Jacques Berset, pour cath.ch
Le Diderain d’origine (*), secrétaire retraité de la Préfecture du district d’Avenches et actuel guide touristique dans l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine, nous conte cette découverte fortuite. Son oncle, l’abbé René Dubey (1910-1994), alors chapelain de Cournillens, voulait un interrupteur à l’entrée du chœur pour allumer l’éclairage afin de pouvoir se rendre en sécurité à la sacristie, quand la lumière naturelle avait décliné.
Ce heureux hasard est à l’origine de la mise à jour de ce cycle de peintures de style baroque réalisées vers 1680 par Johann Franz Pantly sur les murs du chœur et la voûte, et représentant le martyre de saint Léger (616-678).
«C’est l’abbé Dubey, qui fut curé à Fribourg, Villarepos et Sorens, avant d’arriver à Cournillens, qui a fait restaurer les peintures du chœur. Il a d’emblée contacté Etienne Chatton, alors conservateur des monuments historiques du canton de Fribourg. Ce fut une œuvre délicate et de longue haleine : enlever le crépi blanc sans détruire les peintures, boucher les trous, combler les lacunes… »
La tâche fut confiée à Jan Horky, restaurateur d’art établi à Fribourg. Ce dernier restaura, de 1975 à 1976, les peintures de la voûte représentant le Royaume de Dieu avec la Sainte Trinité et, sur le haut des murs, le cycle de la vie de Saint Léger, qui est décrite dans huit scènes narratives, des médaillons de composition plutôt simple.
Léger ou Léodegard, évêque d’Autun et conseiller du roi mérovingien, fut poursuivi, selon divers récits, par son ennemi Ebroïn, maire du palais à la cour du roi Childéric, roi des Francs saliens. Il lui fit crever les yeux, ce qui en a fait le protecteur des malvoyants. L’endroit était jadis très fréquenté par les pèlerins car son eau est réputée guérir les maladies des yeux.
A ce moment, pénètrent dans la chapelle deux religieuses carmélites, Sœur Marie Bénédicte et Sœur Françoise Marie, accompagnées d’un prêtre originaire du Kerala (Inde). Le Missionnaire de Saint-François de Sales se prépare à célébrer la messe pour les deux religieuses vivant tout à côté, dans l’ermitage Saint Jean de la Croix. (Voir ci-dessous).
Il est alors temps pour nous de sortir de l’édifice et de nous rendre à quelques pas de là, à la fontaine de l’eau «miraculeuse». Cette eau coule dans une fontaine en pierre de la Molière, où encore aujourd’hui des personnes viennent se frotter les yeux en espérant une guérison. Elle a été captée par un sourcier, au pied des buissons au-dessus de la chapelle, explique Bernard Godel, et c’est son oncle qui a fait aménager les lieux.
«Ces travaux de la restauration de la Chapelle, qui ont coûté à l’époque plus de 90’000 francs, ont bénéficié de dons de personnes de la région et même d’autres cantons, de congrégations religieuses, d’amis prêtres, ainsi que de subsides de la Loterie romande et des Monuments historiques. Mais l’abbé Dubey y a beaucoup mis de sa poche, pas loin de 50’000 francs!» (cath.ch/be)
Le plus ancien ermitage du canton de Fribourg
Considérée comme le plus ancien ermitage du canton de Fribourg, la chapelle est mentionnée dans les sources écrites du XIe siècle, peut-on lire dans la documentation mise à disposition sur place. Une recluse y vit en 1300. Plusieurs ermites se succèdent à partir de la fin du XVe siècle. L’érection d’une chapellenie permet l’arrivée du premier ermite prêtre, Jean Du Prez, desservant de la chapelle Saint Léger, en 1680. Mgr Jean-Baptiste de Strambino, évêque de Lausanne, consacre la chapelle deux ans plus tard.
A part quelques intervalles, (Hauser, notice historique de 1880), la chapelle était ordinairement desservie par un ermite prêtre. «Les infirmes y obtiennent des faveurs spéciales». Le 1er avril 1991, deux religieuses carmélites ont été «accueillies avec bienveillance» par Mgr Pierre Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). «Elles y poursuivent la vie inaugurée à la chapelle de Cournillens par les ermites des siècles passés». Mgr Bernard Genoud, évêque de LGF, a érigé canoniquement l’Ermitage Saint Jean de la Croix le 6 janvier 2002.
Un ermite excommunié au XVIe siècle
Selon le capucin Apollinaire Dellion, dans son Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg (1885), un ermite vivant dans la chapelle a été excommunié au XVIe siècle. «Frère Mathurin Jahuc était ermite; il avait puisé on ne sait où des principes de la Réforme qu’il ne se contentait pas d’embrasser, mais il cherchait à les propager par la prédication. Le lundi 13 juillet 1539, l’Etat lui défend la prédication; le 28 du même mois, le doyen de Fribourg fait connaître au curé de Courtion [paroisse dont dépend Cournillens, ndlr] qu’il a appris que l’ermite continuait à prêcher malgré l’excommunication lancée contre lui, il lui ordonne d’empêcher ces sermons et de faire publier en chaire cette excommunication. Enfin, le 10 septembre 1539, il est banni de tout le pays.
On ne sait autre chose sur cet apôtre, ni de quel côté il a dirigé ses pas. On ne connaît pas les noms des ermites qui ont occupé l’ermitage jusqu’à l’établissement des chapelains en 1640». BE
(*) Bernard Godel est le père de l’abbé Christophe Godel, ancien vicaire épiscopal pour le canton de Vaud, qui vient de rejoindre en tant que prêtre modérateur l’Unité pastorale (UP) des Montagnes neuchâteloises à La Chaux-de-Fonds. En 1968, Bernard, avec sa femme Françoise, se sont engagés pour deux ans comme missionnaires laïcs au sein de l’organisation Frères Sans Frontières (FSF), à la Mission catholique de Dibwangui, au Gabon. C’est dans ce pays, plus exactement à l’hôpital du Docteur Schweizer à Lambaréné, qu’est né Christophe Godel. Avant d’œuvrer durant 25 ans comme secrétaire de la Préfecture du district d’Avenches, Bernard Godel avait travaillé à la Radio Suisse Romande comme secrétaire de Roger Volet, dans le cadre du Kiosque à Musique. JB
Rédaction
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/peintures-baroques-de-la-chapelle-de-cournillens-decouverte-fortuite/