En premier lieu, ces faits révèlent une défaillance dans la gestion des ressources humaines. En France, la nomination des évêques est réalisée sur proposition des nonces apostoliques. Ils sont choisis en général parmi les vicaires épiscopaux qui sont les plus proches collaborateurs des évêques. Que ces derniers aient pu proposer ou même soutenir des personnes qui avaient commis des actes civilement ou pénalement répréhensibles dépassent l’entendement. Leurs propositions montrent à quel point la loi du secret règne encore dans certaines parties de l’Eglise. Les autorités épiscopales étaient manifestement dans l’incapacité d’agir quant aux dysfonctionnements de leurs collaborateurs et mal formées dans la gestion des ressources humaines.
Cette affaire illustre également les trop lourdes charges qui reposent actuellement sur les évêques, y compris en Suisse. Ceux-ci exercent dans leur diocèse, et en dernier recours, tous les pouvoirs. C’est un héritage de l’histoire, mais il ne correspond plus aux exigences d’une gestion de qualité. Certains s’en sont rendus compte et ont commencé à déléguer et à exercer leurs responsabilités de façon davantage collégiale. Soulignons ici les mesures prises par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, dans ce sens. Le Synode devrait encourager une telle démarche et revoir le fonctionnement de la hiérarchie ecclésiastique pour la rendre moins pyramidale.
«Il est vrai que le mal est un fruit inévitable de notre liberté»
Cette vision pyramidale crée le désarroi des fidèles quand l’évêque trahit son rôle. Comme il est investi de toute l’autorité, les fidèles sont perdus quand celle-ci est à juste titre mise en cause. La Conférence épiscopale française a réagi, mais ses membres étaient eux-mêmes désemparés car ils ne savaient rien de la situation de leurs confrères cités, avant leur réunion au début du mois de novembre. Le secret et le manque de transparence ont fait des ravages et ils ne sont pas compatibles avec la vision d’une Eglise peuple de Dieu.
Enfin cette affaire nous confronte avec le mystère du mal. Dans le Notre Père nous disons tous les jours «délivre-nous du mal», mais quand nous y sommes confrontés, nous détournons souvent le regard. Et ce n’est pas propre aux chrétiens et aux chrétiennes. Notre société abonde de faits divers vicieux. Elle les illustre dans des films ou des infos tous les soirs à la télé. Mais elle aborde peu les conséquences du mal pour les victimes. Elle n’aime pas réfléchir à la question de la souffrance.
Il est vrai que le mal est un fruit inévitable de notre liberté. Quelle que soit sa gravité, il entre en conflit avec la recherche de l’amour et donc il s’oppose à notre rencontre avec Dieu. Et pourtant, Dieu souffre du mal que je peux faire. Il souffre aussi du mal qui est provoqué à l’intérieur de l’Institution Eglise par ses filles et ses fils. Et il est le plus proche de toutes les victimes. On l’a qualifié de tout puissant sans comprendre que cette toute puissance est une toute puissance de l’amour et de la miséricorde. «Ce que Yahvé réclame de toi: rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec ton Dieu» (Michée, ch.6, verset 8). Marchons donc ensemble vers cette justice miséricordieuse qui ouvre notre cœur à la présence de Dieu.
Jean-Jacques Friboulet
30 novembre 2022
Portail catholique suisse