Des preuves que Jean Paul II a couvert des abus sexuels?

Le journaliste néerlandais Ekke Overbeek déclare détenir des preuves que le pape Jean Paul II a dissimulé des abus sur mineurs, alors qu’il était archevêque de Cracovie. Le Vatican aurait également l’intention d’enquêter sur le sujet.

Ekke Overbeek, a passé les deux dernières années à éplucher des archives en Pologne, où il réside, a-t-il expliqué le 2 décembre 2022 dans l’émission Nieuwsuur, sur la chaîne publique néerlandaise NPO 2. Il aurait découvert plusieurs éléments indiquant que l’archevêque Wojtyla était au courant de cas de prêtres ayant abusé d’enfants. Le futur Jean Paul II les aurait aidés à échapper à toute sanction, notamment en les transférant dans d’autres paroisses. Un comportement qui a, selon le journaliste, «conduit à de nouvelles victimes».

Documents des services secrets

Des conclusions qu’Ekke Overbeek a rassemblées dans un livre intitulé Maxima Culpa, qui doit sortir en 2023 en polonais. Le Néerlandais aurait notamment étudié des documents des services secrets sur le futur pape, accessibles au public, lorsqu’il vivait et travaillait en Pologne. Si les documents concernant Jean Paul II de façon directe auraient presque tous été détruits, il relève que l’archevêque de Cracovie est mentionné à maintes reprises de manière indirecte dans d’autres documents qui ont survécu. Karol Wojtyla, décédé en 2005, a été archevêque de l’ancienne capitale de la Pologne de 1964 à 1978.

Rapports de police

Le pape polonais est censé n’avoir appris l’existence de cas d’abus sexuels au sein de l’Église catholique qu’après la réception du rapport d’un prêtre américain en 1985. Mais Ekke Overbeek aurait trouvé une série de documents au sujet d’un prêtre nommé Eugeniusz Surgent, emprisonné pour avoir abusé d’enfants. Selon un témoignage émis par son codétenu, l’ecclésiastique aurait envoyé une lettre à l’évêque Wojtyla dans laquelle il lui demandait pardon et lui promettait de ne pas recommencer. Le prêtre «a pourtant recommencé», a relevé Ekke Overbeek à la télévision néerlandaise.

Un autre document relate le cas d’un prêtre ayant abusé de jeunes garçons qui aurait affirmé lors de son interrogatoire par la police avoir discuté de ses actes avec le cardinal Wojtyla. Les experts qui ont examiné les documents, dont le professeur Stanislaw Obirek de l’Université de Varsovie, assurent qu’ils sont authentiques.

L’émission Nieuwsuur a déclaré que l’Église avait refusé de répondre à ses questions. Selon des médias polonais, le Vatican aurait également l’intention d’enquêter sur la période pendant laquelle le pape Jean Paul II a officié à Cracovie.

Enquête polonaise

Outre le journaliste néerlandais, des médias polonais mènent depuis longtemps des recherches sur le sujet. Le 1er décembre 2022, notamment, le quotidien Rzeczpospolita a publié un rapport de plusieurs pages sur des cas de traitements problématiques, par l’archevêque Wotyla, de prêtres abuseurs. Rappelant brièvement l’affaire du Père Surgent, le quotidien détaille principalement le cas du Père Jozef Loranc, décédé en 1992.

Le prêtre de l’archidiocèse de Cracovie avait avoué des pratiques pédophiles avec des jeunes filles à la fin des années 1960. Dans un premier temps, Karol Wojtyla avait pris des mesures fortes en envoyant le prêtre dans un monastère et en lui interdisant les contacts avec les fidèles. Mais, d’après Rzeczpospolita, le futur Jean Paul II ne s’était pas opposé à ce que ces mesures se relâchent progressivement, jusqu’à ce que Jozef Loranc soit réintégré dans la pastorale locale, sans toutefois être chargé du catéchisme.

Une lettre d’un responsable de la paroisse interceptée par la police secrète datant de 1973 informe d’une plainte concernant des gestes déplacés du prêtre envers des jeunes filles, indiquant une récidive de l’ecclésiastique. Le journal polonais note toutefois la possibilité que la lettre en question ait été une émanation de la police secrète elle-même, qui aurait pu tenter de l’utiliser pour recruter le prêtre en tant «qu’informateur». Bien que la récidive du Père Loranc ne soit pas confirmée, le fait est qu’il a été transféré à ce moment-là dans une autre paroisse, où il est resté jusqu’à sa mort, officiant notamment comme aumônier d’hôpital. (cath.ch/nieuwsuur/rzeczpospolita/ag/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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