L’agence I.MEDIA a sélectionné quinze figures ayant joué un rôle important.
1- Mgr Sviatoslav Shevchuk: la voix de «l’Ukraine martyrisée»
Plus haut représentant de l’Église catholique en Ukraine, Mgr Sviatoslav Shevchuk a été un inlassable avocat de la cause de son pays auprès du Saint-Siège et dans le reste du monde après l’invasion russe. Auprès de son peuple sous les bombes et dans les ruines, le chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne a dénoncé avec force l’offensive de Moscou.
Il a encouragé les siens à la résistance pour défendre leur patrie et alerté les catholiques du monde entier par des billets quotidiens largement relayés. Celui qui connaît bien le pape François pour avoir dirigé l’éparchie ukrainienne d’Argentine quand le cardinal Bergoglio était archevêque de Buenos Aires, a servi de trait d’union entre son pays et le Saint-Siège, critiqué en Ukraine pour sa ligne jugée trop ouverte au dialogue avec la Russie.
2- Cardinal Joseph Zen: l’opposant à Pékin condamné
Grand adversaire du gouvernement communiste chinois, l’évêque émérite de Hong Kong a été arrêté et incarcéré brièvement par la justice de son pays en mai. En cause, son rôle en tant que membre du conseil d’administration d’une association qui vient en aide aux manifestants opposés à l’emprise grandissante de Pékin sur l’ancienne enclave britannique.
D’abord accusé d’intelligence avec une force étrangère, charge qui aurait pu l’envoyer en prison, le cardinal Zen a ensuite vu la justice de Hong Kong l’inculper pour une simple erreur administrative, le condamnant finalement à payer une amende de moins de 500 euros. Sa discrétion pendant la procédure n’a cependant pas empêché de relancer le débat au sein de l’Église sur la stratégie de dialogue avec Pékin acceptée par le Saint-Siège, à laquelle il est très hostile.
3- Benoît XVI: l’Allemagne contre son pape
Le pape émérite, qui a célébré le 16 avril dernier ses 95 ans, a connu un début d’année très difficile. Publiée en janvier, une enquête diligentée par son ancien diocèse de Munich, qu’il a dirigé de 1977 à 1982, l’a mis en cause dans sa gestion de quatre cas d’abus pendant cette période.
Une responsabilité qu’il a systématiquement récusée, se disant blessé de voir sa parole remise en question par le cabinet de juristes responsables de l’enquête autant que par la presse allemande. Dans une lettre décrite comme un «testament spirituel» par son secrétaire, Mgr Georg Gänswein, Benoît XVI a néanmoins demandé pardon pour le «sommeil» dans lequel a pu se trouver plongée l’Église face aux abus. Le 265e pape s’est aussi dit serein alors qu’approche pour lui le moment de «franchir avec confiance la porte sombre de la mort».
4- Alessandro Diddi: un magistrat sous pression
Nommé officiellement promoteur de justice (procureur) le 23 septembre dernier, après avoir été pendant plusieurs années le numéro 2 de son prédécesseur Gian Piero Milano, Alessandro Diddi a connu des mois difficiles. En charge de mener à son terme le procès financier de l’affaire ‘de l’immeuble de Londres’, l’avocat italien a été mis sous pression tant par les avocats de la défense, qui tentent de discréditer sa procédure, que par l’affaire elle-même qui n’a cessé de se complexifier au cours de l’année, au fil des témoignages et révélations.
Forcé de relancer des enquêtes alors que le procès chemine déjà lentement, Alessandro Diddi voit peser sur ses épaules la responsabilité d’incarner une justice crédible et efficace malgré un manque de moyens évident et le risque de laisser cette procédure tentaculaire s’enliser.
5- Cardinal Angelo Sodano: les adieux au ‘bras droit’ de Jean Paul II
Il a été l’une des figures clé de la seconde partie du pontificat de Jean Paul II: le cardinal Angelo Sodano est mort à l’âge de 94 ans le 27 mai. Puissant secrétaire d’État du Saint-Siège de 1990 à 2006, il est à l’origine du nouvel élan de la diplomatie vaticane post-guerre froide, que ce soit face à l’émergence du terrorisme islamique ou lors des guerres des Balkans, du Golfe persique ou d’Irak.
