La nouvelle Constitution, qui remplace Pastor Bonus, promulguée par Jean Paul II en 1988, redéfinit en premier lieu le cadre général de l’action de la Curie romaine, qui devient une réalité au service du pape mais aussi des évêques. Le but affiché est une décentralisation du pouvoir afin d’en finir avec une Curie romaine autoritaire gouvernant les Églises particulières. Des évêques ont d’ailleurs salué ce changement de culture.
Cependant, pour certains, cette décentralisation n’est pas suffisamment achevée: c’est par exemple ce qu’affirment les évêques allemands, qui ont à plusieurs reprises reproché les interventions autoritaires du pontife et de la Curie dans leurs affaires internes. La perte de pouvoir de la Curie romaine, dont le pape se méfie, semble avoir principalement renforcé les pouvoirs de ce dernier, sans aboutir pour l’heure à une plus grande subsidiarité.
Pour donner plus de place aux Églises particulières, le rôle des conférences épiscopales est pris en compte par Praedicate Evangelium, mais doit encore être précisé. L’évêque de Rome a déjà montré sa volonté d’impliquer ces entités récemment, notamment concernant les traductions liturgiques, mais peut-être plus décisivement pour le Synode sur la synodalité. Le pontife a cependant semblé aussi soucieux de ne pas leur laisser trop d’espace quand elles devenaient trop influentes dans la vie de l’Église, en particulier en Allemagne et aux États-Unis, en rappelant la primauté du pouvoir de l’évêque sur sa conférence nationale.
Plus généralement, la Constitution manifeste le souhait du pape que l’ensemble de cette nouvelle structure soit orienté vers un objectif: l’annonce de la Bonne Nouvelle. Dans ce but, le pontife a placé le nouveau dicastère pour l’Évangélisation à la tête de la pyramide hiérarchique vaticane et en a pris personnellement la tête.
Cependant, cette décision suscite pour l’heure une certaine perplexité sur le nouveau fonctionnement du dicastère en charge notamment des nominations épiscopales en Asie, en Afrique et dans une partie de l’Amérique latine, ainsi que sur sa gouvernance. Les dirigeants précédemment en place, notamment le cardinal Tagle, n’ont pas de poste précis depuis près de six mois. Structurellement, les entités de la Curie ont été regroupées et répartie en dicastères, bureaux et tribunaux – exit les conseils pontificaux et congrégations. Le but est de réduire le nombre de structures dans un but de rationalisation, mais aussi afin de faire des économies.
Les fusions qui ont été opérées ne se passent cependant pas sans accrocs: la cohabitation d’anciennes entités aux cultures de travail différentes au sein de «superdicastères» a posé de vrais problèmes de management ces dernières années. Cela a notamment été le cas dans les dicastères pour la Communication et pour le Service du développement humain intégral.
Le pape a aussi fait passer la Curie d’un système de délégation du pouvoir personnel à une dimension vicariale – rattachée à la fonction – de la mission curiale. C’est un changement de culture qui vise une professionnalisation rapide du personnel de la Curie et lutte contre le carriérisme. Il s’agit aussi d’agir contre les cas de flagrantes incompétences – sinon de malveillance – que laisse entrevoir au plus haut niveau l’actuel procès actuel de l’immeuble de Londres.
Cela se manifeste dans la Curie par l’imposition d’un modèle de contrat appelé quinquennium – mission de 5 ans, renouvelable une fois – qui semble pour l’heure presque impossible à mettre en place et soulève beaucoup de perplexité voire d’inquiétude, en particulier chez les laïcs qui travaillent au Vatican. Le Père Juan Antonio Guerrero, au moment de quitter son poste, a d’ailleurs indiqué que le prochain chantier du Saint-Siège concernerait la direction des Ressources humaines, dont le pape a nommé un premier directeur en septembre dernier.
La Constitution apostolique prévoit aussi que les postes de direction puissent être confiés à des laïcs, ce qui était déjà le cas depuis la nomination de Paolo Ruffini à la tête du dicastère pour la Communication en 2018. Certaines personnalités de la Curie, comme le cardinal Ouellet, ont cependant tenu à prendre la parole après sa publication sur le fait que cette laïcisation de ne devait pas remettre en cause la structure hiérarchique de l’Église, signe que le cadre de cette ouverture aux laïcs est encore sujette à débat.
Reconnaissant les défis existants, le cardinal Gianfranco Ghirlanda, canoniste jésuite qui a été le principal maître d’oeuvre de la nouvelle Constitution, s’était montré prudent peu après sa publication. Il avait d’ailleurs insisté sur le fait que la constitution n’était pas figée et devait encore se déployer ou être amendée dans les années à venir. (cath.ch/imedia/cd/rz)
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