«Le ciel de l’Ukraine est sillonné d’instruments de destruction, qui frappent partout, même dans les services pédiatriques, et qui, s’ils ne sèment pas directement la mort, provoquent l’interruption de l’électricité, de l’eau, et de tout ce qui peut réchauffer les foyers et les familles, alors que le froid s’empare de nous et que l’hiver s’étend», s’est attristé le cardinal Sandri lors de son homélie.
Le préfet désormais émérite du dicastère pour les Églises orientales continue à assurer la continuité à la tête de cet organisme jusqu’à la prise de fonction en janvier 2023 de son successeur, Mgr Claudio Gugerotti, dont la nomination a été annoncée le 21 novembre dernier. Le cardinal argentin de 79 ans s’est souvenu avec émotion de ses visites en Ukraine, notamment en 2001 avec Jean Paul II, lorsqu’il était substitut de la secrétairerie d’État. Une autre visite a eu lieu en 2017 auprès des gréco-catholiques ukrainiens, durant laquelle il s’était rendu dans plusieurs villes particulièrement affectées par la guerre actuelle, notamment Kharkiv, Sloviansk et Kramatorsk.
Accompagné pour cette cérémonie par le cardinal Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, le cardinal Sandri a reconnu que l’Holodomor est «moins connu dans les livres d’histoire en Occident» que d’autres campagnes d’extermination, comme l’Holocauste, mené par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale.
Cependant, avec ses déportations de masse et ses campagnes de famine, le totalitarisme soviétique a contribué au déchaînement de «l’abîme de l’iniquité» au XXe siècle, comme Jean Paul II l’avait rappelé dans son livre Mémoire et identité, publié quelques mois avant son décès. Aujourd’hui, l’offensive russe en Ukraine réveille ce traumatisme. Le cardinal Sandri a rappelé la proximité du pape François qui, dans sa Lettre aux Ukrainiens du 25 novembre, «a parcouru les chemins de la douleur et de la dévastation, des larmes et des croix» assumés par les Ukrainiens dans leur histoire et dans leur actualité.
Concernant l’attitude du pape, qui fut critiqué par certains Ukrainiens pour son approche jugée trop conciliante vis-à-vis de la Russie, «on voit un changement, petit à petit, avec des paroles très claires, très nettes. Son message pour le 90e anniversaire de l’Holodomor a été très réconfortant», remarque Natalia Karfut, une jeune femme ukrainienne vivant en Italie depuis 16 ans, interrogée par I.MEDIA à la sortie de la basilique.
Elle rappelle que dans les années 1930, «le monde ne savait pas ce qui était en train d’arriver», et que le silence a été maintenu durant plusieurs décennies, jusqu’à la chute de l’URSS et à l’indépendance ukrainienne, en 1991.
Longtemps, «les personnes qui ont survécu n’ont pas voulu parler de ce qui était arrivé, parce qu’elles avaient vécu des choses atroces qu’elles ne réussissaient pas à verbaliser, des choses vraiment inhumaines», confie-t-elle. Seules quelques photos, projetées dans la basilique Santa Sofia dans le cadre d’un concert organisé après la Divine Liturgie, apportent un témoignage direct des atrocités vécues par la population ukrainienne. La famille de Natalia Karfut, qui vit dans l’ouest de l’Ukraine, n’avait pas été directement menacée par cette campagne, mais sa grand-mère gardait en mémoire la prise en charge dans leur foyer d’un enfant venu de l’est du pays dans les années 1930, et qui est ensuite reparti avec sa mère après deux ans de mise en sécurité.
Dans le contexte de l’actuelle offensive russe et des bombardements ciblant notamment les infrastructures électriques, Natalia Karfut souligne que les nombreux Ukrainiens qui s’apprêtent à passer l’hiver dans le froid «sont en train de vivre un autre type d’Holodomor. Ils pourraient mourir de froid. J’espère que l’on pourra trouver des solutions pour protéger les Ukrainiens de ce nouveau génocide qui est en train de se produire sous les yeux de tous», avec une couverture médiatique qui permet au reste du monde de suivre les évènements «en direct».
Au-delà des aides immédiates, elle espère que la communauté internationale saura se mobiliser pour garantir une «paix juste» et éviter à l’Ukraine de se retrouver à nouveau «en condition d’agression dans 10 ou 20 ans». Ainsi, avec le soutien du reste du monde, «notre peuple connaîtra sa Résurrection», ont assuré les Ukrainiens participant à la célébration. (cath.ch/imedia/ak/rz)
I.MEDIA
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