Le Vatican n’a pas encore répondu aux sollicitations d’I.MEDIA après ces affirmations de l’ambassadeur d’Ukraine, mais de nombreux regards se tournent vers Moscou après la panne informatique qui continue, le 1er décembre, à affecter certains sites internet du Vatican, dans un contexte de crise diplomatique entre Moscou et Rome.
«Les hackers russes ont une fois de plus démontré le vrai visage de la politique russe, directement définie par le Parlement européen comme terroriste», a ajouté le diplomate ukrainien sur Twitter, voyant dans cette panne «la réponse russe aux dernières déclarations importantes du pape François». Andriy Yurash, connu pour sa présence active sur Twitter, avait auparavant parfois critiqué l’attitude jugée trop complaisante du pape vis–vis de la Russie.
Après plusieurs mois de neutralité relative, un tournant dans le discours pontifical a été remarqué dans le contexte de la commémoration de l’Holodomor, le pape ayant dressé un parallèle explicite entre cette campagne de famine orchestrée par Staline dans les années 1930 et l’actuelle offensive de la Russie en Ukraine. «Prions pour les victimes de ce génocide et prions pour les nombreux Ukrainiens, enfants, femmes, personnes âgées, qui souffrent du martyre de l’agression», a déclaré le pape François lors de l’audience générale du 23 novembre.
Il a envoyé deux jours plus tard une Lettre aux Ukrainiens très dense, dénonçant «la terreur déclenchée par cette agression». Sortant de son discours pacifiste, le pape adressait un signal de soutien implicite aux soldats ukrainiens en écrivant: «Je pense à vous, les jeunes, qui pour défendre courageusement votre patrie, avez dû mettre vos mains aux armes au lieu des rêves que vous aviez cultivés pour l’avenir».
Dans un entretien publié le 28 novembre par la revue jésuite America, le pape François s’est exprimé sur les exactions commises par les troupes de la Fédération de Russie en ces termes: «En règle générale, les plus cruels, peut-être, sont ceux qui viennent de Russie mais n’adhèrent pas à la tradition russe, comme les Tchétchènes, les Bouriates et ainsi de suite», a déclaré le pape, faisant référence à deux minorités ethniques qui fournissent souvent des troupes de première ligne dans les conflits en Russie.
Si ces mots avaient sans doute pour but de nuancer la réputation de violence aveugle des troupes russes, et donc d’adresser un signal indirect d’ouverture vers Moscou, l’effet de ces propos a été l’inverse. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a en effet dénoncé dans les mots du pape une «perversion de la vérité», accusant le pontife de vouloir diviser les forces russes: «Nous formons une seule famille avec les Bouriates, les Tchétchènes et les autres représentants de notre pays multinational et multiconfessionnel», a-t-elle martelé.
Plusieurs dirigeants politiques et religieux de ces régions ont également condamné les propos du pape, parmi lesquels le leader tchétchène Ramzan Kadyrov, qui a déclaré que «le chef du Vatican» est «victime de la propagande et de l’acharnement des médias étrangers».
L’ambassadeur de Russie près le Saint-Siège, Alexandre Avdeev, dont le pape a pourtant souvent dit apprécier «l’humanisme», a également protesté auprès des services diplomatiques du Vatican. «J’ai exprimé mon indignation après ces insinuations et indiqué que rien ne pouvait ébranler la cohésion et l’unité du peuple multinational russe», a-t-il déclaré à l’agence russe RIA Novosti.
Cette dégradation des relations entre Moscou et Rome semble donc corroborer, pour de nombreux observateurs, la thèse d’un piratage orchestré par des hackers russes.
Le 24 novembre 2022, le site du Parlement européen a fait l’objet d’une cyberattaque non revendiquée, mais tous les regards se sont tournés vers Moscou, les eurodéputés ayant voté la veille une résolution condamnant la Russie comme «État sponsor du terrorisme».
Sans donner de précision sur les raisons de la panne du 30 novembre 2022, le responsable de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, a confié qu’une «activité anormale» avait été repérée.
Mercredi, en début d’après-midi, il était impossible de consulter l’ensemble des sites hébergés avec le nom de domaine ‘.va’. Durant plus d’une heure, a constaté I.MEDIA, l’accès aux portails Vatican News, Vatican.va ou bien encore aux sites des Musées du Vatican et des dicastères était totalement refusé. Ils renvoyaient un message d’erreur 504 ou 404.
L’activité de Vatican News, qui diffuse de l’information en une cinquantaine de langues, a toutefois pu reprendre dans le courant de l’après-midi. Dans la matinée du 1er décembre, la page d’accueil du site Vatican.va était accessible, mais pas les rubriques internes. C’est sur ce site que sont notamment hébergées toutes les archives des discours, messages, homélies, encycliques, et autres déclarations des papes.
En revanche, il semble que les systèmes internes des employés du Vatican, et notamment leur messagerie électronique, n’aient pas été affectés. (cath.ch/imedia/cv/bh)
I.MEDIA
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