Stefan Constantinescu est depuis le 1er novembre 2022, responsable du département de la formation des adultes de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud. De Bucarest, en Roumanie, à Lausanne, en passant par Fribourg, il revient sur son itinéraire et partage sa vision d’une Eglise synodale.
De Roumanie à Lausanne, quel est votre itinéraire?
Je suis originaire de Roumanie, comme mon nom l’indique. J’ai commencé mes études en théologie à Bucarest. Après avoir obtenu l’équivalent du bachelor, j’ai décidé de venir à l’Université de Fribourg en 2010 pour faire mon master, avec une spécialisation en théologie de l’oecuménisme. La Faculté de Fribourg avait une bonne réputation en Roumanie. Je voulais aussi découvrir la théologie latine catholique. Ce fut une grande découverte, à la fois de l’Eglise catholique, mais aussi de la société suisse et fribourgeoise.
Vous avez centré vos recherches sur la personne de saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) fondateur de l’ordre cistercien.
Pour mon mémoire de master j’ai travaillé sur la dimension eucharistique de sa théologie mystique. La conclusion en était que la vie sacramentelle et en particulier l’eucharistie est un aspect primordial de l’expérience mystique. La vie ecclésiale nourrit la vie mystique et inversement. Cela me semble important pour la réflexion d’aujourd’hui où la spiritualité tend à se développer en dehors de la vie sacramentelle et de l’appartenance ecclésiale.
Bernard comme théologien latin n’est pas du tout connu ou à peine dans le monde oriental. J’ai également publié deux articles en roumain pour parler de son rôle oecuménique.
«Quelle parole donnons-nous à notre monde? Quelle est sa force?»
A partir de 2014, Bernard de Clairvaux a aussi été le sujet de cotre thèse de doctorat.
Chez Bernard, j’ai découvert l’expression de visitatio Verbi (la visite du Verbe). J’ai notamment analysé la dimension poétique de cette démarche. Par cela, il s’approche un peu de la dimension iconique orientale. Une icône rend visible le visage du Christ incarné. Bernard, par ses écrits, donne aussi une image de la Parole, du Verbe. Ce qui me rend très sensible aujourd’hui à la question de l’image. Nous vivons dans un monde inondé d’images. Comment nous chrétiens pouvons-nous les ›charger’ de cette dimension christique pour annoncer la Bonne Nouvelle? Comment sommes-nous visibles? Quelle parole donnons-nous à notre monde? Quelle est sa force?
Comment s’est faite votre insertion dans la vie ecclésiale de Suisse romande?
J’ai travaillé comme assistant diplômé à l’Université de Fribourg. Ce qui m’a introduit dans la vie active et m’a permis de rencontrer des professeurs mais aussi de nombreuses personnes engagées dans la vie pastorale. Entre 2017 et 2022, j’ai été enseignant bénévole à l’Atelier Oecuménique de Théologie (AOT) de Genève, où je poursuis un engagement à 20% jusqu’en juin 2023. J’y ai rencontré des théologiens catholiques et réformés. Ce qui a forgé ma vision pastorale en dehors de l’université.
En février 2021, vous avez été engagé au département de la formation des adultes de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud.
J’ai été engagé après une postulation spontanée. Cela a été une grande joie de pouvoir mettre en valeur mes connaissances théologiques acquises en grande partie à Fribourg. J’ai une double identité. Celle de mon origine roumaine à laquelle je tiens beaucoup, mais c’est en Suisse que ma foi et ma vision ecclésiale ont continué de se développer. J’ai aussi fait un diplôme d’enseignement de maturité (DEEM) en sciences des religions, avec notamment un stage d’un an au collège St-Michel à Fribourg.
«Je rêve d’une Eglise plus relationnelle, avec Dieu bien sûr, mais aussi avec les croyants de tous horizons»
En 2022, les restructurations au sein de l’Eglise du canton de Vaud, après la nomination de Michel Racloz comme représentant de l’évêque, puis de Philippe Becquart pour le seconder, ont libéré la place de responsable du département de la formation des adultes.
Il y a eu une mise au concours, j’ai postulé et j’ai eu la chance d’être retenu. J’y vois aussi un appel de Dieu. La responsabilité est vaste et exigeante. Les enjeux sont importants pour l’Eglise pour répondre aux besoins et aux attentes des fidèles, aller vers les périphéries, adapter notre discours. Je travaillerai d’abord dans la continuité de ce qui s’est fait jusqu’à présent. Actuellement le service occupe une quinzaine de personnes à des taux d’emplois variés.
Le débat actuel, ouvert par le pape François, porte sur la dimension synodale de l’Eglise.
