Barbara Ludwig, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Après la démission de Mgr Valerio Lazzeri, de sa charge d’évêque de Lugano le 10 octobre dernier, Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) a été nommé administrateur apostolique du diocèse. Il présidera ainsi à ses destinées jusqu’à la nomination d’un nouvel évêque.
Que des administrateurs apostoliques dirigent l’Eglise du Tessin n’a rien d’exceptionnel, si l’on jette un regard sur l’histoire. Ce fut même la règle de 1885 à 1971. Ce n’est qu’à cette date que le diocèse de Lugano a été créé, le dernier de Suisse.
Historiquement et jusqu’au milieu du 19e siècle, le territoire tessinois faisait partie des diocèses lombards de Milan et de Côme. Cet ordre a été remis en question avec l’émergence des États-nations. Dès le début du 19e, les Etats d’Europe voulurent faire coïncider les limites des diocèses avec les nouvelles frontières des Etats.
Devenu canton suisse en 1803, le Tessin entendait bien en faire de même. Mais il se heurta à l’opposition de l’Autriche, à l’époque maîtresse de la Lombardie, qui refusa de céder au futur diocèse de Lugano les biens de la mense épiscopale de Côme situés sur le territoire tessinois. De négociations en négociations au gré de plusieurs changement de régimes, l’affaire aboutit en 1859, moment où le Conseil fédéral promulgua unilatéralement un décret qui ratifiait la séparation du canton d’avec les diocèses lombards et suspendait de fait l’autorité des évêques de Côme et de Milan, écrit Antonietta Moretti dans le Dictionnaire historique de la Suisse.
Au cours des décennies suivantes, des négociations sur la situation ecclésiastique du Tessin se poursuivirent. Mais en 1871, le Kulturkampf atteignit la Suisse et provoqua la rupture des relations entre la Confédération et le Saint Siège.
Mgr Eugène Lachat, évêque de Bâle, en fut l’un des grand protagonistes. Chassé de l’évêché de Soleure en 1873, il continua à gouverner son diocèse depuis Lucerne. Après l’apaisement du Kulturkampf, il démissionna de sa charge et obtint en compensation celle de premier administrateur apostolique du Tessin, en 1885. Ce fut un arrangement de courte durée, puisque Mgr Lachat mourut en 1886.
Deux ans plus tard, le Saint-Siège et la Confédération ont conclu un accord sur l’établissement définitif d’une administration apostolique. L’évêque de Bâle s’appelait désormais «évêque de Bâle et Lugano» et avait un droit de regard sur la nomination de l’administrateur.
Mais dans l’accord, l’indépendance totale des deux titres était garantie. Il s’agissait de facto de l’érection du diocèse de Lugano, même si ce terme était soigneusement évité dans les documents, car la législation fédérale interdisait la création de nouveaux diocèses, explique Antonietta Moretti.
Par la suite, le Tessin a connu six administrateurs apostoliques. Le dernier fut Mgr Giuseppe Martinoli. Il est devenu, en 1971, le premier évêque de Lugano à pouvoir porter ce titre. La base de cette décision était l’accord de 1968 entre le Conseil fédéral et le Saint-Siège, dans lequel il avait été décidé de séparer l’administration apostolique du Tessin de l’évêché de Bâle et de la transformer en un diocèse indépendant.
L’accord stipule que l’évêque de Lugano «est élu parmi les prêtres appartenant au canton du Tessin» – c’est-à-dire qu’il doit être tessinois. Une telle disposition était déjà en vigueur pour les administrateurs apostoliques,a indiqué à kath.ch Giosia Bullo porte-parole de la chancellerie du canton du Tessin.
A l’exception du jurassien Mgr Eugène Lachat, tous les administrateurs puis tous les évêques de Lugano ont été élus au sein du clergé tessinois. Mgr Pier Giacomo Grampa, évêque de 2004 à 2013, fait figure de demi-exception. Originaire d’Italie, il s’était naturalisé au Tessin. Pour lui, les raisons de la clause selon laquelle l’évêque de Lugano doit être un Tessinois sont de nature culturelle et historique.
L’actuel administrateur apostolique Mgr Alain de Raemy n’est pas originaire du Tessin. Le Romand n’est donc pas candidat au siège épiscopal de Lugano. A moins qu’il n’obtienne la citoyenneté tessinoise. Mais il ne pourrait en faire la demande qu’au bout de trois ans de résidence au Tessin. Et laisser un siège épiscopal vacant aussi longtemps serait tout à fait inhabituel. (cath.ch/kath.ch/bl/mp)
Rédaction
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