À deux pas de la place Saint-Pierre, la Via delle Fornaci est une grande artère romaine qui mène du Vatican jusqu’à la colline du Janicule. Une grande partie du trafic qui entre et sort du secteur emprunte cette rue. La fermeture d’une section de cette rue depuis fin octobre 2022 est donc un véritable casse-tête pour les autorités locales, rapporte le site catholique Crux, le 4 décembre 2022.
Ce tronçon de route est dominé par la Villa Abamelek, résidence des ambassadeurs russes en Italie, ainsi que par l’église orthodoxe russe de Sainte-Catherine d’Alexandrie. Les autorités romaines ont fermé la rue par crainte qu’un énorme et vétuste mur de pierre entourant la propriété russe ne s’effondre. Le problème est que les Russes ne se pressent apparemment pas d’effectuer les réparations nécessaires.
Le blocage de la rue pose de sérieux problèmes de circulation et met en péril les entreprises et commerces dans la périphérie du Vatican. Un bar local a déjà fermé en raison du manque de clients, et plusieurs restaurants pourraient subir le même sort.
Des chicaneries dans la ligne d’autres actions peu aimables de la Russie à l’encontre du Saint-Siège depuis le début du conflit en Ukraine. Le pape François a toujours déploré la guerre, bien qu’il ait adopté une attitude plutôt prudente dans les premiers temps, évitant notamment de prononcer le nom de Vladimir Poutine. Mais plus le conflit s’est durci, plus le pontife s’est exprimé de manière précise. Ses propos lors d’une récente interview avec le magazine jésuite America ont spécialement irrité le pouvoir russe. «J’ai beaucoup d’informations sur la cruauté des troupes» en Ukraine, a déclaré le pape. «Généralement, les [soldats] les plus cruels sont peut-être ceux qui sont de Russie mais ne sont pas de tradition russe, comme les Tchétchènes, les Bouriates et d’autres», faisant référence à deux minorités ethniques de la Fédération de Russie.
Les porte-voix du Kremlin ont violemment critiqué ces paroles. Le dernier à se joindre à la mêlée a été le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, qui a accusé François d’utiliser une rhétorique «non chrétienne». «Ce n’est plus de la russophobie, c’est une perversion de la vérité à un niveau que je ne peux même pas nommer», avait plutôt déclaré la porte-parole du ministère, Maria Zakharova.
Ramzan Kadyrov, le commandant des troupes tchétchènes s’est également joint au chœur. «Le pape, en tant que guide spirituel de millions de catholiques, aurait dû utiliser une rhétorique plus pacifique au lieu de répandre la haine et la discorde interethnique entre les peuples», a-t-il estimé. «Avant l’intervention de l’OTAN dans les affaires intérieures de l’Ukraine, nous n’avions aucun problème avec le peuple ukrainien (…) On ne peut pas en dire autant des actions pastorales du pape et des instructeurs de l’OTAN, qui tentent de transformer le plus grand nombre possible de soldats ukrainiens en chair à canon», a ajouté le dirigeant tchétchène.
Des diatribes qui ont été accompagnés d’actions hostiles. Début décembre, l’ombre du Kremlin a été perçu derrière une série de cyberattaques contre des sites du Vatican. Des individus sont également rentrés par effraction dans l’ambassade d’Ukraine auprès du Saint-Siège. Ils y ont répandu des excréments.
Autant d’indications que les relations entre le plus petit et le plus grand Etat du monde sont au plus bas. Personne n’attend ainsi dans un avenir proche la réouverture, ni des canaux diplomatiques, ni de la Via delle Fornaci. (cath.ch/crux/arch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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