L’évêque du diocèse bavarois d’Eichstätt et son vicaire général ont activement entravé, dans les années 1960-1970, la poursuite pénale d’un prêtre recherché par la police pour pédophilie. Ils lui ont permis notamment de fuir d’abord en Afrique, puis en Amérique latine.
La commission indépendante de recherche sur les abus sexuels dans le diocèse d’Eichstätt, en Bavière, a publié le 24 novembre 2022 un rapport accablant pour la direction du diocèse. L’évêque et son vicaire général ont empêché la recherche d’un ecclésiastique faisant l’objet d’un mandat d’arrêt pour pédophilie à la fin des années 1960.
L’affaire avait déjà été révélée en été 2022 dans une étude de l’avocate de Cologne Bettina Janssen, mandatée par la Conférence épiscopale allemande. Sous l’abréviation «FD-04», il y était question d’un prêtre diocésain d’Eichstätt qui a d’abord disparu en Afrique en 1969 avant de partir pour le Brésil en 1973, alors que des enquêteurs allemands étaient à ses trousses. De nombreuses années après l’arrêt des recherches, il est revenu en Allemagne et a pu continuer à exercer son ministère pastoral jusqu’à sa retraite, sans être inquiété.
Le rapport d’Eischtätt livre diverses informations supplémentaires. Il cite notamment un mandat d’arrêt bavarois du 3 avril 1969 qui dresse la liste de cinq présumées victimes âgées de 9 à 17 ans et fait mention en détail de plusieurs actes d’abus sexuels graves. Dans d’autres documents, la commission a trouvé diverses déclarations et allusions de supérieurs concernant d’autres cas d’abus. Elle part du principe que le prêtre a abusé d’une dizaine de mineures jusqu’en 1969.
Avant même son ordination en 1956, l’homme s’était déjà fait remarquer par son comportement inapproprié vis-à-vis des jeunes filles. Selon le rapport, les abus sexuels sont documentés à partir de 1965 et auraient été connus de la direction du diocèse d’Eichstätt au plus tard depuis 1967. En particulier d’Alois Brems, le vicaire général de l’époque, devenu évêque du diocèse en 1968.
Lorsque la police commence à enquêter en 1969, la direction du diocèse d’Eichstätt tente d’abord de placer le prêtre dans des diocèses voisins, à Augsbourg et à Munich-Freising. Mais ils refusent. Début mars 1969, «FD-04» se trouve apparemment à l’abbaye des bénédictins de Münsterschwarzach.
Les circonstances exactes et la date de sa fuite hors d’Allemagne ne sont pas claires. Mais depuis l’été 1969, l’ecclésiastique recherché se cache en Tanzanie, dans le diocèse de Njombe, qui entretient des liens avec Münsterschwarzach. Des indices indiquent que le diocèse lui versait régulièrement de l’argent, sous forme de dons pour la mission.
Selon le rapport, la direction de l’évêché d’Eichstätt de l’époque savait donc où se trouvait le prêtre recherché, contrairement à ce qu’elle avait affirmé aux enquêteurs de la police.
A la fin de l’année 1976, la police a mis fin à l’enquête. Le chemin du retour est libre, mais ‘FD-04’ ne l’empruntera que huit ans plus tard, en faisant un détour par l’archevêché de Munich et Freising, où il semble désormais qu’il n’y ait plus de réticences à son engagement dans la pastorale paroissiale.
Dans un avis de droit séparé, la commission d’Eichstätt veut clarifier la responsabilité – également pénale – des dirigeants du diocèse de l’époque. La commission estime qu’il est pour le moins moralement condamnable que les dirigeants ecclésiastiques n’aient pas vu en ‘FD-04’ un coupable et encore moins un criminel, mais un «confrère qui, pour quelque raison que ce soit, a dû suivre un chemin de souffrance». La citation est tirée d’une lettre du vicaire général de l’époque, Josef Pfeiffer.
Outre la direction du diocèse d’Eichstätt, la commission soupçonne également d’autres personnes ayant aidé à la fuite à l’abbaye de Münsterschwarzach. Mais aucun document n’a été trouvé et les témoins de l’époque qui auraient pu donner des informations sont entre-temps décédés. (cath.ch/kna/mp)
Maurice Page
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