Le Vatican fixe les critères pour une finance éthique

L’Académie pontificale des sciences et des sciences sociales a publié le 25 novembre 2022 le document Mensuram Bonam. Le texte énonce des critères éthiques pour les investisseurs catholiques.

Les 50 pages de Mensuram Bonam entendent énoncer des «mesures cohérentes avec la foi pour les investisseurs catholiques». Le Vatican détaille ainsi pour la première fois explicitement une série de critères dont les investisseurs sur les marchés financiers devraient tenir compte, rapporte le journal La Croix. Ils suivent en général les lignes directrices de la Doctrine sociale de l’Eglise.

S’interroger sur le bien commun

Le document alerte notamment sur «24 catégories» d’investissements problématiques, parmi lesquelles la promotion de l’avortement, des armes, de la peine capitale, de la contraception ou encore de la pornographie. L’Académie des sciences sociales déconseille également les investissements dans «l’ingénierie génétique» (comprenant notamment le secteur des OGM), les «jeux vidéo et les jeux déshumanisants», les «expérimentations sur les animaux» ou encore les secteurs favorisant la «violation des droits des peuples indigènes».

Dans l’attente d’un écrit du pape

Dans le document, le pape François invite, dans la ligne de son encyclique Laudato si’ (2015), à avoir le courage d’abandonner les sources d’énergie fossile. Le Saint-Siège y énonce également des valeurs plus générales, invitant les investisseurs à se questionner sur la personne humaine, le bien commun, la justice sociale, ou encore la solidarité.

Entamée en 2016, Mensuram Bonam est le fruit d’un travail de plusieurs années. Une quinzaine d’économistes ont directement travaillé à son élaboration et une soixantaine d’autres ont été consultés. Sur le point d’être publié en 2020, ce texte avait été jugé par certains, au Vatican, trop proche d’une ligne libérale, ce qui avait poussé à la révision du projet. Le texte ne fait pas à proprement parler partie du magistère de l’Église catholique, mais laisse espérer un futur document sur le sujet, directement signé du pape François.

Sommes considérables en jeu

Si la réflexion n’en est qu’à ses tout débuts, l’enjeu est considérable, note La Croix, et dépasse de loin celui des placements financiers opérés par les communautés religieuses. Certaines études estiment que plus de 2’000 milliards «d’argent chrétien», émanant d’institutions chrétiennes mais aussi de croyants, sont investis dans le monde.

Au sein et en dehors de l’Église, le mouvement de désinvestissement des combustibles fossiles n’a pas attendu le document du Vatican. Il a même connu une croissance exponentielle ces dernières années. Selon un rapport de 2021, plus de 1’485 institutions, dont les actifs combinés s’élèvent à plus de 32’000 milliards de livres sterling, ont pris une forme d’engagement de désinvestissement. Les organisations confessionnelles ont été à l’avant-garde de ce mouvement mondial, représentant plus de 35% de la somme totale retirée.

A la veille du sommet de la COP26, à Glasgow, en novembre 2021, les évêques catholiques d’Écosse avaient annoncé leur désinvestissement des combustibles fossiles. Ils ont ainsi rejoint une coalition regroupant 72 organisations religieuses internationales, sur les cinq continents, dont les avoirs s’élèvent à plus de 4,4 milliards de francs suisses. (cath.ch/lacroix/arch/rz)

Raphaël Zbinden

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