Cet homme de pouvoir avait aussi sa face sombre: son silence sur les abus commis par le fondateur des Légionnaires du Christ Marcial Maciel ou par l’ex-cardinal Theodore McCarrick a contribué à ternir son image. Ses obsèques, célébrées le 31 mai au Vatican dans une relative discrétion, ont été l’occasion pour le pape François de dire adieu à ce grand serviteur de l’Église. En marge de la cérémonie, le pape émérite Benoît XVI, que le cardinal Sodano a servi pendant un an après son élection, est discrètement sorti de son monastère pour venir se recueillir devant son cercueil.
6- Mgr Carlos Belo: le revers de la médaille Nobel
Prix Nobel de la Paix 1996 pour son action décisive dans la résolution pacifique du conflit au Timor oriental, l’évêque salésien Mgr Carlos Filipe Ximenes Belo avait démissionné en 2002, officiellement pour raisons de santé, avant de se rendre au Portugal et au Mozambique. En 2022, un hebdomadaire hollandais l’accuse d’avoir été l’auteur de violences sexuelles sur des garçons mineurs pendant des années quand il était prêtre au Timor oriental. Le Vatican révèle dans la foulée avoir pris en main cette affaire en 2019, et lui avoir imposé des restrictions disciplinaires.
7- Mgr Georg Bätzing: l’homme du synode allemand
Élu en 2020 à la tête de la conférence des évêques d’Allemagne à la suite du cardinal Marx, l’évêque de Limbourg a hérité du chemin synodal national lancé l’année précédente sur fond de crise des abus et de volonté de changement. Fervent défenseur de cette démarche qui appelle à une évolution du statut du prêtre, à l’ouverture de ministères ordonnés aux femmes ou encore à une révision dogmatique concernant l’homosexualité, Mgr Bätzing n’a pas hésité à monter aux créneaux dès que Rome tentait de tempérer la ferveur réformiste allemande. Une opposition qui s’est révélée au grand jour lors de la visite ad limina des évêques allemands en novembre, pendant laquelle il a tenu la barre malgré les réserves sévères infligées par plusieurs cardinaux de la Curie, notamment Marc Ouellet.
8- Cardinal Giorgio Marengo: la coqueluche du consistoire
Il a 48 ans, est Italien et préfet apostolique d’Oulan Baator, en Mongolie. Avec son profil atypique et malgré sa jeunesse, Giorgio Marengo a été choisi par le pape pour devenir cardinal le 27 août dernier, faisant de lui le benjamin du collège cardinalice, à la surprise générale. Ce membre des missionnaires de la Consolata vit en Mongolie depuis 2002, où il s’occupe de la minuscule communauté catholique. En choisissant ce cardinal italien de Mongolie, le pontife a tenu à montrer son intérêt pour l’Asie centrale, où il s’est rendu en septembre en allant au Kazakhstan. Il a aussi placé stratégiquement un de ses représentants aux portes de la Chine.
9- Mgr Rolando Alvarez: le prisonnier de la dictature
Au Nicaragua, le bras de fer entre la dictature de Daniel Ortega et l’Église s’est durci cette année avec l’expulsion du nonce apostolique. Mais l’événement le plus significatif a été l’arrestation au milieu du mois d’août de l’évêque contestataire Mgr Alvarez, à la tête du diocèse de Matagalpa.
Il avait auparavant déjà passé plusieurs mois en résidence surveillée. Il est accusé par Daniel Ortega de chercher à «déstabiliser» le pays, pour être publiquement venu au secours de la population après les violentes répressions des manifestations contre le régime. Encore en prison au début du mois de décembre, il se porte bien, a rapporté son compatriote le cardinal Leopoldo Brenes.
10- Cardinal Konrad Krajewski: l’homme du pape sur le front
Polonais taciturne et discret à la tête du tout nouveau Dicastère pour la charité, le cardinal Krajewski a pris une nouvelle dimension cette année après le déclenchement de la guerre en Ukraine. En quelques mois, il a été envoyé quatre fois dans le pays en guerre par le pape François pour porter du matériel médical, des ambulances et des produits de première nécessité pour la population ukrainienne. Il a aussi été les yeux et les oreilles du pape pour lui rapporter les horreurs du conflit et le sort de l’Ukraine martyrisée, se rendant sur plusieurs charniers et essuyant des tirs lors d’une de ses missions.
