Alors que le tribunal s’apprêtait à reprendre l’audition du témoin clé Mgr Alberto Perlasca, le promoteur de justice Alessandro Diddi a annoncé avoir reçu pendant le week-end un mail contenant une conversation de 126 messages sur messagerie instantanée entre deux personnes, Genoveffa Ciferri Putignani et Francesca Immacolata Chaouqui. Il n’a pas précisé la source de ces nouveaux éléments, mais a expliqué que le contenu de cette discussion l’avait poussé à ouvrir une enquête.
La première participante à cette conversation, Genoveffa Ciferri, a été pour la première fois évoquée dans ce procès par le cardinal Becciu en mai dernier. Il avait expliqué que cette vieille dame fortunée, très proche de Mgr Perlasca dont elle a fait son légataire, l’avait accusé de ne pas venir en aide à ce dernier qui était sous enquête à cette période, et l’avait ensuite menacé de le livrer à la presse.
La seconde personne impliquée, Francesca Immacolata Chaouqui, est bien connue au Vatican, ayant été condamnée en 2016 dans le cadre de l’affaire des Vatileaks. Celle qui a été surnommée la «papesse» par une partie de la presse italienne n’a pas été directement citée dans le procès si ce n’est par le promoteur de justice Alessandro Diddi – qui la connait bien pour avoir mené l’enquête amenant à sa condamnation en 2016 – et qui l’a cette fois-ci simplement entendue pendant l’investigation.
Par ailleurs, dans son mémoire de défense, l’accusée Cecilia Marogna affirme que le cardinal Becciu lui a demandé d’enregistrer les messages Facebook que lui avait envoyés Chaouqui dans l’optique de pouvoir se défendre. Elle estime en outre que Genoveffa Ciferri pourrait avoir mis sous écoute le cardinal sarde pour transmettre des informations à Chaouqui, laquelle souhaitait se venger pour sa condamnation.
Lors de l’audience, Mgr Perlasca a reconnu que le «Mémorial» du 18 décembre 2018 qu’il avait remis aux enquêteurs avait été suggéré par son amie Genoveffa Ciferri, qui, pour en rédiger les questions, avait consulté un «conseiller juridique» qui s’est avéré être Francesca Immacolata Chaouqui. Il a affirmé la connaître mais ne l’avoir jamais rencontrée.
Cette investigation pourrait amener à l’ouverture d’un autre procès. Il s’agit de la seconde enquête ouverte par Alessandro Diddi en moins d’une semaine, après celle concernant l’environnement familial sarde du cardinal Becciu. Dans les deux cas, les pièces utilisées étaient des extraits de conversations sur messagerie instantanée.
Pendant l’audience, le tribunal a entendu le témoignage d’Antonio Di Iorio, fonctionnaire de la secrétairerie d’État et notaire de la Chambre apostolique. Sa convocation s’expliquait par la présence de ses signatures sur divers documents concernant la propriété de Londres, notamment sur l’un des deux contrats signés en novembre 2018 qui transférait la gestion de l’immeuble à Gianluigi Torzi – une opération qui a entraîné la perte de contrôle de l’immeuble.
Antonio Di Iorio a déclaré ne pas reconnaître sa signature sur ce contrat ni se souvenir l’avoir signé. L’ex-comptable de la secrétairerie d’État, Fabrizio Tirabassi, présent pendant l’audience, a expliqué qu’Antonio Di Iorio avait été appelé en l’absence de notaires de la secrétairerie d’État pour signer ces documents dans le but d’authentifier la signature de Mgr Alberto Perlasca.
Le notaire de la Chambre apostolique a également évoqué un cas, remontant à l’été 2019, où Mgr Mauro Carlino, secrétaire du substitut et également accusé dans ce procès, lui avait demandé de signer une feuille blanche où apparaissait déjà la signature du substitut, Mgr Edgar Pena Parra, ce qu’il avait fait. Il a déclaré qu’il ne savait pas ce qui était advenu de ce document.
Ce procédé a été pratiqué pour un document daté du 18 décembre 2018. Fabrizio Tirabassi a expliqué par la suite qu’il avait été utilisé lors des négociations avec Gianluigi Torzi pour montrer que le Saint-Siège voulait vraiment résoudre la question des 1’000 actions avec droit de vote afin de reprendre le contrôle de la propriété qu’avait obtenu le courtier.
Le tribunal a entendu Fabio Perugia, ancien porte-parole de la communauté juive de Rome et qui dirige une entreprise de relations publiques. En 2017, un de ses clients, le groupe d’investissement financier Valeur group, avait proposé à la secrétairerie d’État de l’aider à résoudre les problèmes liés à l’immeuble de Londres.
Fabio Perugia a confié que des partenaires de cette entreprise lui avaient parlé de l’existence d’un «axe» entre Enrico Crasso et Fabrizio Tirabassi. Ce dernier touchant des honoraires pour diriger les investissements du Saint-Siège vers le Crédit suisse, où le premier travaillait.
Fabio Perugia a aussi reconnu avoir été dans le passé l’associé de Gianluigi Torzi au sein d’une société de ›cash-back›. Cependant, il affirme que le courtisan molisan était «peu fiable» et gérait les affaires de manière «non professionnelle» et «confuse». Après seulement un an et demi de travail commun, il a quitté cette entreprise.
Lors de l’audience devait être entendu l’avocat Renato Giovannini, un proche de Gianluigi Torzi, qui n’a cependant pas pu se présenter à la dernière minute. Au début de la journée, le témoin Robert Lee Madsen, consultant financier pour la secrétairerie d’État, déjà entendu lors de l’audience du 10 novembre, est revenu mais n’a rien ajouté à son précédent témoignage.
Les prochaines audiences seront l’occasion d’entendre des témoins importants: le 1er décembre, le tribunal recevra le témoignage de Gian Franco Mammì, directeur de l’IOR, la banque privée du Vatican, et le premier à alerter le Saint-Siège sur des irrégularités financières à la secrétairerie d’État. Il sera suivi du cardinal Oscar Cantoni, évêque de Côme, d’un certain Stefano Michele Preda, président du Crédit suisse Italie, et enfin de Mgr Alberto Perlasca qui sera entendu sur les conversations révélées par le promoteur de justice le 30 novembre.
Son amie Genoveffa Ciferri ainsi que Luca Dal Fabbro, conseiller financier qui avait alerté sur l’irrégularité du contrat signé par la secrétairerie d’État avec Gianluigi Torzi, doivent témoigner le 2 décembre. (cath.ch/imedia/ic/cd/bh)
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