ‘communauté d’intérêts Wonnenstein’ met l’évêché sous pression. Elle voit un «grave conflits d’intérêts» dans le fait que Mgr Markus Büchel soit à la fois le supérieur du monastère de Wonnenstein, en tant qu’évêque de Saint-Gall, et membre d’honneur de la société d’étudiants Bodania dont des membres siègent au comité de l’association propriétaire.
La Communauté d’intérêts remet en question le fait que tout se soit déroulé correctement lors du transfert du couvent des capucines à l’association ‘Kloster Maria Rosengarten Wonnenstein’.
Sur le site web du groupement, il est également question de terrains à bâtir et de terrains en attente de construction d’une valeur estimée à 40 millions de francs. Les membres de la «Bodania» sont des «hommes d’affaires influents» qui voudraient faire du monastère une «station extérieure» de l’Université de St-Gall, dit-on.
Josef Manser, ancien président du Grand Conseil d’Appenzell Rhodes-intérieures et de l’association des paroisses catholiques, va même plus loin. Selon lui, la suppression du couvent de Wonnenstein pourrait remettre en cause les frontières cantonales, a-t-il expliqué à kath.ch.
En effet, après qu’Appenzell se soit divisé en deux demi-cantons (l’un catholique l’autre protestant NDLR) à la fin du 16e siècle, il y a eu entre eux des litiges frontaliers concernant l’appartenance du couvent de Wonnenstein. Ceux-ci n’ont été réglés que par un arrêté fédéral de 1870, qui stipule que le territoire situé à l’intérieur des murs du couvent appartient à Appenzell Rhodes-Intérieures. «J’en conclus que tant que Wonnenstein est un monastère, il reste une enclave d’Appenzell Rhodes-Intérieures. S’il n’y a plus de monastère, la région reviendra à Appenzell Rhodes-Extérieures.»
Face à ces accusations, l’évêque de St-Gall, mais aussi le Conseil d’Etat ont été contraints de réagir. Le landammann du canton d’Appenzell Rhodes-intérieures, Roland Inauen, qui en tant que ‘prévôt des couvents’ (Kastenvogt) exerce une surveillance sur les biens des monastère, dénonce la méfiance à l’égard de l’évêque, de l’association propriétaire et des autorités cantonales.
L’évêque Mgr Markus Büchel se range aussi derrière l’association Kloster Wonnenstein. Depuis sa création, celle-ci assume des tâches séculières et en assure le financement. «Sans l’aide des Bodaniens, forces motrices derrière l’association, le monastère serait abandonné depuis longtemps», explique-t-il dans un communiqué.
L’évêque se dit «déconcerté par les reproches et les insinuations de la part de la communauté d’intérêts. L’implantation d’une nouvelle communauté est un objectif de l’association, rappelle-t-il. «Il ne peut être question de sécularisation».
Il dénonce aussi les insinuations selon lesquelles les membres de l’association auraient droit à sa fortune et pourraient s’enrichir. «Contrairement aux reproches exprimés, ce sont justement les membres de l’association qui, par leurs contributions annuelles, veillent à ce que l’infrastructure du monastère soit maintenue, les factures payées et les travaux d’entretien effectués.»
Actuellement, en plus de l’entretien général, la restauration coûteuse de l’église du monastère est en cours. Les coûts de ces travaux sont estimés à environ 5 millions de francs, dont les Bodaniens donneraient une part considérable de leurs moyens propres.
Selon l’évêché et le canton, il est légitime que l’association propriétaire réfléchisse à des utilisations supplémentaires de ce grand monastère. Une nouvelle communauté ne pourra pas utiliser l’ensemble des bâtiments et financer la totalité des frais courants et de l’entretien.
L’association n’a en outre jamais demandé un changement d’affectation en terrain à bâtir. A l’exception de deux petites parcelles, le monastère se trouve en zone agricole, La somme de 40 millions de francs évoquée est une «insinuation non objective».
Mgr Büchel ne voit non plus aucun conflit d’intérêt entre son rôle d’évêque et son statut de membre d’honneur de la Bodiana. «Je suis membre d’honneur de nombreuses associations. Mais là, en tant qu’évêque, je peux vraiment faire la différence», a-t-il expliqué à kath.ch.
Si Mgr Büchel exhorte Soeur Scholastica à l’obéissance et à quitter son couvent, il n’envisage pas de la faire expulser. «Ce ne serait pas très délicat de ma part en tant qu’évêque. Sœur Scholastica devait rejoindre une autre communauté. Elle n’est pas une ermite. (…) Rome prescrit que si un monastère ne compte plus que cinq personnes, ses membres doivent rejoindre une autre communauté.»
L’évêque a indiqué en outre être en négociation avec deux communautés susceptibles de s’installer à Wonnenstein. (cath.ch/kath.ch/mp)
Maurice Page
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