11 – Cardinal Matteo Maria Zuppi: la nouvelle tête de l’Église en Italie
L’archevêque de Bologne et membre de la Communauté Sant’Egidio, considéré par certains comme un papabile, a vu son rôle prendre de l’ampleur cette année. Il s’est vu confier, le 24 mai, la présidence de la puissante Conférence des évêques d’Italie (CEI) par le pape François. Mandaté par ce dernier pour accélérer la lente transformation de l’Église en Italie, le cardinal Zuppi hérite dans le même temps d’un dossier très délicat, celui des abus sexuels commis par le clergé dans la Botte.
Immédiatement après sa nomination, il annonce la préparation d’un rapport sur les abus, présenté en novembre. Cependant, avec seulement 613 cas révélés, l’enquête ne satisfait pas plusieurs associations de victimes. Les critiques émises par des membres de l’équipe en charge de la lutte contre les abus au sein de la CEI à l’égard de la méthodologie de la CIASE en France font grincer quelques dents.
12 – Cardinal Jean-Claude Hollerich: la voix du synode
Déjà président de la commission des épiscopats auprès de l’Union européenne (COMECE) depuis 2018, le cardinal luxembourgeois avait été choisi par le pape François en 2021 comme rapporteur du synode sur l’avenir de l’Église, ou synode sur la synodalité. Il a joué un rôle clé en cette année de conclusion de la phase locale et de lancement de la phase continentale du processus. Mgr Hollerich s’est félicité de la large participation des diocèses du monde entier et a tenté de dépasser les tensions parfois apparues dans les rapports en continuant à prêcher pour une conversion synodale de l’Église au-delà des polarisations.
13- Jean-Pierre Ricard: les aveux d’un cardinal
Discret archevêque de Bordeaux à la retraite depuis 2019, le cardinal Ricard a créé la stupéfaction en reconnaissant avoir eu une «conduite répréhensible» quand il était prêtre à Marseille au début des années 1980, envers une jeune fille de 14 ans. L’annonce a été faite le 6 novembre dans une lettre lue par le cardinal Aveline devant les évêques français réunis à Lourdes.
L’épiscopat français était alors déjà embourbé dans sa gestion de l’affaire de Mgr Michel Santier. Celle du cardinal Ricard serait en réalité ressortie en début d’année 2022 après sa nomination par le pape comme délégué pontifical pour enquêter sur les affaires d’abus commis au sein des Foyers de Charité. La victime et sa famille, perturbées par ce choix, auraient alors décidé de sortir du silence en alertant des autorités ecclésiastiques. Le 11 novembre, le Vatican a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire sur l’affaire.
14- Cardinal Marc Ouellet: le gardien de la Curie fragilisé
Bien qu’âgé de 78 ans et annoncé comme très proche de la retraite, le cardinal Ouellet, préfet du dicastère pour les Évêques, a joué un rôle essentiel cette année au sein de la Curie romaine, s’affirmant comme le principal champion de l’orthodoxie. Il s’est fait remarquer en défenseur du célibat sacerdotal lors d’un colloque international organisé par ses soins à Rome en février dernier, avec une participation du pape.
Le Québécois a aussi critiqué très durement les prises de position du chemin synodal outre-Rhin, et s’est nettement opposé au courant réformiste qui agite l’Allemagne lors d’une confrontation avec l’épiscopat de ce pays, en visite ad limina à Rome en novembre. Le cardinal a aussi été personnellement mis en cause pour inconduite sexuelle envers une femme, alors qu’il était archevêque de Québec. Cependant, si une procédure judiciaire a été ouverte dans son pays, le pape, qui a mené son enquête, lui a réaffirmé son soutien en le maintenant en poste.
15- Cardinal Angelo Becciu: la pourpre embourbée dans un procès
Premier cardinal jugé par la justice civile du Vatican, le Sarde Angelo Becciu, ancien substitut de la secrétairerie d’État, a passé l’année sur le banc des accusés. Combatif face aux lourdes accusations énoncées contre lui, il n’a cessé de clamer son innocence dans les trois volets de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’ dans lesquels il est impliqué. Sa responsabilité exacte reste encore à déterminer et la procédure devrait se poursuivre pendant toute l’année 2023. Mais plusieurs éléments concernant l’entourage du cardinal en Sardaigne ont poussé la justice à ouvrir en novembre une nouvelle enquête sur un possible cas d’abus de pouvoir en bande organisée. (cath.ch/imedia/cd/rz)
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