«J’aimerais arriver, comme François d’Assise, dans l’Hymne aux créatures à parler de ma sœur la mort, voilà. La mort ça peut être une salope totale: elle vous prend, comme ça m’est arrivé subitement, quelqu’un et en même temps elle est ma sœur», confiait Bernard Crettaz à cath.ch en 2017.
Le «sociologue de la mort» habitait Fribourg, «à deux pas de la cathédrale». Il avait pour habitude de s’y rendre à peu près tous les jours, «parce que je suis profondément resté assez croyant à cause de la croix et pour la sculpture représentant de la mise au tombeau du Christ, située au fond de la cathédrale.»
La question de la mort a longtemps jalonné le parcours de Bernard Crettaz. «La mort je suis tombé dedans quand j’étais petit, parce que les vieux et mes parents ne me parlaient que de ça. On ne peut pas apprivoiser la mort», expliquait-il en 2007, dans l’émission «Singulier». En 1982, il a été mandaté, avec sa compagne Yvonne Preiswerk elle-même sociologue, par les Pompes funèbres générales pour réfléchir à la question des rites et coutumes qui accompagnent la mort dans la société.
Suite à un premier colloque organisée en 1981, intitulé «Approche de la mort ici et maintenant», ils ont tous deux fondé la Société d’études thanatologiques de Suisse romande en 1982.
Bernard Crettaz est connu pour avoir a créé les fameux «Cafés mortels» en 1994. L’idée était de réunir la population au café pour parler de cette thématique. Ces espaces de parole dans l’atmosphère informelle d’un coin de bistrot allaient connaître un succès fulgurant, bien au-delà des frontières suisses. En 2004, Bernard Crettaz a transmis le flambeau à une nouvelle génération.
Bernard Crettaz est né en 1938 à Vissoie (VS), dans le Val d’Anniviers. Avant ses études universitaires, Bernard Crettaz a accompli trois ans de séminaire catholique à Sion (petit puis grand séminaire) dans l’intention de devenir prêtre. En auditeur libre, il a aussi découvert le monde protestant. Il a renoncé à la prêtrise pour des raisons de célibat.
«Je suis né, disait-il, dans une familiarité de la mort, avec des formes de religion populaire très très païennes dans mon Val d’Anniviers et en même temps un enseignement au catéchisme, où au fond, il s’agissait quand même chaque nuit, avant de dormir, d’invoquer tous les saints protecteurs, les anges gardiens autour de son lit, pour éviter la mort subite et surtout éviter la mort en cas de péché mortel!»
Le sociologue avait obtenu en 1979, à 41 ans, un doctorat en sociologie de l’Université de Genève, où il était chargé de cours. En 1976, il a été nommé conservateur du département Europe du Musée d’ethnographie de Genève.
L’Anniviard a également été conservateur du département Europe au Musée d’ethnographie de Genève (MEG), jusqu’en 2000 au moment de sa retraite, et chargé de cours au département de sociologie de l’Université de Genève, jusqu’en 2003.
Très fragile sur le plan cardiaque, Bernard Crettaz avait subi plusieurs pontages, a précisé Simon Epiney à Keystone-ATS, confirmant une information de la RTS. Malgré cela, il travaillait «comme avant», notamment sur une nouvelle édition de son livre «Cafés mortels» (Labor et Fides) publié en 2010 et prévue pour le mois d’avril. Il était «très enthousiaste», a expliqué son éditeur à Genève. La mort ne lui a pas laissé le temps de finir ce travail.
«Dans la vie assez turbulente que je vis, pris entre la recherche de la sagesse avant de mourir et la dispersion dans ce qui reste de vie à vivre, je vais régulièrement dans la mise au tombeau (à la cathédrale de Fribourg, ndlr) pour que le Seigneur me prenne dans sa nuit. On verra plus tard s’il me conduit à sa lumière», confiait le «sociologue de la mort», comme on l’avait surnommé.
«La mort et la vie se sont livré un combat mortel, c’est le cas de le dire. Au-delà reste l’énigme fondamentale qui s’appelle Dieu», admettait Bernard Crettaz. (cath.ch/com/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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