Je rêve d’une Eglise plus relationnelle, en relation avec Dieu bien sûr, ce qui reste fondamental, mais aussi en relation avec les croyants de tous horizons. Dans ce sens, notre département de la formation pourrait être plus présent et plus visible, créer davantage de ponts avec le terrain. Fondamentalement il s’agit de mettre en valeur la dimension du baptême dans son aspect synodal.
«Je tiens à mon identité de roumain-orthodoxe, mais je ne la mets pas systématiquement en avant»
Aujourd’hui, l’Eglise reste encore centrée sur le prêtre.
C’est un constat que je partage. Mais ce changement demande du temps. Et les prêtres ont aussi besoin de nous pour les aider à se situer dans cette nouvelle démarche qui tend à changer nos habitudes et nos postures. Il y a là un gros chantier pour les années à venir autour des résultats de la consultation synodale.
Vous liez aussi l’esprit synodal à la dimension liturgique.
Comment la liturgie peut-elle accompagner et être l’expression de cette démarche synodale? On ne peut pas se limiter à discuter de l’horaire des messes: il faut voir comment la dimension liturgique nourrit cette démarche. Comment tous les baptisés sont appelés à vivre ›liturgiquement’? Quel est le rôle de l’assemblée face au prêtre et à la chorale? Il y a encore une soif d’aller plus loin, même si Vatican II a déjà fait d’immenses progrès dans ce domaine. Une autre dimension où nous devons nous renforcer est l’aspect multiculturel de nos communautés.
Comment portez-vous votre identité orthodoxe-roumaine, tout en étant au service de l’Eglise catholique?
Je tiens à mon identité de roumain orthodoxe, mais je ne la mets pas systématiquement en avant. Je participe à la vie de la communauté roumaine de Fribourg, notamment comme chantre lors des liturgies, et je n’ai aucun mandat de l’Eglise orthodoxe. Ma nomination par Mgr Morerod est une reconnaissance de mon parcours théologique et pastoral en Suisse et à Fribourg. Je n’ai pas eu non plus de réaction négative du côté orthodoxe et du côté catholique j’ai rencontré surtout de la curiosité.
Je tente de vivre ces deux identités sur un mode ›relationnel’. C’est à mon avis l’avenir de l’oecuménisme. Les querelles dogmatiques et canoniques et souvent historiques et identitaires n’aident pas vraiment les fidèles. Je cherche et je vis l’unité dans mon action pastorale au service de l’Evangile. Je suis aussi très reconnaissant de l’ouverture catholique à mon égard. Je suis heureux de pouvoir rapprocher les deux mondes. (cath.ch/mp)
La formation des adultes dans le canton de Vaud
Le travail du département de la formation des adultes se décline en plusieurs pôles. Le premier est celui des formations spécifiques pour les agents pastoraux, à la demande des équipes pastorales. Il peut s’agir par exemple de l’écoute, de l’animation de groupe ou du nouveau missel.
Le deuxième est celui de l’approfondissement biblique, avec des parcours bibliques et des formations à l’animation.
Dans la section ›cheminer en Eglise, on trouve d’abord le parcours Siloé qui se déroule sur trois ans et donne une formation de base pour les personnes actives dans les paroisses ou mouvements. C’est probablement l’élément le plus connu de l’offre.
Le quatrième pôle est celui de la vie spirituelle et de l’accompagnement. Il s’agit d’aider à s’orienter dans sa vie de prière. Il sert souvent de porte d’entrée pour aller plus loin, notamment dans la participation à la vie sacramentelle de l’Eglise.
Le dialogue oecuménique et interreligieux est très important. Il passe entre autres par la participation au travail de la Maison de l’Arzillier.
La pastorale des couples et des familles est le volet suivant, au travers d’événements, de formations ou de parcours. Depuis quelques temps, le département de la formation développe des activités communes qui impliquent parents et enfants, avec la collaboration du département des 0-15 ans.
Enfin la coordination des bénévoles en pastorale est une part importante des activités du département. Avec notamment la formation à l’écoute, à la lecture liturgique ou comme auxiliaires de l’eucharistie. La pastorale du tourisme, des loisirs et des pèlerinages, les domaines de l’éthique sociale chrétienne et de l’écologie y sont également intégrés. MP
Une nouvelle formation qualifiante
Depuis l’automne 2022, l’Eglise vaudoise, en collaboration avec le Centre romand de formation en Eglise (CCRFE), offre un nouveau programme de formation qualifiante qui s’intercale entre le parcours de base Siloé et la formation d’animateur-trice pastoral-e (FAP) au CCRFE. Il s’agit du certificat de pratique pastorale (CPP) qui s’étale sur 18 mois à raison d’environ huit heures par semaine en présentiel ou en ligne. C’est une formation ‘duale’ essentiellement pratique à partir de situations concrètes de terrain qui s’adresse à des personnes déjà actives en pastorale. La première volée de neuf personnes a commencé en automne 2022. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
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