Le cardinal Ouellet porte plainte pour diffamation

«J’entreprends aujourd’hui un recours judiciaire en diffamation devant les tribunaux québécois afin de démontrer la fausseté des allégations contre moi et de rétablir ma réputation et mon honneur», annonce le cardinal Marc Ouellet dans un communiqué diffusé le 13 décembre 2022.

L’actuel préfet du dicastère pour les Êvêques, qui fut archevêque de Québec de 2002 à 2010, avait été visé le 16 août dernier par une plainte après avoir été accusé de gestes inappropriés par une ancienne collaboratrice du diocèse. Il dénonce des «accusations infamantes et diffamatoires» et réclame 100’000 dollars canadiens (environ 70’000 euros) de dommages compensatoires.

Déni de gestes inappropriés

«Le 16 août 2022, des allégations infondées de prétendues agressions sexuelles ont été portées contre moi dans le cadre d’une action collective entreprise au Québec contre la corporation archiépiscopale catholique romaine de Québec et l’archevêque catholique romain de Québec», précise le cardinal Ouellet. Il avait déjà contesté ces accusations par un communiqué publié le 19 août. «Je veux le souligner, je n’ai jamais posé les gestes qui me sont reprochés par la plaignante», insiste-t-il.

L’action collective, autorisée par la Cour supérieure du Québec dès le mois de mai 2022, regroupe 101 victimes présumées ayant confié avoir été agressées par environ 88 prêtres ou personnes collaborant avec le diocèse, depuis 1940.

L’une des victimes présumées, appelée ‘F’, assure que le cardinal Ouellet aurait eu des gestes inappropriés à son encontre entre 2008 et 2010 alors qu’elle réalisait un stage comme agente de pastorale. Il l’aurait serrée contre lui, aurait massé les épaules ou lui aurait encore, lors d’une occasion, «glissé sa main» le long de son dos «jusqu’à ses fesses».

Ne pas être associé aux scandales d’abus

«Je n’ai jamais eu de gestes ou comportements répréhensibles comme ceux reprochés à d’autres membres du clergé visés par l’action collective», rétorque le cardinal Ouellet dans son communiqué du 13 décembre. Il affirme s’être assuré du respect de l’anonymat de la plaignante. «Cette association inappropriée, faite intentionnellement et largement diffusée à des fins impropres, doit être dénoncée», déclare le prélat québécois, qui ne veut pas être associé aux cas de prêtres reconnus coupables d’abus.

«Compassion sincère» pour les victimes

«Il est clair que les victimes d’abus sexuels ont droit à une juste réparation pour les dommages qu’elles ont subis», reconnaît le cardinal. «Je suis sensible à leur souffrance et leur redis ma compassion sincère». Il précise que «toute éventuelle compensation financière reçue dans le cadre de ces procédures sera d’ailleurs versée intégralement au profit de la lutte contre les abus sexuels chez les autochtones du Canada». Les mauvais traitements infligés aux enfants dans les pensionnats autochtones étaient le thème central du voyage du pape François organisé au Canada en juillet 2022, et que le cardinal Ouellet avait accompagné.

100’000 dollars demandés

Ses avocats précisent dans leur déposition que le cardinal Ouellet réclame 100’000 dollars canadiens à titre de dommages compensatoires. Ils expliquent que sa réputation à l’international a été dégradée par cette affaire et que le cardinal «vit une angoisse psychologique importante» face à ces accusations. «Une allégation d’agression ou d’inconduite sexuelle» constitue la «pire tache» qui soit pour un membre du clergé.

Le «droit à la justice» des victimes d’abus sexuels «n’est pas remis en cause par ma démarche qui est néanmoins douloureusement nécessaire pour défendre la vérité, ma réputation et mon honneur», insiste le préfet du dicastère pour les Évêques.

Le pape fait confiance au cardinal

En août dernier, moins de 48 heures après la diffusion de cette affaire, le pape François avait fait savoir par son service de presse qu’il n’y avait «pas suffisamment d’éléments pour ouvrir une enquête canonique pour agression sexuelle par le cardinal Ouellet contre la personne ‘F’.» Pour prendre cette décision, le pontife argentin s’était basé sur les conclusions d’une enquête qu’il avait confiée au début de l’année 2021 au Père Jacques Servais, ainsi que sur «d’autres consultations pertinentes».

«Le pape François a considéré qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour poursuivre une enquête canonique pour agression sexuelle à mon égard», rappelle le cardinal Ouellet dans son communiqué du 13 décembre.

Cependant, cette position du pape argentin avait suscité des critiques outre-Atlantique. L’avocat responsable de l’action collective contre le diocèse de Québec avait dit pressentir une «tentative de camouflage évidente» autour des accusations compromettant le cardinal Ouellet, avait rapporté Radio Canada. Certaines voix avaient pointé du doigt la possible proximité entre le cardinal canadien et le Père Jacques Servais. Une proximité qui, comme l’avançait alors le média canadien Présence, ne respecterait pas formellement le Motu proprio Vos estis lux mundi édicté par le Vatican en 2019 et qui prévoit que l’enquêteur n’ait pas de conflits d’intérêts. (cath.ch/imedia/cv/rz)

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